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dimanche 29 mai 2011

POUR VIVRE A LA HAUTEUR DE NOTRE VOCATION Solennité de l'Ascension


POUR VIVRE A LA HAUTEUR DE NOTRE VOCATION
Solennité de l'Ascension

Année A
2 juin 2011
Lectures :
-          Actes 1,1-11
-          Psaume 46
-          Éphésiens 1,17-23
-          Matthieu 28,16-20

L'Ascension de Jésus est-elle un terme, seulement ? Terme de sa visibilité terrestre, certes.



Mais ici, l'imagination est davantage un obstacle qu'une aide : car il ne sert à rien de chercher à nous représenter l'évé­nement de ce « départ ».
L’art n’y aide pas non plus : il chosifie l’immatériel. Et l’imaginaire s’attache alors à la chose représentée plus qu’à ce à quoi cette chose doit renvoyer. Ainsi l’image / simulacre n’est plus « sacramentaire », (symbolique, « indicatrice »): elle emprisonne le regard de foi dans une sorte de fétichisme religieux que l’on retrouve ailleurs dans le « culte » des reliques : depuis le linceul de Turin (que l’on « monstre » régulièrement) jusqu’au sang de Saint Janvier (censé se liquéfier le 19 septembre, le 16 décembre et le samedi qui précède le premier dimanche de mai chaque année dans la cathédrale de Naples !).



·         Comment acquérir un autre regard, un regard plus attentif aux réalités spirituel­les, au-delà du visible, « un esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment », « qu'il ouvre notre cœur à sa lumière » (Ep 1,17-18).

D’une part, la deuxième lecture nous ouvre à l'intelligence profonde de l'événement : une intelligence biblique et théologique.
-          Désormais, le Père a établi le Seigneur Jésus Christ au-dessus de tout, « il lui a tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la Tête de l'Église qui est son Corps » (Ep 1,22-23).
Ø      Cette réalité n'est pas de l'ordre du visible, car elle est même contraire aux apparences : l'Ascension est vue comme une séparation, elle met fin à un certain mode de relation entre Jésus le Christ et ses disciples.
D’autre part, la liturgie s’en empare et poursuit son exploitation.
-          « En entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son Corps l'espérance de le rejoindre un jour » (première préface pour l'Ascension).
Ø      La relation avec le Christ Jésus change radicalement de régime : ce n'est plus une présence physique, visible et palpable au bénéfice de quelques-uns, mais la présence de celui qui agira avec puissance à travers tous ceux qui se reconnais­sent membres de son Corps.



*           *

*

On est donc « condamné » à parler de quelque chose pour dire autre chose, qui ne peut se dire autrement ! Ainsi
·         lorsque l'Évangile et les Actes parlent d'une « montée au ciel », ils désignent par ce symbole que Jésus le Christ est glorifié : « Élevé dans la gloire par la puissance de Dieu, il a reçu de son Père l'Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous » (Ac 2,33) ;
·         ces textes veulent dire que dans la personne de ce Jésus le Christ, c'est notre humanité qui a été glorifiée, c'est-à-dire totalement « saisie » & « trempée » - comme l’acier ! -, par la puissance de Dieu.
·         Ce qui veut encore dire : Puisque Jésus le Christ res­suscité est désormais « monté vers son Père et notre Père » (voir Jn 20,17), cette puissance va pouvoir être communiquée en abondance par le don de l'Esprit.
·         Désormais, c'est toute l'humanité de Jésus Incarné qui est saisie par la puissance
de Dieu afin que notre propre humanité – notre incarnation -,  devienne capable de recevoir cette même puissance. « II est monté au ciel pour nous rendre participants de
sa divinité
» (reprend la liturgie de la deuxième préface pour l'Ascension).
·         La glorification de Jésus le Christ que nous célébrons à l'Ascension annonce donc aussi la nôtre. L'événement réalisé en la personne de Jésus, le Christ, le Fils unique est rendu désormais accessible à travers la liturgie que nous célébrons. « Ce qui a été visible de notre Rédempteur est désormais passé dans les mystères».»

1.       Ce qu’il faut souligner, c’est le grand réalisme – on dirait l’objectivité -, avec lequel l’évangile du jour
-          évoque le doute de certains disciples : « Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes » (Mt 28,17). [Il ne suffit donc pas de voir pour croire !!!]
-          et indique la faiblesse des disciples avant la Pentecôte.
2.       Voici qu’est introduit un nouveau régime qui va désormais prévaloir : par le visible, accéder à ce qui est invisi­ble :
-          c’est la parole de Jésus qui dissipe le doute ; tout comme dans les sacrements, elle achemine à reconnaître son œuvre et à en bénéficier.
-          L'Esprit vient au secours de la faiblesse humaine afin que les hommes puissent, malgré leurs insuffisances et leurs limites, par­ticiper à l'œuvre de Dieu en ce monde.

Ø      Jean Chrysostome (344-407, Sur Matthieu, Homélie 12, 4) dit que le mystère de l'Ascension nous apprend à « vivre sur la terre de la vie même du ciel », étant donné que celui qui a reçu la marque du Christ et son esprit se doit désormais de rechercher les choses d'en haut (Col 2,3-5), car il est désormais citoyen des cieux (Ph 3,20) sans négliger pour autant son implication dans la vie du monde.



- Il en résulte une tension permanente  - c’est ça, la vie ! -, qui est en fait une véritable dynamique (typiquement paulinienne) entre
  • d’une part la perspective du « rejoindre Dieu » au-delà du temps,
  • et d’autre part celle du « rejoindre  les hommes » dans le temps de l’histoire.
- La tentation conséquente est double (typiquement ignatienne) elle aussi
  • nous enfermer dans les préoccupations de ce monde : aliénation matérialiste,
  • ou, à l'inverse, de les fuir pour nous instal­ler dans un monde imaginaire : aliénation schizophrénique.

La tension entre les soucis terrestres et la visée d'un au-delà est au nombre des paradoxes décrits par le cardinal Henri de Lubac :

Comme nous sommes terriblement et presque incurablement charnels, la résurrection même du Sauveur risquait d'être par nous mal comprise. À la Résurrection succède donc l'Ascension, destinée à nous en montrer le sens et à nous forcer enfin à porter nos regards en haut, à dépasser l'horizon terrestre et tout ce qui est de l'homme en son état naturel. Ainsi, la leçon de l'Ascension ne contredit pas la leçon de l'Incarnation : elle la prolonge, elle l'approfondit. Elle ne nous place pas en deçà ou à côté de la vie humaine : elle nous oblige à l'accomplir en nous faisant viser au-delà.

L’enjeu de cette mystérieuse quadrature
1.       Incarnation
2.       Eucharistie
3.       Résurrection
4.       Et Ascension
vise – dans sa formulation théologique, illuminée par la foi qui est un don de l’Esprit -, l'accomplissement l'homme dans toutes ses dimensions. Cette séquence n’est pas la simple promesse d'un prolonge­ment de la vie présente, au même niveau : elle fait déboucher sur un monde nou­veau, au-delà !

  1. Dans l'Incarnation, Dieu s'est manifesté sous les traits visibles de l'Emmanuel, nom qui signifie « Dieu avec nous » (Mt 1,23).
  2. Dans l’Eucharistie, Dieu nous nourrit de sa propre substance, par son Fils : « Mon corps, … mon sang… ! »
  3. Dans la Résurrection, Dieu inaugure un état altéré de subsistance : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. »
  4. À l'Ascen­sion, Dieu, par la bouche de Jésus, promet : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20).


Désormais, la formule liturgique « Élevons notre cœur » et la réponse « Nous le tour­nons vers le Seigneur» dessine le seul programme de vie et d'engage­ment conforme au mystère que nous célébrons en ce jour.

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