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dimanche 7 août 2011

Chrétiens ? Païens ?

Chrétiens ? Païens ?

14 Aôut
20ème DTO


Textes
-         Is 56, 1.6-7
-         Ps : 66, 2-3.5.6 et 8
-         Rm 11, 13-15.29-32
-         Mt 15, 21-28


S’il y a un leitmotiv dans la prédication  du rabbin galiléen itinérant – qu’était ce Jésus de Nazareth -, c’est que ceux qui étaient le plus loin géographiquement et traditionnellement de lui  - ici la cananéenne de la région de Tyr et de Sidon, un autre jour ce sera un centurion  romain ! -,   aient été ceux qui se sont trouvés les plus proches de sa parole, de son enseignement et finalement du Dieu qu’il annonçait à qui voulait l’entendre !
Il faudrait dire : à qui pouvait l’entendre ! Car il semble s’agir plus de « capacité de réception » que de compréhension ! Le problème semble « neuronal » !
Et en plus dans ces deux cas, ce sont des ennemis païens : des polythéistes sanguinaires[1] ou des occupants ! Comme quoi !


Jésus est clairement entré en territoire païen pour des raisons difficiles à clarifier - bien que de manière évidente il cherche l'anonymat et au moins provisoirement, un éloignement des foules qui l'ont entouré constamment. En dépit de son désir de « repos » (quies, dit pour un retraite !), le voici abordé par une païenne qui en raison même de son importunité introduit la question du salut: Jésus l'apporte-t-il pour les juifs seulement ou également pour les païens et le reste de l'humanité?
Quelle langue ont-ils utilisé pour cet échange on ne peut plus vif ? Grec ? Araméen ? Hébreu ? Grandi en Galilée – le carrefour des nations -, je ne vois pas pourquoi il n'aurait eu aucune connaissance du Grec, même s’il parlait araméen dans la rue et hébreu à la synagogue.

- Laisse d'abord se rassasier les enfants; car il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens.

1.     Les enfants sont donc les juifs,
2.     les chiens sont les païens,
3.     le pain est le salut apporté par Jésus.
En tout cas, en la circonstance, ce n'est pas Jésus qui a le dernier mot, mais plutôt la Syro phénicienne ! C'est comme si le jugement de Jésus sur "ce qui est juste" était censé évoquer l'expression offerte en réponse:

- Il y a des miettes restées du pain mangé par les Juifs à qui le salut a été offert et qui ne sauraient être écartées des enfants des Païens.

Il est impératif de resituer la parole de la femme dans le contexte du surplus collecté par les disciples lors de la multiplication des pains au ch. 6. Car si le trajet décrit ici semble quelque peu « étrange » parce qu'il va au nord du secteur de Tyr à Sidon et puis en arrière jusqu' au sud-ouest vers la Décapole[2] : c'est évidemment dans l'intention de Jésus de rester strictement en territoire Païen pour l'instant.



Ce que les Évangiles nous disent de l’attitude si positive de Jésus envers les païens a donc pu être influencé  par les premières expériences de rencontres entre les disciples de Jésus d’origine juive et  les païens voulant devenir chrétiens après l’abandon de la Terre d’Israël pour rejoindre la capitale de l‘empire : Rome.
Autrement dit :
-         est-ce l’attitude « naturelle ou volontaire » de Jésus que nous rapportent les évangiles,
-         ou bien la nécessité des disciples en diaspora leur fait-elle présenter un  Jésus si proche des païens ?

Au temps de Jésus, les Juifs divisaient la société en deux clans : le peuple juif qui était le peuple choisi par  Dieu, celui qui avait accueilli ( ?!)  son enseignement (la Tora),  et les autres peuples (les  goïms) qui avaient d’autres dieux.   
Les Évangiles – rédigés entre 70 et 100 environ, remarque-t-on -, sont unanimes à situer l’essentiel de la prédication et de l’action de Jésus dans la province de Galilée. Il est vrai que c’est là que Jésus a vécu sa jeunesse, mais on  pourrait penser que son action aurait dû privilégier Jérusalem, le cœur de la vie juive. La
Galilée était en effet un monde où juifs et non juifs étaient mêlés. Son surnom était donc la  Galilée des peuples.



Ce choix de la Galilée mettait donc Jésus constamment en contact avec des païens.

Luc en a même fait comme le discours inaugural de la mission de Jésus : le choix d’Israël comme peuple de Dieu ne signifie pas une exclusivité. En effet dans le passé, Dieu a parfois choisi des païens plutôt que des Juifs pour apporter réconfort et guérisons (Luc 4, 25-27). On se souvient que cela provoquera la fureur des gens de Nazareth.  Et Luc – clever boy ! -,  fait de cette réaction le prélude de l’opposition de certains Juifs à Jésus qui iront  jusqu’à vouloir sa mort.

Ainsi, même si, d’après Matthieu (10,5), Jésus a demandé à ses ‘missi dominici, ses Envoyés’ de ne pas aller chez  les païens ni les Samaritains, les évangiles, eux, nous rapportent que Jésus parcourait les  territoires païens, opérant plusieurs guérisons[3] ! Pour aller de la Galilée vers Jérusalem, Jésus ne craignait pas de passer par la Samarie, une province considérée comme hérétique  par les Juifs orthodoxes de Judée[4]. Enfin, même si l’on ne rapporte pas de repas pris avec des païens, les évangiles montrent que Jésus s’assoit à la table des publicains : or  ces collecteurs d’impôt sont des gens qui collaborent avec les Romains et sont donc considérés comme impurs. Il semble même  qu’on les assimilait aux païens (Matthieu 18,17).

Les remarques de Jésus sont alors autant de « piques » à l’égard de ses coreligionnaires.

À plusieurs reprises, en effet, ne souligne-t-il pas qu’il a trouvé chez des païens une foi plus grande que  chez ses compatriotes, allant même jusqu’à dire que des païens partageront le repas dans le  Royaume alors que des Juifs resteront dehors : «On viendra de l’est et de l’ouest, du nord  et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu» (Lc 13,28-29). 

Assez de démonstration !

Ma terrible question aujourd’hui est la suivante :
pour reconnaître en Jésus, le Christ et le Fils de Dieu, est-il plus facile quand on est  païen ou quand on est catholique romain ?
Autrement dit,
-         être coreligionnaire du Système Eglise Catholique Romaine
facilite-t-il ou rend-il plus malaisé de
-         devenir disciple du maître de la Bonne Nouvelle ?

Pour Jésus, il apert que le peuple de Dieu ne peut se confondre avec le  seul peuple juif. Des gens de  tous les peuples peuvent devenir le peuple de Dieu et  accomplir son rôle dans le monde.
Ø     C’est donc que le peuple de Dieu est distinct du Royaume et que celui-ci accueillera tous  ceux qui auront vécu selon la règle de la bonté, qu’ils aient ou non connu Dieu et son  Envoyé : Jésus.

C’est ce que traduit très clairement la parabole du jugement dernier en
Matthieu :
Quand le Fils de l’homme viendra dans sa  gloire… devant lui seront  rassemblés tous les peuples…
-         ‘Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le  Royaume… car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger’…
-         ‘Seigneur, quand nous  est-il arrivé de te voir affamé?’...
-         ‘Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait’» (Matthieu 25,31 et ss)

Si donc la réalisation du royaume est la fraternité de tous les humains qui s’accomplit par la  bonté inconditionnelle et le pardon, le peuple de Dieu peut être envisagé comme un  laboratoire où les disciples de Jésus s’entraident pour

apprendre à aimer comme le Père  par la force de son Esprit.

«Mon Père m’a donné  un précepte : quoi commander et  prêcher. Et je sais que son précepte est vie d’éternité» (Jn 12,49-50).

Ce précepte n’est autre apparemment que d’

aimer de bonté inconditionnelle
dans l’espérance que cette bonté qui est pardon
transforme les humains.

Jésus le dit aussi par cette autre formule : «Vous êtes le sel de la Terre… vous êtes la  lumière du monde.» (Mt 5,13-14)[5].
-         Si Jésus peut partager le pain avec les pécheurs et les ‘impurs’, c’est son amour est plus fort que le mal.
-         Demander à ses  disciples d’être sel de la Terre, c’est leur demander d’être comme le ciment de l’unité du peuple de Dieu.



La Terre est ici le symbole de ces lieux, de ces milieux où l’amour de  Dieu règne. Si ces milieux sont des communautés vivantes de l’amour du Père, alors elles  seront lumière pour le monde, pour l’humanité toute entière.

Chrétiens ? Païens ?
Dis moi comment tu aimes,
je te dirai qui tu es !














[1] Dans les ruines des “hauts lieux” de la civilisation cananéenne, les archéologues ont trouvé de nombreuses urnes contenant les restes d’enfants sacrifiés à Baal et un nombre incalculable de sculptures et de plaques gravées représentant Aschtoreth (Astarté) dotée d’organes génitaux hypertrophiés de façon obscène, tous objets destinés à exacerber la sensualité. Les Cananéens adoraient leurs dieux en pratiquant devant eux des actes immoraux qui avaient valeur de rite religieux, et en assassinant leurs premiers-nés, qu’ils offraient en sacrifice à ces mêmes dieux. - Dans le livre de Josué, le pays de Canaan fait l'objet de la conquête et du partage du pays par les Hébreux (vers le xiie siècle av. J.‑C.).
[2] La Décapole en effet  - du grec deka (dix) et polis (cité) -, désigne dix villes principalement situées à l'est du Jourdain, qui se regroupèrent en une ligue. Certaines apparaissent en  Mt 4. 25, Mc 5. 20,  Mc 7. 31 : Damas (Syrie), Philadelphia (Amman, Jordanie), Gadara (Umm Qeis, Jordanie), Pella (Tabaqat Fahil, Jordanie), Gerasa (Jerash, Jordanie)
[3] Guérisons de la fille d’une cananéenne (Mc 7,24 et ss), du serviteur du centurion (Lc 7,1-10), du démoniaque gérasénien (Lc  8, 26 et ss), du lépreux samaritain (Lc 10,29). 
[4] Il demandera même de l’eau  à une femme de Samarie au  grand étonnement de celle-ci : «Comment! Tu es Juif et tu me demandes à boire à  moi, une Samaritaine» (Jn 4,9). Dans la parabole du bon Samaritain (Lc 10,23-37) il montrera que c’est avant tout la miséricorde qui rend pur et proche de Dieu.
[5] On sait que le sel, dans la Bible, est ce qui scelle toute  alliance. Partager le pain et le sel, c’est sacraliser l’amitié.

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