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dimanche 12 septembre 2010

DROIT DE REGARD

12 septembre 2010
alternative 1
DROIT DE REGARD
24ème dimanche du Temps ordinaire Année C


Lectures
  • Ex 32, 7...14
  • Ps 50
  • 1 Tim 1, 12-17
  • Lc 15, 1-32.

La première leçon de Luc est radicale : tout ce qui est perdu (biens, argent, enfant…) en humanité peut être retrouvé, et alors c'est le plus grand des bonheurs.
Cher lui, toute rencontre devient confrontation : Luc place Jésus avec ses disciples devant les deux groupes d'auditeurs habituels : les pharisiens dévots et les scribes théologiens d'une part, et les publicains collabos et les pécheurs sans foi ni loi d'autre part. Et les disciples assistent à leurs échanges musclés de Jésus, comme s’ils étaient en stage de travaux pratiques. Ils essaient de comprendre ce qui se joue devant leurs yeux, apprenant de visu à établir des relations humaines sur des bases nouvelles.

A notre tour, comme disciples et témoins, aujourd’hui, de la vie et de du testament de Jésus, nous sommes convoqués à réévaluer nos critères d’appéciation pour regarder les gens qui passent et que l'on rencontre de près ou de loin. Une insistance d'attention nouvelle aux autres apparaît. Ceux que la société semble rejeter, les « peu fréquentables », et pourtant si importants aux yeux de Jésus, ne sont définitivement ni perdus, ni exclus. Jésus s'en est expliqué à travers les trois paraboles précédentes : le disciple, en effet, ne peut rester passif devant les exclusions de la société. Il doit être inventif pour en réintégrer le plus possible dans une vraie fraternité humaine, et chaque réussite sera un grand bonheur.

Notons qu’il n'est pas dit de les faire rentrer dans le giron d'une Église quelconque, mais de tenter le minimum : les aider à se rendre de nouveau respectables et à vivre en hommes respectés dans leur dignité d'homme retrouvée. Et si l’un ou l’autre devait devait décider de rejoindre le groupe des disciples, alors la joie serait d'autant plus grande.

Ce que nous constatons dans les quatre rapport évangéliques, c’est un Jésus qui relève le plus souvent les écrasés de la vie et les renvoie à leur vie retrouvée, fût-ce un Samaritain : on se rappelle le « Va, c’est ta foi qui t'a sauvé », lorsqu'il guérit les dix lépreux (Le 17,19). Parfois on l’entend dire seulement : « Viens et suis-moi... », Mais « sans te retourner » (Le 9, 59). Les disciples observent et enregistrent, entre autres, ces deux manières de Jésus de conclure des rencontres : ils apprennent vite, en bons apprentis d’une humanité nouvelle.

Éduquer le regard sur autrui est l'une des insistances les plus constantes - parce que la plus absolue -, de la pédagogie de Jésus avec ses disciples, pendant tout ce « noviciat » qu’il leur prodigue pendant sa vie dite publique !
Gardons à l’esprit que tout « retour » est d'abord une réconciliation dans l'intime du sanctuaire de l’âme et du cœur. C'est seulement là, et après un pardon reçu/donné qui restaure l’homme comme homme, que peut fuser la joie de la réintégration dans la famille humaine, et ce, quoi qu'en pensent les « bien-pensants » ! Jésus dérange ici parce qu’il déplace les distinctions entre séant/mal séant, convenable/inconvenant et conventionnel/inventif !

Aujourd’hui, en ces temps de peur identitaire et communautariste, cette leçon est des plus difficiles à assimiler ! Tant qu’il s'agit de l'intime de l’auto conversion, et qu’on s’y confine, la leçon reste, certes, un appel toujours renouvelé au pardon, et chaque chrétien fidèle en trouve le courage personnel pour son infidélité à suivre le Christ. Mais la leçon est hautement perturbante, dérangeante et dangereuse, lorsqu'il s'agit de remettre en cause - comme c’est le cas chez nous aujourd’hui -, un ordre établi dans sa constante fragilité sociale ! Le regard de la société ! Surtout en plus quand on se trouve à occuper un poste de responsabilité, civile ou religieuse, toutes idéologies confondues !

Comment regarder comme Jésus ceux que notre société et notre Eglise a exclus – elles pourront toujours prétendre qu’ils se sont exclus eux-mêmes ! -, désignés à notre réprobation et même à notre rejet, et qui, pour certains, cherchent éperdument et douloureusement à réintégrer le corps social et ecclésial ? Mais le casier judiciaire n'est plus vierge : malheur à vous, quoi que vous soyez devenus !

 Alors, en Allemagne on « sort » officiellement de l‘Eglise, avec certificat d’auto exclusion (Kirchenaustritt) et exemption d’impôt d’Eglise (Kirchensteuer): c’est possible !
 Et en France, certains demandent à être « débaptisés » ! Ce qui ne veut rien dire et est « impossible » pour l’Eglise, le baptême donnant un caractère ontologique : allez expliquer ça aux gens !
"Le sacrement de Baptême ne s'annule pas. Il s'agit d'une réalité spirituelle qui appartient à Dieu dans le coeur duquel votre nom est inscrit" dixit l'évêché.
Ah, si on n’oubliait pas l'Évangile, qui, lui, se souvient de quelques maximes chères à Jésus :
  • « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugé » ;
  • « La mesure que vous prendrez pour les autres sera celle que l'on prendra pour vous » ;
  • « La miséricorde à ceux qui font miséricorde. »
Et la prière incisive que Jésus lui-même est dit nous avoir laissé, justement chez Luc, pendant ce voyage vers Jérusalem, à la demande des disciples qui le voyaient prier :
  • « Apprends-nous à prier ! »
Et de nouveau Jésus nous place à contre-pied de notre demande :
  • « Pardonne-nous comme nous pardonnons... »
II s'agit bien d'apprendre à traiter les autres comme nous voudrions être traités nous-mêmes :
  • « Fais à autrui ce que tu voudrais qu'on te fasse. »

La Société et l’Etat ne peuvent guère suivre ce conseil sans se mettre eux-mêmes en péril, devant la pléthore de tricheurs et de dangers publics, à tous les niveaux du corps national !
Ne faut-il pas (d’abord ?) protéger les honnêtes gens des malfaisants, les faibles des brutes, les petits des pervers ?
Il est donc toujours urgent de discerner ce que le Christ demande : depuis 2000 ans, ses disciples cherchent à comprendre ce qu'il attend d’eux. Selon les temps, les lieux, les circonstances et les gens… que de variables, d’impostures et de trahisons !
Il semble qu’il s'agisse davantage de modifier le regard que nous portons sur les personnes et non sur leurs actes. Les actes demeurent répréhensibles, quand ils le sont. Et la justice des hommes doit y pourvoir en toute sagesse, justice et équité !
Mais l’être humain – digne de ce nom -, n’a-t-il pas vocation de ne jamais désespérer de la repentance et du pardon, mais au contraire d’être toujours prêt à rendre la confiance et l'espoir, comme nous osons l'attendre pour nous-mêmes sous le regard de Dieu LE Père... malgré tous les égoïstes qui se sauvent avec l'héritage comme « l’enfant dit prodigue » : chacun pour soi, et crève le monde !

Questions :
Y a-t-il un espoir pour les profiteurs ?
Leur cœur de pierre peut-il redevenir un cœur de chair ?
Et les collabos et les hors-la-loi ?

Et tous les nouveaux arrivés ?
Tous les étrangers sont des perturbateurs : ceux de l’extérieur et ceux de l’intérieur ! Par là même, ils investissent le devant de la scène, et quand ils l’occupent, c’est pour longtemps. Pourtant c’est d’eux que viendra(it) la joie, s’ils « se retrouvent » !
D’après le Jésus des évangiles !
L’Eglise de ce Christ elle-même est frappée planétairement ! [Marcinkus et le Banco Spirito Sancto, Maciel et les Légionnaires du Christ, et bien sûr, ] les prêtres pédophiles ne peuvent échapper à la justice des hommes. Nous avons mis du temps pour nous en convaincre. Le mal qu’ils ont perpétré sur la personnes de jeunes êtres innocents, ils peuvent le recommencer et détruire encore des vies d'enfants malgré le pardon qui leur a été parfois donné – un peu légèrement -, par leur évêque, espérant leur guérison.
La protection des futures victimes est un devoir impératif imprescriptible, mais comment
empêcher ces hommes de ne plus nuire, tout leur en accordant miséricorde s'ils
demandent le pardon, en reconnaissant enfin l'horreur de leur méfait ?

Comment sauver leur avenir d'homme à l'intérieur même de la prison des hommes ?

Un homme peut-il être à jamais exclu de notre amour de charité ? Ne sommes-nous pas tenus par notre foi d’inventer comment faire pour le relever à ses propres yeux – pour le ré humaniser -, quand se manifestent enfin son repentir et sa douleur d'avoir commis le mal ? Qui ira le visiter dans sa prison (Mt 25, 36), maintenant qu'il est devenu à juste titre l'opprobre de la société… de ses semblables, ses frères ?

Un court passage (Lc 17, 1-4) - sauté par le choix liturgique des cinq dimanches concernés -, éclaire pourtant bien les deux niveaux du problème éthique :
  • "II est impossible que les scandales n'arrivent pas mais malheur à celui par qui ils arrivent !
  • Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une grosse pierre et être jeté à la mer que de scandaliser quiconque.
  • Prenez garde à vous !" »

C’est en rapprochant des dits comme ceux-là que l’on s’aperçoit que l’enseignement rapporté de Jésus n'est ni naïf ni laxiste. On lui fait ajouter pourtant :
« Si quelqu’un vient à te manquer, fais-le lui remarquer, et s'il se reprend, pardonne-lui.
Te manquerait-il sept fois le jour, et se reprendrait-il chaque fois, pardonne-lui encore et encore ! »
Matthieu le dit autrement :
« Je ne te dis pas jusqu'à sept fois - répond Jésus au pauvre Pierrre qui n’en peut mais ! - mais jusqu'à soixante-dix-sept fois sept fois » (Mt 18, 22).
Si c'est à soi qu'on a fait du tort et que le pardon dépend de nous, passe !
Mais quand il s'agit d'autrui, et particulièrement de ces jeunes victimes, comment favoriser le pardon ?

On comprend d’autant plus l'appel des disciples, et le nôtre à leur suite :
« Augmente en nous la foi ! »
Comment, en effet, trouver la juste attitude du « Soyez parfaits comme mon Père céleste est parfait ! »

La porte du bien agir est bien étroite ! Car depuis Jésus, il ne s'agit plus d'observer seulement la Loi - et il faut le faire ! -, mais de changer son cœur et son regard !
La vie du disciple - fût-il prêtre, évêque ou pape -, « n'est pas un long fleuve tranquille ! ». Et c’est cahin caha que LA SEULE route monte à Jérusalem.

Se mettre à l'école d’un tel Maître, c’est affronter en permanence les forces du mal, sans faiblir, et pratiquer une issue de secours pour tous et pour chacun :
  • jusqu'au bout,
  • jusqu’en haut,
  • jusqu’à la croix de Jérrusalem !

Bring me my bow of burning gold!
Bring me my arrows of desire!
Bring me my spear! O clouds unfold!
Bring me my chariot of fire!
I will not cease my mental fight,
Nor shall my sword sleep in my hand,
till we have built Jerusalem
in England’s green and pleasant land. A moi mon arc d’or en feu !
A moi mes flèches de désir!
A moi ma lance! O nuages défaits !
A moi mon char de feu!
Je ne cesserai pas mon combat spirituel,
Mon épée non plus ne dormira dans ma main,
Jusqu'à ce que nous ayons bâti Jérusalem
Sur la belle terre de la verte Angleterre.

"Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu []. Tenez donc ferme:
ayez à vos reins la vérité pour ceinture;
revêtez la cuirasse de la justice;
mettez pour chaussures à vos pieds le zèle que donne l'Évangile de paix;
prenez par-dessus tout cela le bouclier de la foi, pour éteindre tous les feux traits du malin; prenez aussi le casque du salut,
et l'épée de l'Esprit, qui est la parole de Dieu ».

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