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jeudi 26 août 2010

La rupture : enfin / bientôt ?!

La rupture : enfin / bientôt ?!

Ou

Comment transformer ses adversaires en ennemis

Il s’agit de se définir[1] :
-          l’électorat catholique de droite, d'une part,
-          et la tradition de l'Eglise catholique française et sa conception de l’immigration, notamment depuis Vatican II, d'autre part.
Ø      L’Eglise catholique a toujours pratiqué et théorisé, au regard de la Parole de Dieu, l’accueil de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin.
Ø      De ce fait, elle refuse toute politique discriminatoire. Pour elle, il s'agit d'un non-respect du 1er  commandement biblique (amour du prochain) et du 1er commandement évangélique (amour de celui qui est différent, voire même de l’ennemi)[2].

Ainsi dans les années 1970-80, l’Eglise a réfléchi à ce qu'est la France : une grande terre d’immigration : « La crise commence à être surmontée lorsque l'identité chrétienne ne se réalise pas à côté de la vie humaine responsable[3] ».
Ø      Y arriverions-nous, enfin ?

C'est pourquoi il existe des « pastorales » - des politiques défendues par des prêtres - notamment sur l’immigration au niveau du diocèse, mais aussi au niveau des paroisses, ouvertes aux migrants. L’accueil de l’étranger se décline au niveau des différentes instances catholiques.




Pour l'Eglise catholique, puisque l’accueil de l’étranger est garanti par la Parole de Dieu, elle a le devoir de l’accueillir concrètement (en acte et en vérité[4]).

Contre les lois Pasqua en 1986, Louis-Marie Billé, archevêque de Lyon, avait jadis rédigé des textes très réprobateurs sur la politique migratoire du gouvernement de l'époque et les lois Pasqua.

Il existe une vraie tradition :
l'étranger c’est le symbole de Dieu, Abraham c’est le Rom, l’arabe …
Pour l'Eglise catholique, la foi est un pèlerinage. C’est un argument spirituel et théologique :
on est en chemin, on est en recherche. A ce titre là, on ne peut exclure personne.

Le président a commis une erreur, fatale - doit-on / peut-on espérer ? L’Eglise Catholique ne va pas changer pour autant. Nous assistons à une fêlure, qui, lentement mais sûrement, progresse et empire jusqu’à se transformer en une fracture entre un électorat de droite libéral et un électorat de droite catholique, particulièrement sur trois thèmes :

prison, étranger, pauvreté.
Sur ces points, les électeurs catholiques de droite ont davantage de points communs avec des gens de centre gauche qu’avec des gens de droite.
Sur ces sujets, il y a un désaccord de fond car il s'agit d'un désaccord de foi[5].

Quand un gouvernement s’attaque à une des trois grandes figures de l’Eglise catholique (le prêtre, l’étranger, la famille), il y a pour le moins dissension.
  1. NS n'a pas de politique familiale (ou alors oui, en pratiquant le modèle de la famille doublement, ou triplement recomposée, selon de décomptage !) ; 
  2. la figure du prêtre a été mise à mal avec les derniers scandales (pédophilie), même si ce n'est pas la faute de « la France » ;
  3. mais, et enfin, concernant l’étranger, NS s'est vraiment trop rapproché d'une certaine attitude et d’un certain discours proche de l’extrême droite.

Par ailleurs - argument ad hominem, mais comment distinguer entre « les deux corps du roi »[6] ? -, la privatisation, la peopolisation à laquelle s'est livré le chef de l’Etat va de pair avec le capitalisme alors que l’électorat catholique de droite n’est pas capitaliste ; même s'il est libéral. Le chef de l'Etat doit être "institué", alors que NS s'en prend au signifiant –l'amour de l'autre- et au signifié –la fonction. Comment l’homme Sarkozy pourrait-il correspondre au message catholique ? Mais comprend-il seulement ce dont il s’agit, même quand « peopolement », il se fait des gorges chaudes avec son canonicat diplomatique de Saint Jean de Latran (2007), plus saugrenu encore que son co’principat d’Andorre !
Ø      Lorsqu'un chef d’Etat n’incarne plus la condition du chef de l’Etat et que l’institution n’est plus respectée, clairement on se sépare.

·         La toile de fond est tout aussi claire :
-          dans une société laïque l’Eglise et l’Etat sont séparés : bon !
-          mais l’Etat ne peut pas édicter une morale, encore moins des normes religieuses[7].
·         Cependant, il y a un autre élément qui est la société avec des individus qui ont, eux, une morale.
ü      C'est pourquoi, quand l’Etat vote des lois, elles ont inévitablement une portée morale et éthique sur la société (bioéthique, immigration...).
ü      L’Etat ne peut plus faire sans les réflexions morales et politiques : ce sont les individus qui élisent l’Etat en fonction de leurs valeurs. Le gouvernement ne peut pas ignorer les valeurs des individus même si elles ne constituent le cœur ni de la constitution de l’Etat, ni des siennes  propres.
Ø      Il y a TOUJOURS (et plus que jamais) un débat des valeurs !

Depuis les années 1980, God is back : il y a un retour des Eglises ! Tout le monde est d’accord : l’Etat est neutre certes, mais il faut tout de même conseiller l’Etat.



Finalement – tactique houdinesque[8] ou conviction inconsciente[9] -, NS a été plus loin encore puisque c'est lui qui a créé le concept de laïcité positive[10]. Cela signifie que les institutions conseillent mais elles peuvent aussi intervenir, coopérer : mal lui en a pris !

Ce qui se passe depuis quelques semaines constitue un retour de bâton, un lash back. En effet, l’Eglise catholique intervient (enfin !), mais cette coopération comprend des désaccords possibles et l’expression de ces désaccords. De plus – « manque de pot » -, concernant les Roms, le gouvernement touche à des étrangers qui, de plus, sont pour beaucoup chrétiens, c’est dire qu'il attaque l’un des fondements du coopérateur, l'Eglise : et quand on s’appelle Rom !!!

Les paris sont ouverts si la rupture avec l'électorat catholique de droite est/était effectivement consommée[11] !!!
*     *

*
En matière[12] de sécurité, d'immigration et de nation, l’expérience quotidienne montre que les hommes sont naturellement racistes et qu'ils ont du mal à supporter le différent.  A notre nature mauvaise, il faut opposer - avec une infinie patience (Dieu seul !) -, une culture de la coexistence : ni la répression aveugle ni l'indignation incantatoire ne sauraient la réduire, cette nature. Ce genre (de démon) n'est chassé que par la prière et le jeûne. Mt 17, 21

La tergiversation – qui est l’erreur fatale de toute stratégie politique -, en retardant la dénonciation de vérités qu'il aurait fallu avoir le courage de formuler en leur temps, sans se demander à chaque instant si l'on sert ou si l'on dessert un homme politique ou un clan, … sa tergiversation a privé NS soi-même de l'autorité indispensable pour faire comprendre et faire accepter NOW de telles vérités :

  1. Des Roms sont maltraités en Roumanie ? Alors gardons-les chez nous !
  2. Il y a parmi eux de dangereux trafiquants de drogue ? Soumettons-les aux implacables rigueurs de la loi !

A la place qu’entend-on ? Des relents refoulés des cloaques de l’histoire récente !

Emergence d'une violence organisée qui émanerait  de groupes composés de
« Français  de fraîche date » !

Car c'est ainsi qu'on les désigne dans les conversations, dans les sketches des humoristes, et dans les rapports des préfets ! Va encore pour ces « hommes de la rue » ! Mais cette approximation sémantique est absolument interdite à un seul homme : le chef de l'Etat ! Ou alors…

Il ne peut cautionner de discrimination - fût-elle positive ! - entre les citoyens,
selon leur origine, leur race ou leur religion.
Un point, c’est tout !

Que Brice Hortefeux et Christian Estrosi se distinguent dans ce triste exercice, passe : ils ne comptent pas, même s’ils sont « respectivement » (!) l’un ministre de l'Intérieur, à quoi l'autre, apparemment, aspire. Et si les deux passent pour très proches de la « pensée » du chef de l'Etat…, cela en dit long sur les dérives actuelles!
*     *

*

La vague qui gonfle de tous les marécages de la planète, c’est celle de la grande imposture globalisée : aucun rivage où elle s’échoue n’est épargné ! Et les motivations les plus solennellement invoquées pour toutes les croisades – de St Dominique et St Bernard à Donald Rumsfeld et Colin Powell -, constituent hier comme aujourd’hui, les grands mensonges de l'histoire. 




Au nom de l'utopie la plus idéologique sur les vertus contagieuses de la démocratie et la religion : il y aura toujours d'éminents intellectuels pour s'embrigader au service de leur justification.

Cannes, jeudi 26 août 2010


[1] Inspiré d’un [INTERVIEW] La politique sécuritaire de Sarkozy, une rupture avec son électorat catholique ? Olivier Bobineau, chercheur au groupe Sociétés-Religions-Laïcités, maitre de conférences à l'Institut catholique et à Science-Po Paris. - Cycle de cours à l'Institut catholique de Paris intitule Religion, laicite et interculturalite dirigé par Olivier Bobineau. Sipa
[2] Un docteur de la loi posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve : " Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ? " Jésus lui répondit : " Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voici le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture - dans la Loi et les prophètes - dépend de ces deux commandements. " Mt 22, 35-40
[3] Guillet C.-M., La crise du clergé en France (1970-1980). Vocation-Formation. Quelques remarques très partielles à partir d'une expérience de 30années : « Témoignage d'un prêtre séculier, professeur de grand séminaire (1950-1970), maintenant au service de la formation permanente : il juge qu'il y a un vrai problème ; ses causes: inadéquation de la formation avant 1960, fin d'une chrétienté, expérience menée de 1963 à 1970 et venue "trop tôt". Le repli actuel ne fait que masquer la réalité et manifeste un certain découragement, intellectuel et pastoral, du clergé. D'après des expériences vécues, la crise commence à être surmontée lorsque l'identité chrétienne ne se réalise pas à côté de la vie humaine responsable, à côté du monde adulte, à côté du baptême commun, à côté de la "communauté-Eglise-responsable". Supplément (Le) Paris, 1979, no131, pp. 527-557
[5]  Un sondage réalisé auprès de l'électorat catholique indiquait en 2009 que 61% d'entre eux étaient satisfaits de la présidence de Nicolas Sarkozy, en 2010, ils ne sont plus que 41% : 20 points en 1 an ! L’an prochain… à (la) Jérusalem (céleste) !
[6] Ernst Kantorowicz (1895-1963) est un historien allemand naturalisé américain, spécialisé dans l'étude des idées politiques médiévales et de la sacralisation du pouvoir royal. Son ouvrage majeur, Les deux corps du roi (1957), est devenu un classique de l'histoire de l'État, sous-titré une « étude de la théologie politique médiévale ». En se focalisant sur l'étude des Tudor, Kantorowicz y montre comment les historiens, théologiens et canonistes du Moyen Âge concevaient et construisaient la personne et la charge royales ; le roi possède un corps terrestre, tout en incarnant le corps politique, la communauté constituée par le royaume. Cette double nature, humaine et souveraine du « corps du roi », explique l'adage « Le Roi est mort, vive le Roi ! », le corps du souverain ne pouvant précisément mourir.
[7] Cf. le livre "Le religieux et le politique, Douze réponses de Marcel Gauchet", aux éditions Desclée de Brower
[9] NS s’est déclaré devant le Pape résolument chrétien !
[10] Cf. Nicolas Sarkozy intitulé, "La République, les religions, l'espérance", en 2004
[11] Propos recueillis par Anne Collin le mercredi 25 août - Nouvelobs.com, et mêlés aux élucubrations du signataire !
[12] Inspiré de Jean Daniel, La France de Sarkozy, Le NouvelObs,  25.08.2010

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