Pages

lundi 25 octobre 2010

Entretemps, Godblog continue... RAPPEL !

 R  A  P  P  E  L 

 

Chers Lecteurs, chers amis

Dimanche 24 octobre 2010, j'ai publié une note intitulée


Entretemps, Godblog continue
vous avertissant que du 30 octobre au 13 novembre, je serai loin de Cannes, dans un endroit où Internet n’a pas encore pénétré !  Mais www.godblogtoccoli.blogspot.com et votre homélie hebdomadaire ne stoppaient pas !
Je vous rappelle simplement que les 4 homélies de ce temps d'absence de ma part :

31 Oct
31ème DOC
  • Sg 11,23-26.12,1-2.
  • Ps 145(144) ,1-2.8-9.10-11.13.14.
  • 2 Th 1,11-12.2, 1-2.
  • Lc 19,1-10.
On finit toujours par « être trouvé » !

1er Nov
Toussaint
  • Ap 7,2-4.9-14.
  • Ps 24(23), 1-2.3-4.5-6.
  • 1 Jn 3,1-3.
  • Mt 5,1-12.
La foi l’espérance et l’amour
07 Nov
32ème DOC
  • 2 Mac 7,1-2.9-14.
  • Ps 17,1.3.5-6.8.15.
  • 2 Th 2,16-17.3,1-5.
  • Lc 20,27-38.
Le Choix de croire
14 Nov
33ème DOC
  • Ml 3,19-20.
  • Ps 98,5-6.7-8.9.
  • 2 Th 3,7-12.
  • Lc 21,5-19.
Plus de temple, pour l’amour de Dieu…


vous attendent  avant cette note (consultez le tableau des titres en haut, à droite de cette annonce, et CLICKEZ SUR LE TITRE QUI VOUS INTERESSE!).
Merci de votre fidélité !

Rendez-vous au 13 novembre !

Père vp, sdb

dimanche 24 octobre 2010

Plus de temple, pour l’amour de Dieu…

Plus de temple, pour l’amour de Dieu…
Dimanche 14 novembre 2010
33ème  dimanche du temps ordinaire


Textes :
  • Ml 3,19-20.
  • Ps 98,5-6.7-8.9
  • 2 Th 3,7-12.
  • Lc 21,5-19.


L'expérience des martyrs et des témoins (de la foi) n'est pas une caractéristique propre aux premiers temps (de l'Église), mais elle est la marque de chaque période de son histoire.
Formes de persécution anciennes et nouvelles : haine, exclusion, violence, assassinat.
Rester fidèle (à l'Évangile) coûte toujours.
Ils sont si nombreux ! Leur mémoire ne doit pas être perdue.
Jean Paul II,
Homélie lors de la Commémoration œcuménique des témoins de la foi du XXème siècle,
7 mai 2000 (trad. DC 2227, p.501) passim.

Êtes-vous monté sur le Mont des Oliviers ? Puis l’avez-vous dévalé pour pénétrer sur l’esplanade du Temple, où trônent deux mosquées MONUMENTALES aujourd’hui : El Aqsa, construite dès le VIIe siècle (al-Quds) et qui servit un temps de palais chapelle aux Croisés, et le Dôme du Rocher, érigé par Abd El Malik Ibn Merwan (692), de la dynastie des Omeyyades.
A l’époque de Jésus, on terminait de restaurer les restes du Premier Temple de Salomon, détruit en – 586, et reconstruit en – 515, après le retour de Babylone, sous le nom de second Temple ou Temple d’Hérode: ce dernier serait définitivement rasé par les Romains en 70, avec la destruction de Jérusalem, après une campagne de 4 ans ! 




Jésus sera alors désormais retourné… d’où il venait, et les apôtres auront déjà tous gagné la capitale de l’empire, ou les comptoirs de la Mer Egée !

Dès qu’il arrivait à Jérusalem, Jésus, vraisemblablement selon son habitude, se dirigeait vers le Temple (19 : 45), ce temple tout neuf, fierté et cœur de la vie du Peuple de Yahvé. C’est dans cette enceinte, au comble de la tension et sur un profil de croix, que Jésus va livrer tous les enseignements du chapitre 21ème de Luc.
Voici quelques personnes qui soulignent la beauté du Temple, et Jésus de les prévenir de sa destruction probable. Déjà, il en avait fait l’annonce lors de sa colère contre les vendeurs du Temple. À la question des Juifs : quel signe fais-tu pour agir ainsi, Jésus avait répondu : « Détruisez ce temple, je le rebâtirai en trois jours (Jn 2 : 19) ». A ceux qui l’interpellent maintenant sur l’imminence de l’événement annoncé, Luc fait faire à Jésus un discours qui prend bien soin de dissocier la ruine du Temple  (en 70) de la fin du monde ( ???), et de nier tout rapport entre l’un et l’autre.

Luc a ‘construit’ son rapport. Il commence par rappeler la mise en garde de Jésus contre les imposteurs (car il ne faut pas oublier que nous sommes au moins en l’an 70, et certainement plus à Jérusalem, comme je l’indiquais). Sans doute, comme dans la communauté fondée par Jean, de faux ‘Christ’ se sont infiltrés, ‘antéchrist’ qui opèrent des signes et des prodiges au nom de Jésus ( 1 Jn 2 : 18+). L’aspect pervers de leur message semble avoir été surtout d’instrumentaliser la peur des fidèles, en les prévenant ‘pseudo prophétiquement ‘ que « le temps est tout proche ! »
Luc y fait d’ailleurs lui-même allusion : « Jésus dit encore une parabole, parce que il était près de Jérusalem et qu’on pensait que le Royaume de Dieu allait apparaître à l’instant même » (19 :11).

Le danger était que les chrétiens se laissent prendre aux illusions de ‘pasteurs’ paranos, s’imaginant que le moment de la fin (du monde ?) était proche, que le Royaume de Dieu était sur le point d’apparaître dans sa gloire (déjà ?) et que le Fils de l’homme allait se montrer sur les nuées d’un moment à l’autre (à la mode hellénistique de l’Olympe : comme représenté dans toutes les coupoles baroques, églises et palais !).
On comprend cette fièvre, d’ailleurs, en ces temps de persécutions qui vont éclater sous Néron dès 64, et durer plusieurs siècles jusqu’à Dioclétien ! Après une fièvre passagère, le risque d’une amère déception et d’une sérieuse crise de foi aurait suivi : « N’allez pas derrière eux ! » clame l’évangéliste. Les guerres et les révoltes n’auront pas valeur de signes précurseurs, elles n’ont aucune relation avec LA fin. Luc voit bien, il est convaincu que LA fin ne doit pas venir de si tôt. Quelle que soit l’ampleur des faits, cela n’à aucune relation avec LA fin des temps et LE retour du Christ. 

Seuls des imposteurs… 

Les persécutions mêmes n’auront aucun rapport avec CETTE fin des temps. Elles définissent plutôt la condition du chrétien dans le monde : on le constate chaque fois, là où la foi, la foi chrétienne, les ’formes catholiques’ de vie en commun… ne sont plus pensables au plan de toute une aire géographique, d’un pays, d’une nation ! Il faut apprendre à vivre avec ce qui est autre, différent et souvent à l’opposé de ce que nous avons cru voir durer ! La foi est devenue ‘une ‘ option au milieu de tant d’autres !  Ce qui est davantage à craindre donc, ce n’est non pas la fin du monde – nous savons que nous avons amassé assez de TNT pour faire explorer 100 fois la planète bleue ! Ce qui est davantage à redouter, c’est si et combien de temps tiendra la fidélité des chrétiens à ce et à qui les constituent, en butte de plus en plus aux ‘persécutions culturelles et civilisationnelles’, tant que le monde subsistera, et que la globalisation envahira toutes les sphères de la vie individuelle et sociale. Le souci est d’encourager les pusillanimes, les faibles et les petits, voire ceux qui ne se rendent jamais compte de rien ! Le temps urge de se préparer à devenir à nouveau minoritaires, sans pouvoir ni prétention : voici revenir le temps de la kénose !




La réalité et la définition de ce qu’est la kénose nous vient de la méditation théologique sur le mystère d’ ‘un dieu devenu homme’, non pas à la manière des dieux grecs prenant apparence humaine pour mieux se jouer des hommes, mais d’une façon que nous décrit Paul dans l'Épître aux Philippiens (Ph 2,7).
« Jésus, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes. S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix ! »

Voici donc notre dieu : il s’abaisse et se vide de ses attributs supérieurs, miraculeux, divins… pour rejoindre l’humanité commune, jusqu'à vivre l'obéissance de la foi nue et la mort infamante. Jusqu’à n’avoir plus l’apparence d’un homme, ajoute Isaïe !

Si ce mot ‘théologique’ n'a pas d'usage fréquent, c’est qu’on n’observe pas habituellement, dans le comportement humain, un supérieur qui s'abaisserait devant un inférieur de cette manière : (Jean 13, 4-16) : « il se lève de table, dépose ses vêtements, et prenant un linge, il s'en ceignit. Puis il met de l'eau dans une bassine et il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. Il vient donc à Simon Pierre, qui lui dit : "Seigneur, toi, me laver les pieds ?" Jésus lui répondit : "Ce que je fais, tu ne le sais pas à présent; par la suite tu comprendras."
"Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous. »

Réalité qui fait la différence entre chrétien/non chrétien !

Question : la kénose de Jésus ne concerne-t-elle que sa seule humanité, ou cela révèle-t-il une propriété de sa divinité ?
On prend la mesure de la réponse ! D’ailleurs qui pourra jamais répondre ? Ce qui est sûr, c’est que, même si la kénose ne concernait que l’humanité de Jésus, elle devrait s’imposer d’elle-même à celui qui se réclame de lui et veut marcher à sa suite ! Non pas l’autorité du pouvoir et de l’establishment, mais l’autorité de l’insignifiance mondaine et du service dérisoire. Celui qui ne compte pas aux yeux des hommes…
Qui a jamais lavé les pieds de gens qui vont vous abandonner et vous renier … dans l’heure ? Paul va jusqu’à supposer qu’on puisse oser donner sa vie pour un homme de bien... mais sinon… !

*        *
*
Paradoxalement cette page d’évangile ne me semble pas avoir été écrite dans le but d’effrayer, mais de donner confiance. Oui, confiance ! Car – et on peut trouver la logique presque cynique ! - malgré l’ampleur des persécutions et dénonciations venues de toutes parts – hier comme aujourd’hui et demain -, tout doit aboutir en témoignage !

Ce que tout homme peut souffrir - et en particulier toutes les souffrances des disciples du Christ et de tout homme christique (Aung San Sun Kyi, qui résiste depuis 20 ans à la junte militaire du Cambodge, ou l'opposant chinois Liu Xiaobo, en prison pour 5 ans, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix 2010) – ce que tout être humain endure en tant qu’homme : TOUT servira de pièce à conviction, un jour, devant Dieu. 


« Nul n’a à se préoccuper de ce qu’il dira et comment il se défendra pour témoigner de sa foi. Je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. » 
À cette confiance s’ajoutera la constance, cette vertu de force et de courage. « C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie ». N’oublions pas : « Qui cherchera à s’assurer sa vie la perdra et qui perdra sa vie la conservera » (17 : 33) La constance, c’est aussi une forme de persévérance que réclament les épreuves de toute vie chrétienne qui est une vie humaine. Paul et Barnabé tiendront ce discours devant les nouveaux convertis d’Antioche ( Ac 11 : 23 et 43). 
Ne lâchez pas ! enseigne Luc à ses ouailles au cœur de la persécution, tenez le coup !

Si le monde est divisé, c’est que chaque homme est divisé, en lui-même et avec les autres : en pensée, en parole, en action  et en omission ! Oui, le monde est divisé, parce qu’il ne peut qu’être divisé et que, mauvais comme n,ous sommes, nous ne savons pas quoi faire pour qu’il le soit ! Que ce soit nation contre nation, royaume contre royaume.  Et on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera, … on vous jettera en prison, on vous fera comparaître…  Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis ! Il suffit de lire les chapitres 3 et 4 de la Genèse pour tout comprendre !


L’évangile d’aujourd’hui se conjugue  en fait au présent, pas nécessairement au futur : c’est un présent gnomique - de valeur générale et permanente! Il suffit d’ouvrir le journal quotidien pour constater l’omniprésence de divisions de toutes sortes. On peut dire que Jésus fait ici une description plutôt qu’une prophétie, un constat plutôt qu’une éventualité : un statement !

La question pourrait être : Force-t-il le tableau quand il voit ces hostilités à l’œuvre, même au sein des ‘familles’, privées ou religieusses : confessions, Eglises, mouvements, congrégations à la Maciel ou autre ? Notre univers regorge de dénonciations et de vomissures de toutes sortes : expression et matérialisation de notre ressentiment suicidaire, vengeur et incompréhensible vis-à-vis de ce qui nous fonde dans l’être, nous fait vivre et que certains appellent Dieu.
Tout se passe comme si nous rejetions hors de nous-mêmes, la reléguant sur d’autres épaules, notre incapacité congénitale à assumer ce que nous sommes.

J’avais dit: Vous êtes des dieux, Vous êtes tous des fils du Très-Haut.
Cependant vous mourrez comme des hommes, Vous tomberez comme un prince quelconque.
Psaume 82, 6-7.

Multiples traductions de l’orgueil originaire, déçu de ne pas être comme des dieux (Genèse 3,5). Tout se passe comme si notre drame intérieur invisible prenait forme visible dans le monde objectif. Quoi que Luc place dans la bouche de Jésus  - guerres, catastrophes naturelles, maladies, pénuries, persécutions -, il met en fait en perspective tous les maux qui affectent les hommes. C’est toujours du drame de notre fragilité qu’il s’agit, cette fragilité que nous voudrions effacer de notre être parce qu’elle nous fait peur.

*      *
*
Jésus n’a pas de diagnostic quant à l’origine de tous ces maux que nous avons à subir. Et n’allons pas mettre ça encore sur le compte d’un dieu qui passerait son temps à infliger châtiment sur châtiment aux (pôvres !) pécheurs que nous sommes !
Ce n’est pas pour autant que Dieu soit absent de ce qui nous arrive ! Non, nous ne sommes pas soumis aux caprices de l’absurde ni de la fatalité : cela a un sens !
Et si cela a un sens, c’est que cela va quelque part.
Notre foi affirme que Dieu s’est impliqué et par son fils (sa famille) et par la croix (la torture) ! Il est plus victime que justicier.
Toutes les catastrophes énumérées par Luc, sont symbolisées ici par la destruction du Temple. C’est que le Temple était la figure, la matérialisation de la présence de Yahvé sur la terre : la shekhina [1]!
Tous les maux, tout le mal que nous subissons, tout le mal et tous les maux que nous provoquons nous-mêmes ne sont que l’expression de nos tentatives insensées et suicidaires pour chasser Dieu, pour chasser l’amour, de notre univers, comme d’autres en leur temps ont détruit le temple de son corps ? Jésus fut historiquement la vraie demeure de Dieu sur la terre, le lieu historique de la présence divine dont le Temple de Jérusalem n’était que la figure annonciatrice (voir Jean 2,22-24).

C’est pourquoi Matthieu et Marc écrivent qu’à l’heure où Jésus meurt, le rideau du Temple se déchire. Et, comme dans notre texte, la terre tremble.
Temple et Christ déchirés, Dieu aura-t-il été, est-il ou va-t-il être jeté hors du monde ?
Non : pas encore au moins !
Au contraire, le voile déchiré du temple et le côté ouvert sur la croix ont révélé aux hommes – comme en une mystérieuse et pérenne apocalypse -, ce qui se cachait et en même temps se signifiait en eux : une destinée capable de dépasser, en l’utilisant, tout ce qui voudrait la détruire.

Alors laissons la nature se manifester avec Matthieu: que la terre tremble, que les rochers se fendent, que les tombeaux s’ouvrent. Et avec notre psaume : que les fleuves battent des mains, que les montagnes chantent leur joie !

*      *
*
Renversement de situation : La victoire de ce qui tue devient la victoire de ce qui fait vivre.

Le tombeau fermé sur Jésus s’ouvre sur nous.
Un soleil se lève pour brûler nos vices et illuminer nos ténèbres : « soleil de justice apportant la guérison dans son rayonnement. »
Qu’avons-nous besoin de croire ceux qui s’autoproclament « c’est moi » ou prophétisent « il est ici…il est là… »
Le Christ se trouve là où se trouve l’homme - et tout homme. Toute douleur humaine est désormais sa douleur !
C’est pourquoi personne ne peut dire quand cela va finir ! Tant qu’il y aura des hommesFrom here to eternity !



La fin est toujours là et jamais là ! Notre sursis est éternel. Le voile se déchirera un jour pour nous aussi, et nous nous découvrirons là où nous n’avons jamais cessé d’être : dans les bras d’un éternel amour incarné, capable de « nous porter dans ses bras, de peur que notre pied ne heurte le sol », et de nous faire traverser nos abîmes.
Pour ‘comprendre’ ça - parvenir à un terme qui est déjà là, mais échappe encore à nos prises -, il est  absolument requis de laisser tomber tous les appuis sur lesquels nous pensions jusqu’ici pouvoir compter et ne faire confiance qu’à celui qui dit la Parole qui nous crée en permanence.

Il ne doit rester pierre sur pierre de tous les  temples que nous construisons pour nous y réfugier.




[1] Shekhina (ou Chékhina, שכינה) est un mot féminin hébraïque signifiant résidence, utilisé pour désigner la présence à demeure de Dieu, particulièrement dans le Temple de Jérusalem.

Le Choix de croire


Le Choix de croire

dimanche 07 novembre 2010
32ème  dimanche du temps ordinaire

Textes
  •  2 Mac 7,1-2.9-14.
  •  Ps 17,1.3.5-6.8.15.
  •  2 Th 2,16-17.3,1-5.
  • Lc 20,27-38.
Chacun ses Sadducéens ! Ceux du temps de Jésus, les Saducéens ‘historiques’ - dont font partie les grandes familles pontificales des Grands Prêtres -, ne croient
  • ni en la résurrection des morts,
  • ni à l'existence des anges,
  • et, qui plus est, ils ne reconnaissent dans la Bible l'autorité que des 5 Livres dits "de Moïse" (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome), livres qui constituent la "Loi" ou "La Torah".
C’est eux que choisit le docteur Luc pour interroger Jésus à partir d’extraits de ces livres, et, en l'occurrence, à propos de la Loi sur le ‘Lévirat’[1], dont parle le Deutéronome, 25, 5 - 6, et à partir de laquelle ils bâtissent le cas hypothétique – un cas d’école -, de la femme qui a, selon cette Loi, dû se remarier 7 fois !!!

La question : Comment appliquer cette Loi de Dieu si l'on parle de résurrection des morts ? Vraiment le bâton m…..x à ses deux bouts ! On se demande même comment Jésus s’est prêté à cette joute amphigourique, et n’a pas renvoyé immédiatement dans les cordes ces casuistes fourbes et refoulés ! Il va au contraire tâcher de rester fair play !
  1. Jésus commence par ‘démolir’ la conception de base que les Sadducéens ont de la ‘résurrection’, et selon laquelle ils imaginent la vie du monde à venir comme une simple prolongation de la vie présente, dans des conditions semblables ou analogues (impliquant qu'on puisse encore avoir à y engendrer des enfants). « NON, dit Jésus, ceux qui sont jugés dignes d'avoir part à la résurrection entrent dans un monde totalement nouveau, où l'on ne se marie plus, où on ne meurt plus, et où l'on vit ‘autrement’, à la façon des anges[2].
  2. Jésus répond ensuite à ces Sadducéens à partir d'autres extraits de la Torah elle-même, en reprenant la scène de la’théophanie’ (apparition de Dieu) du ‘Buisson ardent’ (Ex 3, 2 - 6), où Dieu, qui se révèle à Moïse et l'envoie en mission, se déclare être le même qui s'était manifesté à Abraham, Isaac et Jacob. Il se présente donc comme le "Dieu des vivants". S'il en est bien ainsi, et qu'il rappelle à Moïse qu'il est le Dieu de ces anciens patriarches, c'est que pour lui ces derniers son bien vivants (donc, saisis dans la résurrection).

En fait, n’oublions jamais que la ‘croyance’ en la résurrection n'apparaît en Israël que 200 ans environ avant Jésus, avec le Livre de Daniel et les livres des Maccabées, tous datant de l'époque des ‘Martyrs d'Israël’, époque de la révolte de Judas Maccabée et de ses frères contre Antiochos IV Epiphane (L’Illustre)[3].

Jésus admet cette croyance, comme le font les Pharisiens, dont beaucoup, parmi eux, sont des Scribes[4]. Ce qui explique le dernier verset de notre page, où des Scribes félicitent Jésus pour avoir bien parlé sur la résurrection. L'astuce de Jésus est de n'avoir pas fait appel au Livre du prophète Daniel pour répondre aux Sadducéens, car ces derniers ne lui reconnaissent aucune autorité. Au verset 35, Jésus va jusqu’à préciser que c'est une ‘grâce’ que d'être admis au monde nouveau de la ‘résurrection’[5].
Paul, lui aussi, comparaissant devant le Sanhédrin (tribunal religieux juif) après son arrestation à Jérusalem, parviendra très rapidement à diviser ses juges en se proclamant Pharisien et en défendant l'espérance de la résurrection des morts[6].

Mais la question doit être sans cesse re posée à nouveau.

Si nous croyons que la mort a le dernier mot, nous devons tous nous considérer comme des gens en sursis, et tout ce que nous pouvons faire se trouve buter contre le mur du sens. 

Avoir été créé pour disparaître ! 

Les Hébreux ont mis longtemps pour parvenir à la ‘croyance’ en la résurrection : notre première lecture date d’à peine 200 ans avant le Christ : c’en est un des rares témoins. Cette croyance est d’ailleurs très ambiguë : certains textes parlent d’une ‘résurrection générale’, d’autres, comme notre évangile d’aujourd’hui, réservent la résurrection à ‘ceux qui seront jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts’. Et ce n’est pas parce que l’Église a tranché, que la question soit désormais résolue ! Car elle ne sera jamais simple ni évidente : tout serait plus facile si nous parlions simplement d’immortalité de l’âme - d’ailleurs souvent confondue avec une immortalité de notre psychisme -, ou bien carrément de réincarnation[7], très à la mode !

Pour la foi chrétienne, en revanche, notre matérialité corporelle et psychique est vouée à disparaître dans la mort. Dès lors, on se demande alors légitimement ce que signifient ‘ressusciter’ et ‘ce qui ressuscite’. On s’entend répondre que c’est ‘l’homme tout entier’, celui-là même qui a disparu et qui se trouve appelé à ‘une vie nouvelle’. Disons, si l’on veut : même identité, physique et mentale. Mais la question ne manque pas de rebondir plus loin : ‘Avec quel corps les morts « reviennent »-ils ?’ C’est la question qui se pose à Paul en 1 Co 15,35 : il finit par répondre : toutes les chairs ne sont pas les mêmes, il y a plusieurs manières d’être corps !
Et voilà pourquoi votre fille est muette !

Oui, dans quel corps ‘ressuscit(er)ons’-nous ?


Affirmer la résurrection n’a été ni pour Israël, ni pour les premiers chrétiens - et n’est pour nous-mêmes -, chose facile ! Comprendre ce que cela signifie est encore plus malaisé. Les auteurs des évangiles rapportent le témoignage d’un Jésus ressuscité qui échappe à toutes les prises de nos sens. On le voit, certes, MAIS on ne le reconnaît pas, sinon à des signes comme le partage du pain (à Emmaüs), c’est-à-dire indirectement. Il est corporel, MAIS n’est plus soumis aux lois de l’espace et du temps. Vint le temps où il n’y eut plus rien à voir DU TOUT, sinon ‘un nouveau corps’ qui prendra nom ‘Église’, MAIS alors le mot ‘corps’ n’aura plus le même sens, même s’il signifie d’abord ‘visibilité’ : on dira ‘mystique’.

C’est par notre corps en effet que nous sommes présents au monde et aux autres : il est à la fois fruit et instrument de toute relation. Relation à la nature qui nous fait naître et nous nourrit. Relation avec les autres hommes, car nous ne communiquons avec eux que par nos sens corporels (rien n’est dans l’intelligence qui ne passe d’abord par les sens[8]). La comparaison des ‘ressuscités’ avec des anges, utilisée dans notre évangile, ne dit pas tout puisque les anges sont censés ne pas avoir de corps. Paul dit du ‘corps de la résurrection’ qu’il est ‘corps spirituel’ (1 Co 15,44). Expression vraiment paradoxale, s’il en est !
Disons que
  • si notre corps actuel est instrument de toute relation, il est aussi ce qui nous sépare, nous individualise, crée une frontière entre chacun de nous et les autres.
  • Le corps spirituel, lui,  est le lieu d’une relation sans frontière.
Ø      Intéressant, mais pas convaincant à 100% !



Croire est un choix.

Dans l’hypothèse où ‘un corps de résurrection’ permet une relation sans frontière ni réserve, on peut admettre alors que la relation conjugale ne soit plus nécessaire ni ne puisse perdurer, hors le domaine spatio temporel des sens.
Dans notre évangile, Jésus relie cette relation à la mort : dans la perspective hébraïque, en effet, conjugalité et procréation sont étroitement liées, et l’enfant est vu comme le lieu de perpétuation du couple : la fécondité comme pérennité de descendance.
Fort bien ! Mais rien de tout cela ne nous dit avec précision comment se présente ‘l’univers de la résurrection ‘! Les images que nous propose l’Écriture, en particulier celle du banquet, ne signifient ‘que’ joie et exultation : en commun, il est vrai ! MAIS quand on nous parle de ‘cieux nouveaux et de terre nouvelle’, nous pouvons conclure que, n’ayant aucune expérience de cette nouveauté, nous ne pouvons en dire grand-chose. Tout au plus pouvons-nous penser à un univers où les grands conflits qui nous détruisent auront disparu : conflit de l’homme avec la nature, du masculin et du féminin, de l’homme avec son semblable. 



La résurrection comme absence des forces de mort ? Mort, où est victoire ? Mort, où est ton aiguillon ? (1 Co 15)
*       *
*
Notre imagination peut et doit travailler … à l’indéfini ! Elle en a besoin pour se justifier en creusant le mystère !
MAIS si, pour croire en la résurrection, nous attendons preuves et certitudes (evidences, dit l’anglais), nous pouvons toujours… attendre[9], justement.
Nous sommes ‘invités’ à choisir de croire.

Il y faut une décision.

Qui sans doute ne se peut prendre sans une ‘certaine’ intimité avec un Christ vivant.



[1] Le lévirat est un type particulier de mariage où une veuve épouse le frère du défunt, afin de poursuivre la lignée de ce dernier. Les enfants issus de ce remariage ont le même statut que les enfants du premier mari.
[2] Dont la seule chose que Jésus nous en ait dite, c'est qu'ils vivent sans cesse en présence de Dieu : Mt.18, 10
[3] C'est un personnage ambigu, bon chef de guerre qui s'empare de l'Égypte et de Chypre en -168 mais qui doit y renoncer sous la pression de l'ambassadeur romain Gaius Popilius Laenas. C'est surtout sa tentative d'hellénisation forcée, en particulier en Judée, qui entraîne son deuxième surnom d'Épimane (l'Insensé). Il exaspère ses sujets par son intolérance. En -168 il pille et installe un autel du dieu Baal Shamen dans le temple de Jérusalem, détruit les murailles de la ville et, dans un édit de décembre -167, ordonne d'offrir des porcs en holocauste, interdit la circoncision et pourchasse les adversaires de l'hellénisation. Après son départ éclate une révolte des Juifs dirigée par la famille des Maccabées. Les troupes envoyées par Antiochos IV sont successivement battues. Judas Maccabée s'empare de Jérusalem, procède à la purification du temple et rend le sanctuaire et l'autel au culte de Yahvé. Pour certains auteurs chrétiens, il symbolise la figure de l'Antéchrist[.]
[4] Deux autres mouvements religieux du judaïsme : Saul-Paul était d’obédience pharisienne.
[5] Voir également Luc, 21, 36 et 14, 14 à ce propos
[6] Texte très intéressant à relire en Actes, 23, 6 - 10. L'enseignement de Jésus en notre passage est en continuité avec la position des Pharisiens sur la résurrection.
[7] La croyance en la réincarnation peut être assimilée à une doctrine selon laquelle un certain principe immatériel (« esprit », « âme », « conscience individuelle ») s'accomplit au travers de vies successives dans différents corps (humains, animaux ou végétaux selon les croyances). Dans cette doctrine, à la mort du corps physique, l'« esprit » quitte ce dernier pour habiter, après une nouvelle naissance, un autre corps, ce qui permettrait à l'individualité de poursuivre ses expériences de vie et son évolution spirituelle ou morale. La réincarnation est une forme de la transmigration des âmes.

[8] Nihil est in intellectu quod prius no fuerit in sensu (Thomas d’Aquin)
[9] Attendre se dit en espagnol : ‘esperar’ !

La foi l’espérance et l’amour

La foi l’espérance et l’amour
Lundi 1er Novembre 2010
Toussaint

Textes
·          Ap 7,2-4.9-14.
·          Ps 24(23), 1-2.3-4.5-6.
·          1 Jn 3,1-3.
·          Mt 5,1-12.


Qu’est-ce que la Toussaint pour les hommes ? 

Pour les chrétiens eux-mêmes, que signifie donc cette fête aujourd’hui ?
Sommes-nous tous à la recherche de « réalités d’en haut » ?
Voulons-nous tous le bonheur, et le bonheur véritable ?
Sommes-nous sûrs que ce bonheur se trouve dans « la communion désirable des Saints » ?
Bref : voulons-nous devenir concitoyens des membres de la « Patrie Ultime », des concitoyens des esprits bienheureux ?
Cela en fait des questions, hein ? Car la réalité n’est pas simple qui nous fait aspirer à ce que nous ne percevons que pas l’intelligence de la foi et la tension de l’espérance.



La liturgie de ce jour nous invite à élever le regard de notre âme vers cette foule innombrable, vers ceux-là – disons-nous -, qui se sont efforcés d’accomplir avec amour et fidélité la volonté de Dieu, et qu’aujourd’hui l’Eglise fête, en sa dignité de « mère des saints et épouse mystique du Christ ».

Il saute aux yeux combien tout ce vocabulaire est à peine compréhensible pour des esprits dressés depuis l’enfance – depuis leur première (et dernière) communion ! -, à n’utiliser qu’une langue de 500 à 800 mots, dits « courants », et d’onomatopées, quand ce ne sont pas des abréviations ou des trouvailles argotiques, borborygmées dans des échanges utilitaires et pragmatiques, loin de toute réflexion ou allusion. Oui, où est passé le registre symbolique de la langue qui peut (encore ?) faire accéder le locuteur et le destinataire d’un plan à un autre plan, « d’un ordre à un autre », comme dirait Pascal ? Comment désormais dire avec lui, aujourd’hui, en français contemporain :

La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle….
Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n'ont nul besoin de grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport, car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux : Dieu leur suffit…
Il eût été inutile à Notre Seigneur Jésus-Christ, pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi ; mais il y est bien venu dans l'éclat de son ordre !....
Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus
élevé.



De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée : cela est impossible, et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible, d'un autre ordre, surnaturel[1].

Jean donne des raisons de cette difficulté, voire de cette impossibilité :

  • Le monde ne peut pas « comprendre » puisqu'il n'a pas découvert Dieu.
    Nous sommes bien enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement.
  • Nous croyons cependant que,
  • lorsque le Fils de Dieu paraîtra,
  • nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est.

La sainteté semble exiger un travail constant de l’intelligence sur mystère de la foi, et s’il faut affirmer qu’elle est à la portée de tous  (qu’elle est catholique, universelle, globale…), il est tout aussi nécessaire de nommer quelques pistes susceptibles d’y faire accéder.
La plus pragmatique et sensible qui nous est proposée aujourd’hui, c’est celle de Matthieu. Elle est de l’ordre de l’action et du ressenti, et non pas seulement celle du silence de la méditation et du recueillement ni de la prière orale de louange !

Pour rendre ce Royaume des Cieux possible et crédible, les soit disantes béatitudes seraient donc en quelque sorte le ‘Décalogue du Nouveau Contrat’. Car Matthieu fait proclamer à Jésus un type très particulier de bonheur : 
« Heureux les pauvres, heureux les doux, etc. » !
Et cette déclaration s’adresse à chacun personnellement :
« Toi, tu seras heureux si tel ou tel signe du Royaume en question se fait sentir dans ton cœur et te pousse à agir en conséquence ! ».

Le paradoxe – le scandale, même, et, de plus, à notre plus grande surprise !-, le bonheur de cette ère annoncée, est presque toujours lié à quelque disgrâce physique ou morale : la pauvreté, les larmes, la faim et la soif, les persécutions et j’en passe.
Heureux besoin, heureuse faim et heureuse soif, ce dont Jésus se/nous félicite d’ailleurs !
A y voir de près, c’est comme si ce Nouveau Régime ne se laissait entrevoir qu’à travers un certain vide de l’existence humaine, un vide qui en attente d’être comblé. Est-ce à dire que la sainteté (doive) passe(r) par une faim et une soif, une  quête, une recherche jamais abouties de la « vérité » dans la pratique du « bien » ?
Notre psaume 24 nous donne un profil de cet ‘homme saint’, de cet ‘homme heureux’, en  décrivant un type humain qui a du procéder à un ‘vidage existentiel’, à une purification du sens de son sentiment et de son être : il l’appelle ‘L'homme au cœur pur’ (le seul capable de ‘voir’ Dieu !), ‘l’homme aux mains ‘propres’, ‘l’homme droit’ : quelqu’un – résume-t-il -, qui ne livre pas son âme aux idoles. Ce doit être ça : et en conséquence, décidé à ne pas sacrifier aux idoles de l’argent, du pouvoir et du sexe, il est ‘programmé’ qu’il connaisse - tour à tour ou tout ensemble -, pauvreté, larmes,  faim et soif, et persécutions de toutes sortes !
*       *
*
Ainsi, affirmer et chanter aujourd’hui que, oui, nous voulons être le peuple immense de ceux qui cherchent Dieu, n’implique aucunement que nous sachions clairement en quoi cela consiste ! Paradoxal, non ?
  • Nous croyons bien que nous sommes enfants de Dieu,
  • mais c’est dire surtout que nous croyons en l’immense amour dont Dieu nous a comblés
  • pour parvenir à la plénitude de notre être (voir le programme),
  • pour parvenir au bonheur tant recherché en Dieu (voir encore le programme),
  • pour suivre un chemin qui fonde notre espérance en Jésus
  • et devenir ainsi assez semblables à lui pour le voir et nous voir enfin,
  • tels que nous sommes, lui et nous !

On comprend que c’est l’espérance qui nous rend ‘purs’, que c’est en nous abandonnant à son amour que nous trouver(i)ons bonheur et paix pour combler notre désir !



[1] Pascal, Pensées, n° 72 et n° 793 dans l'éd. Brunschvicg.


On finit toujours par « être trouvé » !


On finit toujours par « être trouvé » !

dimanche 31 octobre 2010
Trente-et-unième dimanche du temps ordinaire

Textes
  • Sg 11,23-26.12,1-2.
  •  Ps 145(144) ,1-2.8-9.10-11.13.14.
  •  2 Th 1,11-12.2, 1-2. 
  • Lc 19,1-10.


Dans La nuit de Zachée, Maurice Bellet[1], à travers une libre variation biblique, donne la parole à Zachée, monté sur un sycomore pour apercevoir Jésus qui va s’inviter chez lui :

« Si tu m’avais dit que tu devais venir ce soir, ô maître, j’aurais fait préparer un repas digne de toi, un festin royal, avec de nombreux convives, comme tu aimes. Et nous t’aurions écouté, suspendus à tes lèvres, éblouis par ta sagesse. Mais tu viens seul, sans prévenir, à l’improviste. Qu’y a-t-il ? Qu’as-tu donc ? Ton visage est las.
Oh, comme je comprends que tu sois fatigué, fatigué des foules, fatigué de tes disciples, fatigué de tout !
Ils abusent de toi, ils te dévorent. Alors, tu t’es dit : j’irai vers Zachée, Zachée me recevra sans rien me demander, et je pourrai passer un moment chez lui, seul et tranquille…
Repose-toi. Mange et bois. Je te fais préparer une chambre haute : tu pourras y dormir en paix, comme Elisée chez la Shunamite. La paix est sur cette maison tant que tu y demeures. »

Zachée n’est pas fou. S’il « comprend bien » le ras-le-bol de Jésus – c’est peut-être pour ça aussi que ce dernier  est « parti » si tôt à 33 ans ! -,  il reste raisonnable jusque dans sa générosité : il a la repentance pragmatique, la réparation proportionnelle et la charité distributive. Ecoutons-le plutôt selon le docteur Luc :
« Regarde, maître : je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres (1) ; et si j’ai fait tort à quelqu’un par une fausse accusation, je lui rends le quadruple (2) ».



Quand un concussionnaire à la petite semaine est prêt à se défaire de 50% de ce qu’il a pu rapiner durant un certain temps, c’est qu’il en a suffisamment mis de côté pour vivre dans l’opulence le reste de ses jours : on est loin de Simon du Désert et de François d’Assise ! Et d’un ! Quant à rendre 4 fois ce dont il est redevable à quelqu’un pour avoir usé à son égard de chantage ou de délation, c‘est avouer en même temps qu’on est le roi des salauds puisqu’on s’arroge soi-même le droit d’évaluer ce qu’on doit à la victime[2] !

Eh bien, Jésus aime ça, car - tout fils de Dieu qu’il est -, il n’en demeure pas moins  réaliste, il n’a pas le culte du héros : Jésus n’est pas grec, il n’est pas romain. C’est un juif de la bible, un descendant d’un peuple à la nuque rebelle, résistant à toute assimilation, qu’elle fût perse, hellénistique et maintenant impériale. Comprenant que ses coreligionnaires s’en tirent comme ils peuvent de cette occupation étrangère qui finira par l’avoir lui-même, il n’est pas choqué outre mesure par le comportement « bien tempéré » de ce nabot de collaborateur, chez qui il a décidé de dîner (avec 12 gaillards qui ne vont pas s’en faire conter !) et peut-être même de passer la nuit !

Toujours selon Luc, la finale est à la fois froide et restauratrice : (Dieu aurait-il trouvé Zachée digne de l'appel qu'il lui adresse par Jésus : Th 1,11);
« Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, vu que lui aussi est fils d’Abraham (1);
car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (2)».
Traduisons :
  1. Tous les enfants d’Abraham héritent légitimement la bénédiction accordée à leur lointain ancêtre, car Dieu est fidèle  (« Tu seras la père d’un peuple aussi nombreux que le sable qui est sur les lèvres de la mer ! Toutes les nations seront bénies en toi  »!)
  2. Quant à moi, si je viens, ce n’est pas pour condamner quiconque (car chacun est assez grand pour se condamner lui-même si ça lui chante !) : moi, je viens pour sauver et redonner la vie à ceux qui veulent repartir à zéro ! (« Je n’éteins pas la mèche qui fume encore ! »)


Tout à fait en écho avec notre psaume de méditation :
La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés. Ps 145

 *        *
*

Un peu d’histoire ! Les publicains étaient des collecteurs d’impôts, opérant pour le compte de l’occupant romain – et pour leur compte à l’occasion aussi -, malgré leur origine juive : donc des collabos, des kapos ! Soupçonnés à juste titre de malversations et considérés naturellement comme trahissant leur compatriotes, les publicains étaient méprisés et assimilés dans l’opinion à des pécheurs notoires qui ne tenaient pas compte de la loi de Moïse.
Tel était Zachée : en plus, il était kapo chef, et plus riche que lui… tu meurs !
C’est sa curiosité qui le fait grimper sur son sycomore. Imaginez-vous un homme probablement connu dans sa ville, et d’un rang social certain bien que honni, courir pour devancer les autres et grimper dans un arbre ? C’est qu’il désirait vraiment le voir, ce Jésus, même au risque d’être la risée des autres !

Pourquoi donc ? C’est la clé de Zachée !

Il y a ceux qui courent voir passer le Tour de France à un col, la Reine d’Angleterre en carrosse sur le Mall, ou le Pape à son balcon e St Pierre ! Ou encore « What else ? »  sur la Croisette !

Toi qui me lis, qui te ferait bouger au point d’aller à ses devants, ne serait-ce que pour l’entre percevoir ? As-tu jamais eu le désir de « voir », de « connaître » Jésus[3] ?

Zachée ne s’encombre ni de sa nano conformation, ni de son incapacité naturelle, ni du « qu’en dira-t-on », ni aujourd’hui, des formes et des vicissitudes d’une religion qui, comme cette foule, t’empêche de voir Jésus tel qu’il est.
Qui que tu sois, petit ou de belle stature, jeune ou âgé, quelle que soit ta position sociale ou ton statut, tu peux y aller sans crainte !
De toute façon, il te verra sur ton « sycomore », il te verra exactement comme il a vite vu Zachée dans l’arbre !
Il connaît déjà tes besoins et ton désir.
Il t’appelleras aussitôt par ton nom et t’invitera :
« Descends vite, j’aimerais aujourd’hui manger avec toi, pas au restaurant, chez toi !».

Ah ça oui : chacun peut rester perché sur son arbre : (ir)respect humain, fierté mal placée, ridicule orgueil ? Tout est bon prétexte quand on ne veut pas !

« Voici, je me tiens à la porte et je frappe, dit-il encore aujourd’hui ; si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3,20)



On peut imaginer les gens murmurer en voyant Jésus entrer chez Zachée – en te voyant ouvrir ton cœur à la grâce ! Murmurer les pires « bonnes raisons » : Il va manger chez les salauds, maintenant !

On se demande d’ailleurs où Jésus aurait bien pu aller ailleurs que chez un pécheur, puisque « tous ont péché » (Rm 3, 23) ?  Ceux qui murmur(ai)ent se cro(yai)ent-ils justes, eux ?  Eh bien, dans ce cas, ils n’ont/avaient pas besoin d’un Jésus Sauveur ! Ce ne sont pas ceux qui sont en bonne santé, qui ont besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal ; Jésus n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Mc 2,17).

Si tu vois le mal chez les autres et que tu considères ne rien avoir à te reprocher, tu ne pourras jamais réaliser ton propre besoin d’être sauvé, et tu resteras alors, malgré la bonne opinion que tu as de toi-même, empêtré dans les filets de tes contradictions et de tes erreurs.

Alors, comme Zachée, débarrasse-toi d’abord de la moitié de tes « bagages » (« la moitie de mes biens ! »), et demande plusieurs fois pardon à qui tu as fait tort ! C’est un bon début, c’est le premier qui coûte ! Le reste viendra en son temps, en ton temps, quand tu auras changé d’habitude, ou de fréquentation ! Tout s’apprend, mais aussi tout peut se ré apprendre !
                                                                                                         
Quand on a fait ce (3ème !) type de rencontre, on ne peut plus se mentir : cela ne sert à rien ! On sait tout soudain et Il sait tout de toutes façon ! Ni tes bonnes œuvres, ni ton honorabilité ne peuvent t’apporter ce dont tu as le plus besoin : que quelqu’un te regarde sans te juger et t’offre l’opportunité de recommencer !

Jésus dépasse de beaucoup ce que Zachée attendait. Il cherchait simplement à le voir et il finit par le  recevoir chez lui…

Il l’aura cherché, finalement ! Sans savoir…C’est souvent la meilleure façon !

*       *
*
Jamais la Sagesse n’aura été plus pertinente que pour Zachée… et pour toi, si tu veux :

Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu'ils se convertissent.
Tu aimes en effet tout ce qui existe,
tu n'as de répulsion envers aucune de tes œuvres,
car tu n'aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui.
Et comment aurait-il subsisté, si tu ne l'avais pas voulu ?
Comment aurait-il conservé l'existence, si tu ne l'y avais pas appelé ?
Mais tu épargnes tous les êtres, parce qu'ils sont à toi,
Maître qui aimes la vie,
toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.
Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu,
tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal,
et qu'ils puissent croire en toi, Seigneur.
Livre de la Sagesse 11,23-26.12,1-2.



[1] Ecrivain, philosophe, théologien, Maurice Bellet est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages. Il vient de recevoir le Prix Siloé 2002 pour La longue veille.
[2] Ça sent la « généreuse » attitude réparatrice de l’Eglise envers les victimes de son personnel pédophile !
[3] Ver a Dios ! Le désir de Jean de la Croix ! Quel est donc ce « bien que vous désirez », demande Paul ?