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dimanche 27 mars 2011

Va te laver… tout…

Va te laver… tout…

03 Avr
4ème dimanche Carême
Laetare

-          1 Sam. 16,1.6-7.10-13.


Le pouvoir de guérison est toujours dangereux à exercer, surtout quand il peut être pris pour de la magie, blanche ou noire ! Quand Jésus s’y adonne, il semble que ce soit pour exercer en fait et révéler en clair sa mission. Les mots sonnent peut-être un peu de façon clinquante, ainsi c’est ainsi ! Il est venu, nous dit-il et toute la théologie après lui, pour rétablir l'humanité dans sa dignité première. Aujourd’hui Jean nous rapporte un magnifique exemple archétypal, puisé dans la mémoire collective de la création du monde.


Jésus se penche aujourd'hui sur le limon de la terre d'où nous avons été tirés (Genèse 2, 7). Il refait le geste initial du Créateur en y ajoutant un remède de l'époque: les blessures guérissaient mieux, selon la coutume populaire, si l'on y appliquait de la salive.

Il le fait donc : boue et salive. Il en enduit les yeux de l'aveugle et l'envoie à une piscine du bas de la ville, celle de l’Envoyé (c’est ce que veut dire « Siloé » ! Intéressant non ? L’envoyé de Dieu envoie l‘aveugle se laver les yeux, chez « l’envoyé » !).
L'aveugle y court bien sûr ! Et si c’était vrai ! Il veut tellement voir, qu’il prend tout ce qui se présente ! Il veut voir absolument… Il ne sait pas que sans le savoir, il va/veut voir… l’envoyé de Dieu lui-même !


C’est pourquoi le texte fonctionne comme aux premiers jours de la création ! « Il lava ses yeux dans la piscine et il fut baptisé dans le Christ » dit Augustin (Tractatus in Ioannem, 44, 2).

Et Jean nous monte une véritable pièce de théâtre, avec toutes les opinions possibles, ténébreuses et perverses, et les contradictions des maîtres du droit et de la justice…C'est un récit plein d'ironie sur l'illogisme et la bêtise crasse de ceux qui s'opposent au bon sens comme à la foi. L'aveugle a pourtant trouvé - sur la route de l’envoyé à l’envoyé -, l'unique source de la lumière. Voilà, il voit, enfin !

La scène rédigée vers les années 100 illustre bien ce qui a du se dérouler du temps des premiers chrétiens, de ceux qui, eux aussi, avaient vu la lumière dans les yeux de l’Envoyé ! Il leur fallut sortir de la synagogue pour avoir reconnu le fils de Dieu en cet envoyé : c’était vers 80, à la suite de la célèbre assemblée des pharisiens tenue à Jamnia.

Comme beaucoup de chrétiens de cette époque, les parents de l'aveugle-né se défilent: ils ont peur d’être mal vus, ils se rallient aux « aveugles volontaires » pour n'être pas exclus comme ceux qui se s’étaient ralliés à l’Envoyé. De leur côté, les « autorités » qui prétendaient tout connaître de Dieu, et qui se croyaient inébranlablement  établis dans la vérité, se bouchent les yeux et les oreilles. « Sourds et muets devenus », ils ne voient ni n’entendent plus… qu’eux-mêmes ! Ils rejettent l'évidence pendant que l'aveugle qui voit, maintenant guéri, poursuit seul sa démarche jusqu’au bout, pour enfin reconnaître en Jésus l’Envoyé qui l’a envoyé à l’Envoyé. 


Il peut toujours se demander où est le problème sinon dans le crâne de ses opposants. Il se le demande encore ! Et nous avec !  Car nous, il nous faut nous demander aussi – un jour ! -, de quoi nous avons besoin  d’être guéris !  Quels gestes faut-il poser ? Quel envoyé nous enverra vers quelle piscine ? Car à la fin, c’est l'aveugle qui voit, et les maîtres qui sont aveugles ! Renversement anti miraculeux !

*      *
*

Que va-t-on pouvoir évoquer comme excuse ? Quelle culpabilité ? Celle de nos parents ou de nous –mêmes l'homme quand nous étions encore dans le sein maternel ?
Jésus écarte toutes les explications mais n'aborde pas pour autant la question de la souffrance innocente ! Sa réponse (« pour qu'en lui soient manifestées les œuvres de Dieu ») n'est pas non plus une explication de cause (comme si Dieu l'avait rendu aveugle pour pouvoir le guérir) mais une explication de circonstances :
cet homme est aveugle,
je vais le guérir
et la gloire de Dieu sera ainsi manifestée.

« L’homme qu'on appelle Jésus » ; lui ne l'appelle pas encore Jésus - c'est-à-dire « sauveur »!
C’est à ce moment que commence la confrontation avec les pharisiens. L'enquête est d'abord honnête : ils s'informent. De toute façon, on doit condamner un faiseur de prodiges qui de plus – le comble ! -, incite à mépriser la loi du sabbat !

Ils ne savent pas encore que le sabbat est fait pour l'homme, et pas le contraire …

Mais ce qui coince, c’est que la guérison est patente ; alors, à la fin, ils usent de la force, l'argument des faibles.
C'est l'itinéraire exactement inverse de l'aveugle !  Car lui, il a une excellente théologie en 3 points :
  1. Jésus est un homme de Dieu, un « prophète » qui accomplit loyalement sa mission ;
  2. le fait du miracle atteste qu'il n'enfreint pas la loi de Dieu, sinon Dieu ne l'exaucerait pas !

  1. Et son ironie éclate quand il dit que l'étonnant pour lui est que les autorités ne sachent pas « d'où vient Jésus » !  
Et il est exclu ! L'aveugle est le premier chrétien exclu de la communauté juive !

Alors seulement se produit le « révélation » :
Jésus lui pose la question de la foi :
  • « Crois-tu au Fils de l'Homme ? »
  • « Tu le vois, c'est lui qui te parle »
Ø      Deux verbes clés dans la bouche de Jésus : voir et écouter : les deux aspects de l'unique révélation.
Ø      Et l'aveugle se prosterne : dans le Temple (Yahvé) certes,  mais devant Jésus (Le Christ)!

La Foi est donc progressive pour l'aveugle : une véritable mystagogie.
  1. Il obéit d’abord : l’obéissance de la foi !
  2. Après le bain dans l'eau de « Siloé / l’envoyé », il voit clair, puis il témoigne du fait.
  3. Puis, il témoigne de Jésus : c'est un prophète !
  4. Enfin, il déclare « Je crois ! » et se prosterne.
*     *
*
Le plus terrible, c’est que Jésus ne condamne pas les pharisiens ; il les avertit seulement afin qu'ils découvrent tout l'enjeu de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance de Jésus : rien moins que demander la guérison de l’aveuglement !
Par leur crispation psychorigide sur leur savoir, les hommes – d’Eglise, souvent -, s'empêchent eux-mêmes de voir et empêchent Dieu d'agir pour eux en vue de les guérir !
Et comme ils n’écoutent rien ni personne, on ne peut même pas leur dire : A bon entendeur, salut !


Laetare !!!

samedi 19 mars 2011

QUI (n') A (pas) SOIF ?

QUI (n') A (pas) SOIF ?
27 Mars

3ème dimanche  Carême

Textes
-          Ex. 17,3-7.
-          Jn 4,5-42.


Accepter de mourir pour un homme juste, c'est déjà difficile !
Peut-être donnerait-on sa vie pour un homme de bien !
Mais se laisser massacrer par et  pour des moins que rien…
en dehors de Jésus, qui ?
(Traduction perso pour Rm 5,8)



C’est le ton exact de la catéchèse que rend ici le style de Jean : pratiquement, « catéchèse » veut dire en grec, « ping pong » ou « tennis » : A toi, à moi ! A toi, à moi ! Avec échange de smatches, de revers et de services !
C’est  le ton de réparties agiles entre deux esprits vifs ! Nous apprenons les étapes du cheminement de la foi, depuis l'inattention, voire le mépris, jusqu'au témoignage et la mission !

La scène est cinématographique ! Script :
  • un Jésus fatigué de la route s'est assis à la margelle d'un puits ;
  • arrive une femme qui semble vivre au ban de la société, puisqu'elle vient seule puiser de l'eau sous le soleil de midi.
  • Lui simplement : “Donne-moi à boire.”
  • Elle objectant : “Vous êtes juif! Ici, c’est la Samarie !”
  • Lui poursuivant, en voyant qu’elle a « soif » elle aussi : “Si tu savais le don de Dieu, c'est toi qui aurais demandé à boire.”
Dur ! Dur pour établir un climat de confiance et d'intimité !

On apprend que cette femme est rien moins qu’instable : elle a déjà raté cinq mariages ! Elle en essaye un 6ème ! Mais elle n’a pas du en être seule responsable ! « Une femme est une femme », disait Jean-Luc Godard !
Elle conserve pourtant un grand espace de liberté et d’attente au fond d’elle-même !
  • Jésus va lui « tendre la main » sur le sentier de la foi : « main-tenant » !
  • Passé le premier mouvement d'impatience, elle lui « tend l'oreille ».

Et la maïeutique christique/ chrétienne se met en marche : à partir d'un peu d'eau, Jésus l'amène au bout de ses questions. [C’est ce qu’on appelle la mystagogie : le guide vers le mystère !]



Jésus promet à une exclue (divorcée remariée récidiviste !),  blessée par la vie, une « eau » qui jaillira dans son cœur comme une source. Il lui révèle donc, dans une métaphore allégorique, qu’il est lui-même la fontaine de vie qui s'ouvre en elle pour ne plus jamais se refermer.
Elle vient de trouver son 7ème amant : parfait et divin, celui-là !

Et le miracle de la grâce, c’est qu’elle comprend çà! Elle comprend surtout que toute personne qui accueille Jésus, aura accès à cette surabondance de vie !

Alors le second miracle – si on peut dire ! -, c’est qu’il lui « dit tout ce qu'elle a fait »: le terrible quotidien des bonheurs d'occasion, des projets sans lendemain, des espoirs et des amours déçus. Il lui révèle que ce n’est pas pour autant qu’elle n’a pas d’avenir, puisqu’elle se reconnaît dans ce passé, son passé, le seul passé qu’elle ait… Sans ça, elle ni personne ne peut avancer !

Mais elle nourrit un tel désir de vie vraie! Alors s’étant mise à la table de la Parole qui s’échange - parce qu'elle a faim et soif de sens - et avide de retrouver sa place au grand soleil de Dieu, elle réintègre le projet du Créateur sur elle.
Au-delà de la chair et du sang – dira Jean dans son Prologue -, Jésus lui enseigne le culte en esprit et en vérité ! Et elle n’a qu’une hâte alors : remise «  en marche », elle court annoncer cette  (Bonne) Nouvelle aux gens de Sykar, qui accueillent Jésus à leur tour.

*    *
*

Peut-être faut-il avoir mené une vie mouvementée – comme notre Samaritaine – et avoir été suffisamment secoué, pour être capable de tendre la main à Dieu qui passe !
Ceux et celles qui continuent de « dormir », continueront de « crever de faim et soif » !

Le dernier sondage[1] nous apprend une schizophrénie (exceptionnellement ?) française : 34% des catholiques français ne croient pas en Dieu !!!
Comment s’y prendrait donc Jésus AUJOURD’HUI les amener à l'eau vive?
Bonne question, non ?

*    *
*

Chrétiens - donc disciples de celui dont nous portons le nom -, nous rencontrons tous, sur nos chemins, de ces exclus  - peut-être en faisons-nous nous-mêmes partie, parfois en tout cas ? -, pourtant invités eux aussi à manger et à boire à la table de CE Royaume ! Ou alors, n’est-ce qu’une naïve « utopie » pour les « simples d’esprit » ? U-topie veut dire « non-lieu » en grec !


En tout cas, ON nous dit :
Le banquet est prêt, la table est mise et la fontaine donne son eau. C’est  l'heure ! (Isaïe 25, 6 et surtout 66, 18-21) !
Si nous n’arrivons pas à changer un peu les menus et à y amener les exclus au hasard de nos rencontres, tout va finir par
refroidir,
s’affadir
et pourrir …


[1] Selon un sondage Harris Interactive publié hier 06 février  par le Parisien/Aujourd'hui en France,
36% des Français croient en Dieu,
34% sont athées,
22% ne savent pas s’ils croient en Dieu mais se posent la question,
8% ne savent pas mais ne se posent pas la question.
Le résultat le plus remarquable de ce sondage est que "34% des sondés qui se disent catholiques avouent ne pas croire en Dieu".
http://tulipe7.free.fr/index.php/2011/02/08/seulement-36-des-francais-croient-en-dieu-22-se-posent-la-question-34-catholiques-avouent-ne-pas-croire-en-dieu/

lundi 14 mars 2011

Trans figuration : vision et perspective

Trans figuration : vision et perspective  

20 Mars
2ème dimanche Carême Année A
 Textes

Voilà, nous avons avancé d’une semaine dans ce temps de remise en question de soi, qu’est le Carême. Il faut maintenant savoir vers où, vers qui on avance ! Quel est notre vrai visage au-delà de tous les masques et de toutes les apparences d notre vie sociale où nous jouons tous un ou plusieurs rôles :
-          All the world’s a stage and all the men and women merely players! (Le monde est un théâtre et chacun n’est qu’un acteur !) écrivait Shakespeare.
Notre Montaigne n’en pensait pas moins :
-          Toutes nos vacations sont farcesques : mundus universus exercet histrioniam (tout le monde joue la comédie)

 
L'événement du Thabor se situe – dans l’élaboration des évangiles -, après l'épisode de la profession de foi de Pierre disant à Jésus: "Tu es le Messie", suivie aussitôt d'une première annonce de la Passion et de la Résurrection. On sait comment Pierre a réagi: "Non, cela ne t'arrivera pas", ce qui lui vaut la réplique de Jésus: «Passe derrière moi, tes pensées ne sont pas celles de Dieu". (surtout quand on connaît l’épisode de son reniement… en sa présence, autour du brasero de la cour devant la maison de Caïphe !) Jésus profite de l‘occasion pour déclarer alors à ses disciples, et à tous: «Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive".

C'est donc quelques 6 jours après (quoiqu’il ne faille pas y accorder plus d’importance temporelle que cela : mais symbolique, oui ! Les chiffres Six & Sept jouant le rôle de l’imperfection et de la perfection) qu'il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean - qui seront plus tard les témoins d'une autre transfiguration, douloureuse celle là,  l'agonie. Dans les deux cas, il s’agit pour lui, de se montrer à eux au-delà des apparences : la gloire certes, entre Moïse et Elie, la Torah et la Prophétie, mais le passage par un dernier combat : c’est le sens premier du mot « agonie »).
Il les/nous emmène donc aujourd'hui sur une haute ( ? une grosse colline !) montagne – pour évoquer manifestement celle du Sinaï (Moïse) avec la nuée qui traduit une intense présence divine (la Shekinah dans le Temple, figurée par la fumée des holocaustes permanents). Luc nous dit que Jésus était en prière, quand son visage et ses vêtements brillèrent d’une éclatante lumière. C’est bien le nouveau Moïse, mieux : c’est "le Fils bien aimé en qui le Père se complait, que nous devons écouter? "

Comme à l’opéra, le Deus ex machina fait apparaître dans la machinerie mythologique les 2 plus grands porte paroles qui annonçaient – vue du côté des chrétiens -, le mystère de Jésus. Luc précise même qu'ils s'entretenaient avec lui de sa mort prochaine à Jérusalem. La mise en scène est proprement magistrale !
Il y a m^me le côté burlesque de Pierre émerveillé qui ne comprend rien (il parle de dresser 3 tentes, en s'oubliant lui même avec ses 2 compagnons ! Trois tentes pour des spectres du passé !). Aucun des trois ne saisit que Jésus, après leur avoir annoncé le destin de sa croix voulait vraisemblablement les réconforter dans leur foi mise à mal on ne peut plus par une telle prédiction, qui n’est pas un seul effet d’annonce ! Au delà de la souffrance de l’agonie sanglante et de la mort ignominieuse proches, il y a la résurrection (faut voir !) que laisse entrevoir la Transfiguration dont ils sont les témoins : y pensent-ils seulement ?



Quand Luc (lui qui n’y était pas : il n’a jamais vu Jésus, il ne le connaît que par Paul, qui lui non plus ne l’a jamais vu !) ajoute qu'en descendant de la montagne il demanda aux  3 disciples de n'en parler à personne ...et que eux se demandaient entre eux ce que cela pouvait signifier.


Questions :
  1. Pour quoi ce mystère ? Et les 9 autres, alors ? On entend les questions ! Bonjour les traitements de faveur !!!
  2. Pierre, Jacques et Jean se demandaient ce que signifiait quoi ? Le phénomène ou bien la défense d’en parler !
  3. Et nous aujourd'hui, que nous « enseigne » cet épisode de la vie de Jésus? Même si nous sommes « avantagés » par ce que nous savons de la mort et de la Résurrection de Jésus ... ?

*   *
*
  • Abraham, qui reçoit l’ordre de quitter son pays pour devenir une grande nation, porter un grand nom, devenir source de bénédiction ..., il a bien fallu qu’il fasse preuve d'une extraordinaire confiance en la promesse divine !

  • Paul, qui nous invite, par le truchement de son disciple, à prendre notre part de souffrance en comptant sur la force de Dieu, à croire à la sainteté de notre vocation qui ne se réalise qu'avec sa grâce ..., comment en est-il arrivé à adhérer au Christ Jésus, dans son « délire » religieux où il l’ « aurait vu », au delà de la mort, resplendir de vie et d'immortalité ?

Le carême, c’est çà :
*      contempler en stéréo
-          Jésus dans SA marche vers Pâques à travers SA Vie et SA Passion,
-          et ces témoins qui chacun à sa place et pour ce qui les concerne, se situent sur ce parcours en prenant position avec leurs sens, leur tête et- leur cœur
*      et faire notre religion de ce qui nous est donné, par la grâce, d’en saisir pour en vivre là où nous sommes, aujourd’hui !

Il est inutile d’insister  sur les difficultés de nos vie quotidiennes (crise, inflation, chômage), les épreuves de tous ordres que chacun peut connaître un jour ou l'autre, sans parler de celles plus ou moins douloureuses des fins de vie ... Autant de croix inévitables qui peuvent marquer notre suite de Jésus sur le chemin du Calvaire et du tombeau.
C’est pourquoi ce midrash - petit sermon imagé où se mêlent légendes, morales et folklore comme dans  les paraboles du rabbin Jésus - la Transfiguration rapportée par Luc – qui écrit pour des lecteurs de langue grecque qui aiment le « sensationnel » -, doit être reçu comme une source de l'Espérance la plus merveilleuse qui donne sens à notre vie, en toute circonstance : « Dieu veille sur ceux qui mettent leur espoir en son amour », chante le Psaume 33, car tous ce qui arrive à Jésus annonce ce qui nous arrivera : sa vie, sa mort et… sa résurrection ! C’est pourquoi, du côté des contemporains, voici 3 disciples, côté éternité, voici les plus grands pour le Juif qu’est Jésus : La loi (Moïse) et les Prophètes (Elie) !

*    *
*

Vous roulez seul sur une route inconnue. La nuit est noire; la pluie rend périlleuse la succession rapide des pentes et des courbes. Soudain, un immense éclair illuminé tout le paysage: vous vous sentez rassurés pour avoir vu d’un  coup l'ensemble de la route. Maintenant vous continuez de rouler, en  sachant que … il y a une route et qu’elle mène quelque part !

C'est l'expérience du Tabor. Depuis un certain temps on ne sait plus très bien où Jésus nous mène !
L'opposition grandit et ses jours sont comptés. Surtout qu’il ne s’en cache pas, en leur annonçant tout de go qu’il devra  souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter” (16, 21). En attendant : “Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j'ai mis tout mon amour.” (écho du Baptême : Mt 3, 17 et 12, 18.),  ça fait du bien de l’entendre !



Plus que de l’espérance : une vision et une perspective !

dimanche 6 mars 2011

Le paradigme Jésus

Le paradigme Jésus

13 Mars 2011

1er dimanche Carême Année A
Textes
-          Gn 2,7-9.3,1-2.
-          Mt 4,1-11

Comment mener son existence pour la réussir ? Comment découvrir le sens de sa vie ?
C’est la question sempiternelle de chacun surtout quand, jeune, on a l’opportunité de se la poser, et, moins jeune, on a le sentiment de ne plus avoir tellement de temps pour y répondre !
C’est peut-être cela en quoi consiste le fondement de toutes les civilisations : le résultat de toutes les réponses apportées par les hommes à cette question !



Borné dans sa nature, infini dans ses voeux
L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux !
Imparfait ou déchu, l’homme est le grand mystère,
Dans la prison des sens enchaîné sur la terre
Esclave il sent un cœur né pour la liberté,
Malheureux il aspire à la félicité ![1]

Les illusions ! Oui, aveuglé par ses illusions, il se prend souvent pour qui il n’est pas : un surhomme, un ange ou même un dieu. L’ange et/ou  la bête, selon Pascal. Enlisé dans ses échecs, englué dans ses faiblesses, il peut finir par désespérer de lui-même : c’est la drame de tous les Judas, à qui il manque l’esprit d’enfance de Pierre : l’orgueil du premier le menant au suicide, l’infantilisme du second l’amenant à pleurer et à demander pardon (77 fois 7 fois) !

Et l’autosuffisance ! Illusion et autosuffisance ! Gérer son existence, organiser le monde et construire son bonheur selon ses propres plans, et seulement suivant ces plans ! Son dessein !
Il  a montre qu’il s’y connaît en paradis terrestre, ne serait-ce que pour réussir (souvent ?) à bâtir diverses variantes d’enfers...
Tout alors, Dieu en dernière analyse, peut lui apparaît comme un rival dont il se détourne. On peut comprendre que chacun veuille mener seul sa barque, et surtout décider seul du bien et du mal : cette affaire de conscience. Et c’est bien en définitive là-dessus qu’il aura des comptes à rendre, si tant est qu’il y en aura !
L’homme est cet animal « raisonnable » qui  veut ne rien devoir qu’à lui-même, qui veut se construire seul, sans Dieu ni maître. Les alliances ne valant que pour ceux qui y croient, il s’en passe, même quand elles « sentent » l’amour ! C’est ce dont il se défie le plus, bien qu’il sente ne se souhaiter que cela !



En fait, il veut être son propre dieu : son  ambition est de tout posséder et de tout dominer. Voilà le péché ? C’est bien pourtant ce qu’ « ON » lui avait promis, non ? (Gn 1,28)
  1. Et Dieu leur dit (à Adam & à Eve) :
  2. " Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre
  3. et soumettez-la, et dominez sur la mer, le ciel et la terre. "

C’est l’usurpation de ce qu’il n’est pas – Dieu - qui montre sa bêtise, sa paranoïa, son irresponsabilité !!!
Mais Rien n’est jamais perdu pour Dieu : c’est pour cela qu’il est Dieu, justement ! La réconciliation, c’est son truc. Parce que sans elle, tout ce qu’il a créé eût été vain !
Et l’homme ne pouvait que vouloir être LUI, sinon pourquoi l’a-t-il fait à son image ? Oui, mais voilà ! Il l’a fait en deux morceaux complémentaires, deux moitiés à la fois égales et distinctes, comme les membres de la famille trine où chacun est égal aux deux autres et distinct d’eux !

C‘est, ici, ce qui arrive à Jésus est paradigmatique : il affronte avec nous, en tant qu’homme, les tentations humaines, toutes les tentations aux masques séduisants. Il rend à l’homme sa véritable liberté, et lui permet de retrouver le visage de Dieu et le visage des hommes.
Le carême est là dedans : se repositionner par rapport à Dieu et par rapport aux autres hommes.

La question demeure. Comment apaiser ma/ta/sa soif légitime de bonheur ?

Ah, l’enivrante possession des nourritures terrestres, susurre la voix claire obscure d’André Gide !
Et la tendresse, b…. l ! Et la chaleur, la sollicitude et l’amour, murmure une source venue du plus loin des profondeurs !

Celui qui instrumentalise Dieu, essaie de s’en servir (plus ou moins) « discrètement » pour défendre en fait ses propres idées et promouvoir ses propres projets, acquérir du pouvoir et briller devant les hommes !
Les rêves peuvent se révéler très infidèles ! Ils peuvent instiller que Dieu est un frein à mon épanouissement et à mes conquêtes : effectivement s’il n’y a pas d’autre dieu que moi, et que le monde est mon royaume. Que ma volonté soit faite donc, et non la sienne !



Mais cette loi dis-tu révolte ta justice,
Elle n’est à tes yeux qu’un vulgaire caprice
Qu’un piège où la raison trébuche à chaque pas :
Confessons-la Byron et ne la jugeons pas
Que celui qui l’a fait t’explique l’univers.
Ici bas a douleur à la douleur s’enchaîne
Le jour succède au jour et la peine à la peine !

Ce qui ne laisse pas d’être vrai ! Ce serait mensonge que de le taire !
La grandeur de l’homme, découvre-t-il alors, c’est à la fois de ne pas se soumettre à la fatalité, mais de se coltiner avec elle, par pensée, par parole et par action
Et de s’abandonner EN MÊME TEMPS AVEC CONFIANCE à son créateur, en toute liberté et assentiment de tout son être !

La tentation, la parole pervertie, mensongère, la déconstruction de l’humain, la menace du non-sens et de la mort : rien que de très « normal », dans la mesure où la loi de la paranoïa l’emporte
[Je sui en train de rédiger ce texte, le 1er mars, et j’entends Kadhafi prétendre devant la presse internationale que son, peuple l’aime au point d’être prête à mourir pour lui, alors qu’il vient de faire bombarder Benghazi !]

Quand Jésus est conduit eu désert - immédiatement après sa désignation par le ciel devant son cousin « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; en lui, j’ai mis tout mon amour »-, c’est pour administrer la démonstration de Dieu, qui se soumet à la condition humaine. Mais comment un homme véritable peut-il entendre une telle parole ? Comment un être humain peut-il consciemment recevoir la Parole divine lorsque celle-ci lui déclare un tel amour ?
Jésus ne répond rien à la déclaration divine à son égard! Personne ne dispose de parole humaine capable d’y correspondre adéquatement. Il reste sans parole et va dans le vide du désert pour répondre par le silence de son adoration : silence abyssal au lieu de la solitude, du dépouillement, de la précarité. Peut-être ( ?) afin qu’une parole véritablement humaine puisse naître après que la révélation divine ait plongé cet homme dans un éblouissement de reconnaissance.
Mais cet abîme, sera-t-il celui de la vie ou de la mort, de la vérité ou du mensonge, de la liberté ou de l’esclavage ? Car une faille s’ouvre ainsi sur l’infinie  profondeur de l’écho venu d’ailleurs, et fait naître l’angoissante question d’une existence possible :
Si je suis (le) F/fils de Dieu,
-          qui m’empêche de changer ces pierres en pain et d’assurer ma sécurité matérielle ?
-          qui m’empêche de braver une mort qui n’aura sur moi aucun pouvoir ?
-          qui m’empêche de saisir la toute puissance du monde qui s’offre à mon regard ?

Entre contradiction et fantasmes, se joue encore aujourd’hui la vocation divine de l’homme : si je suis aimé, infiniment aimé, pourquoi la faim, la faiblesse et la mort ?
-          Il fallait que ces questions surgissent pour que Jésus puisse parler à son tour.
-          Il fallait que ces fantasmes le submergent pour que sa liberté d’homme soit pleinement engagée dans le combat de la foi.
-          Il fallait que son esprit connaisse le vertige d’une jouissance illimitée pour devenir filialement responsable de sa confiance en l’amour du Père.



Mais comment Jésus - et l’homme à sa suite -, retrouve-t-il le chemin de la liberté d’un fils/d’une fille, sinon en se fondant lui-même sur la Parole du/d’un Père. Il faut par trois fois traverser l’épreuve fondé sur ce roc de la vérité qu’est la fidélité à : « toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » (Dt 8,3).
Un/une Fils/Fille d’homme répond à et par la Parole révélée
Au milieu de « rien », Jésus a ainsi assumé son humanité à travers une parole libre, véridique et donnée :
-          libre face à Dieu parce qu’il a refusé l’idolâtrie,
-          véridique au regard de lui-même car il assumé la précarité de sa condition humaine,
-          donnée car il a renoncé à toute forme de relation aux autres fondée sur le pouvoir.

Avec ce Jésus-là peut à présent être annoncée UNE parole qui libère et humanise. D’autant plus que Jésus devient lui-même cette Parole (ce Verbe, ce Logos) d’u Dieu qui se révèle Père, une parole affinée et polie à l’épreuve du « désert », dans la pleine liberté d’un homme devenu adulte.

Le Carême EST ce temps de conversion à une parole sans laquelle il n’y pas d’humanité possible.
-          Ma parole est-elle fondée sur ce que je suis vraiment ?
-          Ma parole est-elle librement fondée sur la confiance ?
-          Ma parole est-elle fondée sur la charité ?

Une parole humaine à l’image de Jésus, Parole éternelle du Père.


[1] Lamartine, Lettre à Byron