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mercredi 2 février 2011

JESUS performatif…



6 février 2011
JESUS performatif…
5ème  dimanche du Temps ordinaire
Année A
Lectures :
-          Is 58,7-10


L'Évangile de ce jour est très réconfortant à entendre, et en même temps, il peut donner mauvaise conscience de ne pas en être à la hauteur, en tout cas pas toujours. Cela vaut pour chacun et pour ce « grand corps malade », tout mystique qu’il soit : l’Eglise !


Ainsi, d’après Jésus,  nous serions / sommes appelés à être « le sel de la terre et la lumière du monde » (Mt 13-14). Le sel qui purifie de tout miasme (les salaisons) et de toute morosité (en donnant de la saveur : même radical que ‘savoir’ = sapere. On mettait du sel sur les lèvres de l’enfant à baptiser…). Et la lumière, donc, censée  délivrer de la nuit et montrer où est  le che­min !

Et en plus, termine la péricope : « Que votre lumière brille devant les hommes » (v. 16). Il aurait pu/du ajouter : « Et donnez-leur envie de boire et de manger – d’apprécier, de trouver goûteux -, ce que vous leur servirez, donnez du goût à vos paroles et à vos actes ! »

En effet il ne suffit pas de dire, de répéter et de finir par lasser ! Si celui qui parle n’est pas écouté, les raisons en sont, nous le savons, très diverses. Mais puisque l’évangile s’adresse à celui qui parle et non à celui qui entend et qui parfois écoute, c’est sur le pro-phète – celui qui lance la parole devant lui -, que nous sommes invités à nous concentrer.

Ø      Oui, suffit-il de nous dire : « Soyez !» pour que nous le soyons. Ou bien: « Brillez ! » pour que nous brillions ? Ici l’impératif n’est pas catégorique du tout !
Ø      Faut-il que nous ayons l'allure de gens à la conscience malheureuse et à la « face de carême » qui s'efforcent sans cesse et jamais ne parviennent, qui prennent aujourd'hui de fermes réso­lutions et ne les tiennent pas le lendemain ?

-          Que nous soyons des velléitaires - à un moment ou à un autre, souvent même -, est une chose ! C’est pour quoi Jésus utilise d’abord l’indicatif : « Vous êtes ! »
-          Et s’il passe ainsi d’un « constat objectif » au « projet subjectif » qu’il nous confie, c’est que naturellement et surnaturellement, il y aura toujours un passage à effectuer entre la connaissance de soi et ce à quoi nous nous sentons ou sommes appelés. Tout le « jeu » de l’appel et de la vocation est là : du « qui je suis » au « qui je veux être ».



Autrement dit : nous révélant à nous-mêmes qui nous sommes déjà potentiellement [« Vous êtes »], et parce que nous le sommes déjà [-sel et lumière -], il se permet ensuite de nous proposer de le devenir effectivement (c’est là « la vocation »), c’est-à-dire de « montrer aux hommes »  par nos actes, comportements et habitudes, que nous le sommes vraiment ! Oui, nous le sommes et nous le prouvons ! Laissons nous juger le tas !

Le jeu de la vocation se situe quelque part entre Salinger et Malraux !


C'est marrant, (il) suffit de s'arranger pour que quelqu'un (ne) pige rien à ce qu'on lui dit et on obtient pratiquement tout ce qu'on veut (de lui).

C’est la foi que les autres mettent en  nous qui nous fait avancer.
 André Malraux


Le « Sitz im Leben » d’un texte – c’est-à- dire les circonstances spatio-temporelles où ce texte a été écrit – n’est pas neutre quant à sa nature et à son intention. Cela vaut aussi pour sa situation dans l’élaboration d’un ensemble plus grand. Ainsi la péricope de Matthieu ne s’inscrit pas de façon neutre dans son corpus. C'est aussitôt après que Jésus ait proclamé les huit béatitudes : aux pauvres de cœur, aux doux, aux miséricordieux, aux persécutés ! On peut donc penser tout aussi logiquement, que c’est à eux qu'il s'adresse quand il dit : « Vous êtes le sel de la terre, [...] vous êtes la lumière du monde ».

Si c’est juste, demandons-nous s’il le sont - sel et lumière - parce qu'ils sont pacifiques, miséricordieux, pauvres et purs ?
-          Si c’est comme ça, alors nous devrions entendre les béatitudes comme des, commandements : ce qu'elles ne sont pas puisqu'elles ne font que constater et manifester – révéler ! - un bonheur caché jusque-là.
-          Si ce n’est pas le cas, alors il faut bien admettre que l'homme n'est pas ‘sel et lumière’ en raison de ses œuvres !

Ø      Mais en raison de quoi l'est-il, s'il ne l'est pas en raison de ce qu'il fait ?

Si Jésus proclame d’une part : « Heureux ceux qui font la paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9), et si faire œuvre de paix n'entraîne pas que l'on soit automatiquement ‘sel et lumière’, il n'y a qu'une solution possible :

nous sommes sel et lumière
en raison  de la seule promesse que Jésus fait
en  appelant à sa suite !

Autrement dit,
c’est en acceptant de le suivre
que nous sommes / devenons sel et lumière,
son sel et sa lumière,
 le sel et la lumière de sa vie !

Et si nous décidons de répondre à son appel, c’est que nous croyons fermement que cette promesse de Jésus est sans condition, inconditionnelle et, par là, créatrice ou re-créatrice de vie. Elle annonce ‘simplement’ ce qui reposait déjà au cœur de l’éternité : nous croyons alors que déjà nos noms sont inscrits dans le livre de vie, que déjà nous sommes « héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ » (Rm 8, 17), que déjà nous sommes « prédestinés à reproduire l'image [du] Fils [de Dieu] » (Rm 8, 29). Alors tout prend sens dans notre existence, et nous devenons (enfin) ce que nous sommes…déjà !

Ce « déjà » irrécusable, mais nous le trouvons partout, par exemple dans la première épître de saint Jean : « Dès mainte­nant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons ne paraît pas encore clairement » (1 Jn 3, 2), et à la toute première eucharistie : « Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi : vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume » (Le 22,29-30).



C’est alors – et alors seulement -,  que peut sonner l’heure des « bonnes œuvres » ! Il y aura eu d’abord - comment dire ? - la tendresse du Père de Jésus qui laisse déborder sur nous les biens de son Fils : cet amour sans mesure qui traverse à notre crédit le hiatus de la mort, cette grâce surabondante de l'Esprit qui dépose ce don au plus intime que nos cœurs. Ah, que les mots sont donc usés et banalisés ! Mais comment dire ce qui est indicible ?

Comment dire qu’on est aimé, sinon en disant… qu’on est aimé !

Comme un flash (comme le Factus est repente de la Pentecôte, le Aha Erlebnis de Freud, le Mais c’est bien sûr de l’Inspecteur Bourrel !), d'un seul coup, nous le voyons ! La parole de Jésus balaie nos sys­tèmes de référence et de notation :

plus besoin du regard d'approba­tion ou de désapprobation des uns ou des autres autour de nous, ni de bonnes œuvres ni de bonnes résolutions[1]
mais l'unique regard éternel qui crée et re-crée plus admirablement, celui du Père « qui voit dans le secret » (Mt 6, 4) ;
mais cette Présence, enfin nommée, qui nous donne de pouvoir de bien œuvrer !

Et notre tâche première consiste alors à l'accueillir en ‘eucharistein’, en ‘eucharistiant’, en disant merci !

Le reste, tout le reste nous sera « donné par surcroît » (Mt 6, 33).

Les cieux sont à moi.
Et la terre est à moi.
À moi les nations, à moi les justes, à moi les pécheurs…
Les Anges sont à moi et la Mère de Dieu est à moi.
Tout est à moi.
Dieu est à moi et pour moi puisque le Christ est à moi et tout entier pour moi !

Jean de La Croix




51 Des pauvres, vous en aurez toujours avec vous, moi, vous ne m’aurez pas toujours ! Jn 12,8

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