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LA FOI, OK ! MAIS ACTIVE !

3 octobre 2010
27ème  dimanche du Temps ordinaire Année C
LA FOI, OK ! MAIS ACTIVE !


Lectures
  • Hab, 2-3 ; 2, 2-4
  • Ps 94
  • 2 Tim 1, 6.,,14
  • Lc 17, 5-10

Jésus s'est éloigné de la foule et ne s'adresse plus qu'aux disciples. Le thème du cours d’aujourd’hui est « grave » : il s’agit du scandale, plus exactement de la pastorale du scandale : comment ne pas cesser d’être accueillant au repentir, tout restant lucidement des hommes de pardon.

La situation est en tension permanente. Tantôt extrême sévérité tantôt miséricorde infinie. Alors en retrait avec Jésus, ceux qui le suivent  (et essaient de comprendre – dur, dur ! - quel type d'homme ils doivent devenir), lui lancent un appel qui traverse les siècles et monte au cœur de tout disciple : « Augmente en nous la foi ! »

Vous vous rappelez : un jour, dans l'Évangile de Jean (Jn 6), à la suite de ce long discours plutôt difficile du Pain de Vie, les auditeurs déconcertés le quittent en foule, restent seuls les disciples tout aussi désemparés. Jésus va les provoquer encore plus (tactique pédagogique de ce maître aux mille ressources) : « Et vous aussi vous voulez me quitter ? Profitez de la foule !» 

Nous connaissons la réponse - souvent la nôtre quand il faut rester chrétien et catholique romain en dépit de tout le ramdan des scandales comme de Rome : « Non, non ! Nous restons ! Vers qui irions-nous ? Tu as, toi, des paroles de vie éternelle. » Même si nous ne comprenons pas toujours comment être disciples et surtout « quelle est sa pensée qui n'est pas notre pensée, sa volonté qui n'est pas notre volonté... ».



Il semble que la foi ouvre le chemin…
… si elle est bien cette confiance en LA           personne qui éclaire et trace la voie. Sans toujours connaître l'itinéraire exact, ni « la meilleure façon d’marcher » : nous marchons la route avec lui !

Les premiers disciples, et les rédacteurs des évangiles, nous transmettent ces paroles de Jésus –grâce à Dieu !-, si souvent paradoxales que, parfois, les textes semblent se contredire : ainsi nous pouvons prendre le risque d’interpréter ! Nous en avons ici un exemple, avec sa brusquerie juvénile à propos du serviteur inutile. Comme si – sûrement ! -, excédé par la lenteur des disciples à « piger »[1], il les rabroue pour les faire avancer. « Lorsque vous aurez fait tout ce qui vous a été prescrit dites-vous que vous êtes des serviteurs inutiles, vous avez fait ce que vous aviez à faire. »
Traduction :
  1. Un : Vous réclamez plus de foi alors que, avec votre foi pas plus grosse qu’un grain de moutarde,  vous pourriez faire bouger bien des choses.
  2. Deux : C'est la foi en vous-mêmes qui vous manque : vous ne croyez pas en vous !
  3. Trois : Osez ! Et vous verrez changer le monde autour de vous.
  4. Quatre : Et n’allez pas en tirer une quelconque gloire ! Dites-vous que vous n'avez fait que votre devoir, celui que votre foi vous engage à vivre. »
« Serviteur inutile » ! Voilà ce qui rend tellement humain, Jésus, le fils de Dieu ! Dureté – c’est-à-dire exigence (les disciples ne s’y trompent pas !) - et pourtant chaleur aussi  – c’est-à-dire affection - pour eux, comme quelques chapitres avant, en Lc 12, 37 : « Heureux ces serviteurs que le maître trouvera en train de veiller, en vérité il se ceindra et les fera mettre à sa table et passant de l'un à l'autre les servira. »



La comparaison du grain de moutarde suffisant pour une foi active, il en avait déjà pris l'image comme origine de la croissance du Royaume de Dieu (Le 13, 19). Tout commencement – c’est évident ! -, est comme une petite graine, ainsi aussi la foi, comme le Royaume en croissance. Il s’agit d’apprendre de Jésus à jouer sur les mots et les situations pour faire éclater le sens et ouvrir l‘intelligence du cœur.

La pédagogie paradoxale de Jésus déséquilibre, déstabilise, « décoiffe » : elle exige de changer de tactique pastorale en permanence, parce que l’expérience prouve que rien n’est jamais acquis une fois pour toutes.
En matière d'Évangile, ce n'est pas « OU ceci OU cela », mais « ET comme ci ET comme ça ». L’évangile n’est pas EX clusif, mais IN clusif ! Ce qui ne devrait pas surprendre, puisqu’il relève d’une mentalité sémitique, plutôt (moyen)orientale qu’occidentale ! La pensée bouddhique fonctionne aussi comme cela !
Nous serons toujours Rappelés à l’Ordre, nous autres, occidentaux, à nous demander « quelle est donc  CETTE  pensée qui n'est pas notre pensée, CETTE  volonté qui n'est pas notre volonté... ».


Le « chrétien actif », traité au soir de son travail comme celui qui a simplement fait ce qu'il devait et qui ne mérite pas plus que la satisfaction de son devoir bien fait, devient pourtant si proche de son Maître, Jésus qui l'envoie, que celui-ci ne le traite plus en simple disciple, mais en ami. Jésus, d’après Jean, ira jusqu’à se ceindre les reins d’un tablier de cuisine, pour « lui laver les pieds » et lui déclarer
que, de même qu’il lui a confié de transmettre tout ce que le Père voulait faire connaître, il l’appelle désormais son ami.

La foi apparaît donc intimement liée au sens du service gratuit,
« à nous dépenser sans attendre d'autre récompense que celle d'avoir fait votre sainte volonté », comme le chante la prière scoute, issue de celle d'Ignace de Loyola.


  1. Pas de conditions préalables : la gratuité modèle l'homme à l'image de son Créateur. 
  2. La foi rend libre d'aimer sans contrainte et, paradoxalement, le serviteur, inutile. 
  3. Pas de privilèges dans le Royaume, ni de rang d'honneur, pas de « niches » fiscales ou autres  
  4. seule une hiérarchie de service !

« Celui qui veut être le plus grand qu'il soit celui qui sert » (Le 22, 34-27).
Les Chrétiens, les cathos et l’Eglise peuvent faire mieux ! Encore un  effort !

*   *
*

Question :
Mais alors, dans la foi, n'y a-t-il aucune place pour la reconnaissance, pour les remerciements ?





[1] Intelligenti pauca ! L’homme intelligent comprend vite !

dimanche 19 septembre 2010

DEUX MAÎTRES : UNE OPTION

26 septembre 2010,
26ème dimanche du temps de l'Église C
DEUX MAÎTRES : UNE OPTION

Lectures
  • Am 6, 1...7
  • Psa 145
  • 1 Tm 2, 6, 11-16 
  • Lc 16, 19-31

Nous voyons que le chapitre 16 de Luc se déploie en deux volets pour administrer aux disciples une nouvelle leçon qui, elle aussi, n'aura jamais été aussi actuelle en cette année 2010, après la crise financière mondiale et la peur de la précarité envahissante dans les foyers.
Oui, il s'agit de l'argent, qui de tout temps dénature les rapports humains, jusque (souvent) dans les familles. Un décès et les questions d'héritage viennent détruire l'harmonie des frères et sœurs (tensions souvent attisées part les « pièces rapportées »). Rien n'est plus redoutable que les effets de l'argent sur les consciences et sur la vie des sociétés, civiles et religieuses. 



Dimanche dernier, la première parabole a déjà alerté les disciples, reprenant l'adage déjà rappelé : « Là où est ton tré­sor, là est ton cœur. » II faut TOUJOURS choisir, et le passage va bien se conclure sans ambages : « Nul ne peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent. »

Pourtant, soyons réalistes, il faut bien s'en servir [1]! Quel usage est donc souhaité par Jésus pour ses dis­ciples, assez rabroués comme fils de lumière moins malins que les fils des ténèbres !
L'économie capitaliste, devenue folle pour le plus grand profit de quelques-uns au mépris de tous et des États eux-mêmes, vient d'en revivre le drame dans les débordements des transferts d'argent en richesse virtuelle. Si forte est sa perversité que la crise mondiale n'a nullement empêché de continuer, sans vergogne et sans même en tirer les leçons élémentaires. On ne peut pas vivre plus tragiquement les méfaits de l'argent roi. Le chant d'opéra n'a jamais été aussi percutant : « Le Veau d'or est toujours debout, on adore sa puissance » (dans le Faust de Gounod).



L'Évangile de Luc prête à Jésus une double leçon quant à l'usage possible de l'argent et à l'aveuglement qu'il provoque. Nous avons médité sur la parabole du « gérant pourri » (l'intendant infidèle) précédée par les imprécations violentes du prophète Amos (Am 8, 4-7) :

C’est à vous que je parle, salauds qui écrasez le pauvre ! Imposteurs qui attendez la nouvelle lune pour vendre votre blé ! Tartuffes impatients que le sabbat finisse pour écouler votre froment ? Voleurs, qui fomentez  la maffia de la distribution : « Nous allons diminuer les mesures, augmenter les prix, et fausser les balances. Nous pourrons acheter les pauvres pour rien, pour une paire de godasses. Nous vendrons jusqu'aux déchets du froment !
(Adaptation par le signataire)

Il est obscènement facile d'en faire l'actualisation point par point. Le XXIe siècle à l'échelle planétaire en fait la pénible démonstration : réseaux, carnets d'adresses, dessous de table, compromissions dans l'ombre, tout y est. Seule l'habileté de l'intendant le sauve de la catastrophe.  Effectivement, pourquoi ne pas en prendre exemple et instrumentaliser à l’inverse ce puissant outil du profit pour soi, pour tirer le plus d'hommes possibles de la misère ? Que font d’autre l’Opus Dei et les Légionnaires du Christ ?

Mais au-delà de la conscience morale personnelle toujours à éclairer, le rejet et le mépris de certains groupes d'hommes et de femmes peuvent être encore plus destructeurs de masses humaines. Aux portes de nos sociétés « de l'hémisphère Nord », crient les émigrés qui vont et viennent sur la terre. Roms bulgares et roumains, originaires des Balkans maintes fois explosés, africains et maghrébins sans travail : pous­sés en dehors de leur pays par la politique, la misère et la faim, errants, ils sont rejetés du et par le monde privilégié : mais pour combien  de temps ? Par peur et incapacité à gérer le problème global (c’est ça aussi la globalisation !), les pays riches ferment leurs frontières. Rejoindre ceux qui se scan­dalisent de ce rejet et, au mépris de la loi, protéger, voire accueillir chez soi ces exclus dans des zones frontalières ou les grandes villes, est désormais passible de la loi. Goutte d'eau dans l'océan des migrations, mais cri contre le scandale de tant d'inhumanité ! L'accueil de ceux qui sont échoués là à nos portes rappelle la responsabilité en amont sur les causes qui les poussent en chemin d'exil. Ouvrir les yeux et chercher comment faire sans jamais s'endormir dans la fatalité ou l'impuissance. Souvent il faudra inventer les mesures d'urgence, mais surtout ne pas oublier les nécessités du long terme.



Nous nous trouvons EN 2010 à un tournant significatif de l’histoire des mouvements migratoires et des développements démographiques ! L’extension asymptotique des populations n’est plus un phénomène aléatoire : elle se calcule avec des degrés de plus pointus de validité.


[L’observation des processus de la « transformation » de l’empire romain est paradigmatique pour notre situation quant à toutes les immigrations : personnes, idées, commerce et religions : pour nous, aujourd’hui, la réalité d’un Islam en expansion globale[2].]

L’excursus encadré qui suit peut-être sauté.


Sous la pression des invasions barbares, l’Empire romain connut une grave crise tout au long du IIIe siècle. Les empereurs ayant de plus en plus de mal à repousser les envahisseurs, l’armée prit, parallèlement à la croissance de ses effectifs, une place croissante dans l’État, désignant et renversant les empereurs. Des guerres civiles s’ajoutèrent aux guerres étrangères, les légions d’une région désignant un général populaire empereur. Il arriva que certaines parties de l’empire fassent sécession (voir l’Empire des Gaules).
Dioclétien (245-313), empereur de 264 à 305, décida d’instaurer un nouveau système, la Tétrarchie : pour ne plus être seul à gouverner tout cet immense empire, il procéda à une répartition territoriale en fonction de la langue administrative, chacune avec 2 « césars » :
  • la partie orientale (Balkans et Grèce en Europe, Proche-Orient et Egypte) utilisant traditionnellement le grec ;
  • la partie occidentale (Italie, Gaule, Espagnes, Nord de l’Afrique, cours supérieur du Danube), utilisant le latin.
L’empire n’était pas divisé, et Dioclétien gardait toute autorité sur l’ensemble de l’empire et des légions.  Toutes ces profondes réformes furent engagées pour tenter de fixer le statu quo. Rome perdait son rôle de capitale impériale en faveur de Milan, plus proche des frontières à défendre. Constantin, l’un des tétrarques, prend l’initiative de fonder sur le site de la ville de Byzance, la « Nouvelle Rome », Constantinople, « La Ville de Constantin » !
D’autre part – voilà d’où va venir la transformation essentielle -, l’adoption progressive de la religion chrétienne (qui n’a que 250 ans environ dans l’empire!) va s'institutionnaliser au contact de l'État romain, lui empruntant des aspects organisationnels (diocèse, presbytres, basilique, évêques, droit canon : réalités empruntées à l’administration et à l’armée romaines !) et quelques modèles iconographiques (Pontifex Maximus Romanus,…). Lancée par Constantin (306-337), la « christianisation » de l’empire s'achève (après quelques péripéties entre choix hérétiques et tentatives de restauration des cultes traditionnels) par l'instauration d'une institution ecclésiastique parallèle à l'Église chrétienne, avec l'adoption officielle du culte chrétien (Théodose 379-395) : à la fin du 4e siècle, la chose était faite. L’Empire Romain était chrétien. Le processus officiel n’avait pas duré 3 générations !
Un fait était devenu vite (!) évident : le christianisme ne pouvait plus vivre sans l'empire, et l'empire, n'avait rien de mieux à faire que d'adopter le christianisme contre sa propre religion. Le monde du 3ème siècle voulait une religion de rassemblements, d'églises ou de synagogues, de chapelles, une religion où l'essence du culte fût la réunion, l'association, la fraternité. Le christianisme remplissait toutes ces conditions. Son culte admirable, sa morale pure, son clergé savamment organisé, lui assuraient l'avenir.
-          Constantin avait constaté la force objective de l'église, avec toutes ses populations de l'Asie Mineure, de la Syrie, de la Thrace, de la Macédoine, en un mot de la partie orientale de l'empire, déjà plus qu'à demi chrétiennes.
-          La réaction de Julien (l’Apostat) fut un caprice de restauration sans portée.
-          Théodose inaugura l'empire chrétien proprement dit, c'est-à-dire la chose que l'Eglise, dans sa longue vie, a le plus aimée, un empire théocratique, dont l'Eglise est le cadre essentiel, et qui, même après avoir été détruit par les barbares, reste le rêve éternel de la conscience chrétienne, au moins dans les pays romans.

Plusieurs crurent, en effet, qu'avec Théodose le but du christianisme était atteint. L'empire et le christianisme s'identifièrent à un tel point l'un avec l'autre que beaucoup de docteurs conçurent la fin de l'empire comme la fin du monde, et appliquèrent à cet événement les images apocalyptiques de la catastrophe suprême. L’Eglise orientale, qui ne fut pas gênée dans son développement par les barbares qui couraient à l’Atlantique, ne se détacha jamais de cet idéal ; Constantin et Théodose restent ses deux pôles ; elle y tient encore, du moins en Russie. Le grand affaiblissement social qui est la conséquence nécessaire d'un tel régime se manifesta bientôt. Dévoré par le monachisme et la théocratie, l'Empire d'Orient fut comme une proie offerte à l'Islam ; le chrétien, en Orient, devint vite une créature d'ordre inférieur.

On arrive de la sorte à ce résultat singulier que

  • les pays qui ont créé le christianisme ont été victimes de leur œuvre.
  • La Palestine, la Syrie, l'Egypte, Chypre, l'Asie Mineure, la Macédoine, sont aujourd'hui des pays perdus pour la civilisation chrétienne et assujettis au joug le plus dur d'une ethnie non chrétienne.

Les choses se développèrent en Occident d'une tout autre manière. L'Empire chrétien d'Occident périt bientôt. La ville de Rome reçut de Constantin le coup le plus grave qui l'ait jamais frappée. Ce qui réussit avec Constantin, ce fut sans doute le christianisme ; mais ce fut avant tout l'Orient. L'Orient, c'est- dire la moitié de l'Empire parlant grec, avait, depuis la mort de Marc Aurèle (121-145), prit de plus en plus le dessus sur l'Occident, parlant latin. L'Orient était plus libre, plus vivant, plus civilisé, plus politique. Déjà Dioclétien avait transporté, de Rome à Nicomédie (aujourd’hui Izmir, près d’Istanbul) le centre des affaires. En bâtissant une Nouvelle Rome, sur le Bosphore, Constantin réduisit la vieille Rome à n'être plus QUE la capitale de l'Occident. Les deux moitiés de l'Empire devinrent ainsi presque étrangères l'une à l'autre. Constantin est le véritable auteur du schisme entre l'église latine et l'église grecque. On peut dire aussi qu’il posa la cause éloignée (3 siècles) de l'islamisme. Les chrétiens parlant syriaque et arabe, persécutés ou mal vus par les empereurs de Constantinople, devinrent un élément essentiel de la clientèle future de Mahomet.

  • L'empire chrétien, c'est en fait, l'Empire d'Orient, avec ses conciles œcuméniques (4 en un siècle et demi !), ses empereurs orthodoxes, son clergé de cour. Cela dura jusqu'au VIIIe siècle.
  • Rome, durant ce temps, se préparait à prendre le relais, par le sérieux et la profondeur de son esprit d'organisation, « à la romaine » ! L’Empire d'Occident, en effet, n'était détruit qu'en apparence. Ses secrets vivaient dans le haut clergé romain. L'église de Rome gardait en quelque sorte le sceau du vieil empire, et elle s'en servit pour authentiquer subrepticement l'acte inouï du jour de Noël de l'an 800.
Le rêve de l'empire chrétien recommençait.

Inspiré de « Marc Aurèle ou La fin du monde antique » d’Ernest Renan (http://www.mediterranee-antique.info/Renan/Marc_Aurele/MA_00.htm)

La transformation du regard du disciple n’est pas la moindre des difficultés, ce qui ne simplifie pas l'action : elle nous situe en tout cas au cœur de nos responsabilités d'homme soucieux, avec le Christ, de sauver « Tout l'homme et tous les hommes » (Paul VI à la fin du Concile).
Si la tâche est infinie, elle n'en est que plus urgente, hier comme aujourd’hui !
Celui qui marche en tête vers Jérusalem nous répète aujourd’hui, comme hier aux disciples abasourdis : « Je ne suis pas venu pour détruire mais pour sauver » !

Rien n'aveugle plus, semble-t-il, que le confort mental et l’inconscience psychique qu’entraînent les « biens » de toutes sortes : argent bien sûr, mais aussi jouissance de la paix, de la culture, des medias, de la liberté de mouvement… L'écart qui se creuse entre les hommes, leurs idées et leurs esprits, est un fossé insurmontable, même dans le sein d'Abraham : voir tous les monothéismes! De nouveau l’intelligente liturgie d’aujourd’hui convoque Amos à la barre en première lecture - en captatio benevolentiae -, avant d’entendre la plaidoirie parabolique de Lazare, le pauvre. On ne fait pas plus incisif dans toute la Bible : « Malheur à ceux qui vivent bien tranquilles en ville, et à ceux qui se croient en sécurité dans leur quartier résidentiel sur les hauteurs... La bande des vautrés, c’est fini !» (d’après Am 6, la.4-7).



Jésus lance donc une nouvelle alerte, qui restera en mémoire. Car ce sont tous les pays du Sud qui se lèvent derrière Lazare, face aux pays du Nord qui persistent à fermer leurs portes et les verrouillent de peur que la montée des victimes des pays de la faim ne les franchissent. L'analyse de la mondialisation de l'économie ne peut, en terre d'Évangile, s'éloigner de la conscience et des responsabilités personnelles. Ce n’est que par une transformation de la conscience individuelle et qui, de proche en proche, ira nourrir la conscience collective et réciproquement,… que quelque chose pourra se régler.

Avec Jésus, il nous faut miser –quelque désespérante que la décision puisse en être ! Et elle l’est ! -, sur l'appel à la conscience, même si cela doit prendre le long terme de l'histoire des hommes.

  • Faut-il, peut-on pour autant TOUJOURS écarter la violence des révolutions, même si, pour plus rapide qu'elle soit, n'entraîne d’abord, il est vrai le plus souvent, que de nouvelles injustices et violences.
  • Fallait-il ne pas faire 89, bien qu’il faille déplorer, hélas, le XXe siècle, qui, de Staline à Pol Pot, a fait l'amère expérience des dictatures.

C’est un fait que dans les quelque 30 mois de sa vie publique, Jésus a préféré en appeler d'abord à la conscience. D’abord ! Mais on peut se surprendre à se demander – loin de moi le blasphème !-, ce qu’il aurait préconisé à ses adhérents, s’il avait vécu plus longtemps, s’il avait fondé une famille, s’il avait constitué lui-même, comme nous avons du le faire depuis, une culture, une civilisation, un pays, un mode de vie, de penser, de vivre et de mourir…Je pense par exemple à ses frères d’aujourd’hui, les Juifs de l’Etat d’Israël…


Le disciple de Jésus ne peut s'excuser, au nom de l'impuissance de l'analyse globale à trouver des solutions : à sa porte, chacun se doit de reconnaître Lazare.

La foi que nous professons – pas celle du credo du dimanche, ni celle décrite dans les catéchismes -, mais la foi à la St Jacques[3], est-elle seulement capable matérialiser la fraternité de toute condi­tion humaine sous le regard de Dieu, en commençant par une pratique singu­lière, la plus proche de lui et, de proche en proche, en refusant pratiquement l'injustice généralisée : cela peut aller de l'association d'entraide aux réformes législatives, aux actions internationales, enfin, à l'horizon de l'espoir, vers une gouvernance mondiale plus juste.
Si le chrétien se cantonne à l'aumône dominicale et au chèque pour son ONG préférée – c’est déjà pas mal ! -, c’est qu’au fond, il ne cherche pas la cohérence de sa conscience entre sa foi professée et sa vision du monde, active et pratique : opératoire !
« Jésus, vraiment augmente en nous la foi. » Telle est bien la ques­tion. Justement celle des disciples à ce moment historique du voyage d'initiation qui se révèle  de plus en plus redoutable et risqué.

*   *
*
Ces deux dimanches - le dernier et aujourd’hui -,  quels effets concrets ont-ils, vont-ils provoqué/er dans les communautés dominicales ?
N’avez-vous pas remarqué combien la banalisation du rite a desséché les cœurs – des pasteurs comme des fidèles -,  et que, devenu lui-même une coquille vide, il vide à son tour les églises !
Qu’attend donc – si cela est possible, mais est-ce possible ? -, l'imagination des fils de lumière, à l'image des calculs savants des fils des ténèbres,… qu’attendent donc les chrétiens pour se mettre avec plus de détermination en mouvement au plan personnel, au niveau des communautés et dans l'action solidaire ?



Nous avons atteint le niveau d’urgence permanente (alerte rouge !) quant à nos dirigeants – civils et religieux : oui, il faut prier pour notre Président, pour nos évêques respectifs et notre Pape commun, selon l’ordre de Paul à Timothée. Pour nous, en ces temps difficiles qui sont les nôtres, rien ne devrait être moins « ordinaire », si nous voulons « mener notre vie dans le calme et la sécurité, en hommes religieux et sérieux. »

II n'y aura pas de paix sociale, il n’y aura pas de paix des cœurs sans cette prise en compte de l'écart, du fossé, e l’abîme que met l'argent – et le pouvoir qui l’accompagne -, entre les hommes : un enfer qui les empêche d'être les fils d'un même Père sur la terre.



[1] « Simon, va à la mer, jette l'hameçon et tire le premier poisson qui viendra. Ouvre lui la bouche et tu y trouveras un statère (monnaie équivalente à 4 drachmes = 15 gr d’argent, tout de même). Prends-le et donne-le en paiement pour toi et pour moi ». Mt 17, 24
 [2] L 'Antiquité tardive (de Dioclétien 264-305, aux invasions arabes et slaves,  6ème & 7ème siècles) est en fait une lente mais sûre « transformation » progressive, où l’on constate une continuité entre le monde classique et le monde médiéval, notamment sur le plan de la culture : une évolution graduelle sans rupture claire. Les historiens n’y voient qu’une évolution logique du pouvoir central romain vers un pouvoir local, représentés par les royaumes "barbares" romanisés, poussés par deux siècles de contact et conflit avec des tribus germaniques, les Huns, et les Perses. Toutefois le rôle des « Barbares » fut un (sinon le) facteur le plus important, sans lequel l'Empire romain d'Occident (Rome) aurait persisté dans une forme peut-être différente : le déclin n'était donc pas inévitable, mais il fut la conséquence d'une série d'évènements dont les mouvements de populations, avec leurs cultures et leurs religions.
(Voir Emilienne Demougeot, La formation de l’Europe et les invasions barbares. Tome I : Des origines germaniques à l’avènement de Dioclétien. Tome II : De l’avènement de Dioclétien (284) à l’occupation germanique de l’Empire romain au début du VIe siècle. Paris, Aubier-Montaigne, Bibl. historique, 1979, 935 p ; & L’Empire romain et les barbares d’Occident (IVe-VIIe siècle), Scripta varia. Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, 420 p. (réimpression en 1989 et 1992)).
Si quelqu’un n’a pas de quoi se couvrir, ni de quoi manger, et que l'un de vous leur dise: "Mais il ne faut pas rester comme ça ! Habillez-vous donc, et mangez quelque chose " sans le leur donner quoi que ce soit,  quoi cela sert-il?  - Pour la foi, c’est la même chose : si elle n'a pas les œuvres, elle est morte en soi…

lundi 13 septembre 2010

" La Passion de Jeanne d'Arc " de C.T.Dreyer

ANNONCE LOINTAINE

DREYER – BENDER - VAN DEN BOOREN :
UN TRIO DE (PREMIER) CHOIX

Bonjour,

La PREMIERE
en France de la projection du chef-d'œuvre  de C.T. Dreyer

" La Passion de Jeanne d'Arc"




(film muet de 1927, classé un des 10 meilleurs films muets européens)

sera donnée avec, au pied de l'écran,
les 45 musiciens de l'Orchestre de Cannes-PACA
sous la direction de Philippe Bender.
(soirée de prestige des Rencontres Cinématographiques de Cannes, direction : Gérard Camy) interprètant la musique
que le néerlandais Jo van den Booren a composée pour ce film en 1985.

Quand :  le 8 décembre
Où : Salle Debussy à Cannes
- 1000 places -
Prix unique : 8 €
Réservation : à partir du 13 septembre au Palais des Festivals.

I had a dream…

I had a dream…

Peut-on rêver? (A droite)
Mutatis mutandis, voilà ce dont j’ai rêvé en lisant cette dépêche de l’AFP[1]  (à gauche) !

La Chine lance un site où critiquer le pouvoir est possible



Pékin a mis en ligne un site internet permettant aux Chinois d'exprimer leur opinion sur la marche de leur pays. Des internautes ont aussitôt saisi l'occasion de manifester leur opposition au régime.
Dans un geste d'ouverture inhabituel, le gouvernement chinois vient de lancer un site web offrant à la population la possibilité d'exprimer franchement son opinion sur la marche du pays.
Depuis l'ouverture du site la semaine dernière, des dizaines de milliers de messages ont abordé de façon directe les problèmes de liberté d'expression, de collusion ou de corruption en Chine, même si d'autres messages chantent les louanges du parti communiste au pouvoir.
"Si vous vous préoccupez des conditions de vie de la population, alors soyez solidaires : tuez les responsables corrompus et les tyrans locaux", conseillait par exemple un message adressé au président Hu Jintao.
 Liberté inédite ...
Le site, baptisé "ligne directe sur Zhongnanhai", le siège du pouvoir au coeur de Pékin, offre une faculté pratiquement jamais accordée à la population chinoise et dépend du Quotidien du peuple, journal officiel du PCC.
La censure très active en Chine interdit généralement aux internautes de déposer des opinions critiquant le gouvernement ou évoquant la question des droits de l'Homme. Mais en l'espèce la règle ne semblait plus s'appliquer pour de nombreux commentaires.
Toutefois, affirmait un internaute dans une contribution en ligne, la censure était toujours en vigueur sur le nouveau site, malgré la fenêtre de libre expression apparemment ouverte.
... et limitée
"Camarade Hu, n'est-il pas intéressant de constater que j'ai laissé tant de messages et que tous ont été harmonisés ? Ne pouvez-vous donc pas nous laisser dire la vérité?", a-t-il écrit à l'adresse du président Hu.
Les cybercitoyens chinois ont pris l'habitude d'utiliser le verbe "harmoniser" dans le sens de "censurer", en référence ironique aux coupes sur l'internet exercées par le pouvoir au nom de "l'harmonie sociale".
Mais c'est la hausse des prix de l'immobilier qui semblait beaucoup préoccuper les Chinois qui étaient nombreux à dénoncer la collusion de responsables locaux corrompus et de promoteurs immobiliers avides.
(Nouvelobs avec AFP)

Rome a mis en ligne un site internet permettant aux catholiques d'exprimer leur opinion sur la marche de l’Eglise. Des internautes ont aussitôt saisi l'occasion de manifester leur opposition à son fonctionnement.
Dans un geste d'ouverture inhabituel, le Vatican vient de lancer un site web offrant à tous les catholiques du monde la possibilité d'exprimer franchement leur opinion sur la marche de l’Eglise.
Depuis l'ouverture du site la semaine dernière, des dizaines de milliers de messages ont abordé de façon directe les problèmes de liberté d'expression, de collusion ou de corruption dans l’Eglise, même si d'autres messages chantent les louanges du Pape et de la Curie au pouvoir.
"Si vous vous préoccupez des conditions de vie chrétienne des catholiques, alors soyez solidaires : bannissez les responsables corrompus à la tête et les tyrans épiscopaux ", conseillait par exemple un message adressé au Pape lui-même.
 Liberté inédite ...
Le site, baptisé "ligne directe avec le Vatican", le siège du pouvoir au coeur de Rome, offre une faculté pratiquement jamais accordée aux catholique du monde et dépend de l’Osservatore Romano, journal officiel du Vatican.
La censure très active dans l’Eglise Catholique interdit généralement à ses membres d’emettre des opinions critiquant Rome et la Curie ou évoquant la question du mariage des prêtres, par exemple. Mais en l'espèce la règle ne semblait plus s'appliquer pour de nombreux commentaires.
Toutefois, affirmait un internaute dans une contribution en ligne, la censure était toujours en vigueur sur le nouveau site, malgré la fenêtre de libre expression apparemment ouverte.
... et limitée
"Très Saint Père, n'est-il pas intéressant de constater que j'ai laissé tant de messages et que tous ont été harmonisés ? Ne pouvez-vous donc pas nous laisser dire la vérité?", a-t-il écrit à l'adresse du Pape Benoît XVI.
Les cybercathos ont pris l'habitude d'utiliser le verbe "harmoniser" dans le sens de "censurer", en référence ironique aux coupes sur l'internet exercées par le pouvoir au nom de "l'harmonie ecclésiale".
Mais c'est la baisse de la qualité du service pastoral qui semblait beaucoup préoccuper les Catholiques qui étaient nombreux à dénoncer la collusion d’évêques ultraconservateurs et d’hommes politiques attisant la peur de l’autre.
 (Osservatore Romano avec avec AFP)


  •  Benoît XVI a essayé de mettre l'église à l'ère d'Internet, en faisant ses premiers pas sur YouTube l'an dernier.
  • L'année passée, il avait signalé son mécontentement envers des responsables du Vatican qui n'avaient pas utilisés les nouvelles technologies pour chercher en ligne les propos négationnistes d'un évêque ultraconservateur, Mgr Williamson, avant de lever une mesure d'excommunion à son encontre.
  • Le cas avait embarrassé le Vatican et Benoît XVI y avait vu une bonne occasion de développer l'usage du Web dans l'Eglise.[2] 
  • D'après son entourage, le dignitaire de 83 ans échange des mails et surfe sur Internet.



Alors…

Du rêve au cauchemar…

« Voulant s’informer davantage sur la nature des crimes qu’on reproche à certains prêtres de l’Église catholique, le pape Benoit XVI a pris le temps de faire une recherche extensive sur le sujet via Internet. Ce qu’il a trouvé l’a franchement choqué.
« Je suis allé sur Google et j’ai tapé quelques mots comme enfants, sexe et attouchements. Quelques clics plus tard, je me retrouvais sur des sites horribles qui m’ont fait comprendre la nature des crimes dont l’Église est accusée ces derniers temps », a expliqué Benoît XVI.
Le pape y a passé la nuit dans le but de mieux saisir le phénomène au cœur du scandale qui secoue l’Église Catholique. Afin de prouver qu’il prend le problème au sérieux, Benoit XVI n’a pas hésité à investir temps et argent dans ses recherches.
« Ça m’a coûté une beurrée, oui. J’ai même dû appeler chez American Express à 6 heures du matin pour qu’ils augmentent ma marge de crédit, ce qui m’a retardé un peu dans mes recherches », affirme le souverain pontife. « Heureusement, plusieurs prêtres de partout dans le monde ont répondu à mon appel et m’ont envoyé par courriel divers fichiers qui me permettent de mieux comprendre la déviance de certains de nos représentants », a ajouté Benoît XVI.
Dans un autre ordre d’idées, le pape a profité de sa traditionnelle bénédiction à l’occasion de Pâques, dimanche dernier, afin de livrer un vibrant plaidoyer en faveur de la paix au Moyen-Orient, et aussi pour demander à ses fidèles de le contacter s’ils étaient au courant d’aubaines sur un disque dur externe de grande capacité[3] ».





In Memoriam TESTAMENT DE DOM CHRISTIAN DE CHERGÉ


In Memoriam





TESTAMENT DE DOM CHRISTIAN DE CHERGÉ
ouvert le dimanche de Pentecôte 1996


Quand un A-DIEU s'envisage...
S'il m'arrivait un jour - et ça pourrait être aujourd'hui -
d'être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant
tous les étrangers vivant en Algérie,
j'aimerais que ma communauté, mon Église, ma famille,
se souviennent que ma vie était DONNÉE à Dieu et à ce pays.
Qu'ils acceptent que le Maître Unique de toute vie
ne saurait être étranger à ce départ brutal.
Qu'ils prient pour moi :
comment serais-je trouvé digne d'une telle offrande ?
Qu'ils sachent associer cette mort à tant d'autres aussi violentes
laissées dans l'indifférence de l'anonymat.

Ma vie n'a pas plus de prix qu'une autre.
Elle n'en a pas moins non plus.
En tout cas, elle n'a pas l'innocence de l'enfance.
J'ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal
qui semble, hélas, prévaloir dans le monde,
et même de celui-là qui me frapperait aveuglément.
J'aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité
qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu
et celui de mes frères en humanité,
en même temps que de pardonner de tout coeur à qui m'aurait atteint.

Je ne saurais souhaiter une telle mort.
Il me paraît important de le professer.
Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir
que ce peuple que j'aime, soit indistinctement accusé de mon meurtre.
C'est trop cher payé ce qu'on appellera, peut-être, la "grâce du martyre"
que de la devoir à un Algérien, quel qu'il soit,
surtout s'il dit agir en fidélité à ce qu'il croit être l'Islam.
Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement.
Je sais aussi les caricatures de l'Islam qu'encourage un certain idéalisme.

Il est trop facile de se donner bonne conscience
en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L'Algérie et l'Islam, pour moi, c'est autre chose, c'est un corps et une âme.
Je l'ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j'en ai reçu,
y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l'Évangile
appris aux genoux de ma mère, ma toute première Église,
précisément en Algérie, et déjà, dans le respect des croyants musulmans.
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison
à ceux qui m'ont rapidement traité de naïf, ou d'idéaliste :
"qu'Il dise maintenant ce qu'Il en pense !".
Mais ceux-là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité.
Voici que je pourrai, s'il plaît à Dieu,
plonger mon regard dans celui du Père
pour contempler avec lui Ses enfants de l'Islam
tels qu'ils les voient, tout illuminés de la gloire du Christ,
fruit de Sa Passion, investis par le Don de l'Esprit
dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion
et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.

Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur,
je rends grâce à Dieu qui semble l'avoir voulue tout entière
pour cette JOIE-là, envers et malgré tout.
Dans ce MERCI où tout est dit, désormais, de ma vie,
je vous inclus bien sûr, amis d'hier et d'aujourd'hui,
et vous, ô amis d'ici,
aux côtés de ma mère et de mon père, de mes soeurs et de mes frères et des leurs,
centuple accordé comme il était promis !

Et toi aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'aura pas su ce que tu faisais.
Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "A-DIEU" en-visagé de toi.
Et qu'il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux,
en paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux.

AMEN !
Insha 'Allah !



Alger, 1er décembre 1993
Tibhirine, 1er janvier 1994
Christian
 

Une vie offerte...

Le temps de l'enfance

  • 18 Janvier 1937 : Naissance de Christian de Chergé à Colmar.
  • Octobre 1942 : La famille de Chergé arrive en Algérie.
  • 1945 : Christian écrit sur un billet : "Je serai prêtre".
  • 1955 : Christian annonce à ses parents sa décision de devenir prêtre.

Le séminaire / Le service militaire

  • 6 Octobre 1956 : Il entre au séminaire des Carmes à Paris (Chambre 29).
  • 1959 : Service militaire en Algérie. Christian est lieutenant dans une S.A.S. près de Tiaret.
  • 3 Juillet 1960 : Assassinat de son ami Mohamed, garde champêtre pour avoir alerté sa section des dangers qu'elle courait. 

Prêtre à Paris

  • 21 Mars 1964 : Ordination sacerdotale à St Sulpice.
  • Septembre 1964 - Juin 1969 : Christian est chapelain au Sacré-Coeur de Montmartre et directeur de la Maîtrise.
  • Septembre 1969 : Il entre au noviciat d'Aiguebelle.

Premières années à N-D de Tibhirine

  • 15 Janvier 1971 : Arrivée au monastère N-D de l'Atlas.
  • Octobre 1972 - Juin 1974 : Frère Christian part à Rome étudier l'arabe.
  • 21 Septembre 1974 : Retour à Tibhirine, prière nocturne avec un musulman.
  • 11 Octobre 1976 : Profession solennelle à N-D de l'Atlas.
  • 17 Février 1978 : Décès de son père.
  • 31 Mars 1984 : Christian est élu prieur de la communauté.

Les dernières années : Conflit en Algérie et terrorisme

  • Décembre 1991 : Victoire du front islamique aux élections
  • 29 Juin 1992 : Assassinat du président Boudiaf
  • Octobre 1993 : Ultimatum du Groupe Islamique Armé lancé aux étrangers.
  • 14 Décembre 1993 : Assassinat de 12 travailleurs croates à quelques kilomètes du monastère.
  • 1er Décembre 1993 : Début de la rédaction de son testament à Alger.
  • 24 Décembre 1993 : Un groupe armé pénètre dans le monastère.
  • 1er Janvier 1994 : Fin de la rédaction du testament à N-D de Tibhirine.
  • 8 Mai 1994 : Assassinat d'Henri Verges.
  • 3 Septembre 1995 : Assassinat de religieuses à Alger.
  • 27 Mars 1996 : Enlèvement des 7 moines de Tibhirine.
  • 20 Avril 1996 : Un message enregistré est envoyé par les ravisseurs.
  • 21 Mai 1996 : Un communiqué du G.I.A. annonce l'exécution des moines
*     *
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Des dieux et des hommes...

Traduction anglaise / English Translation
If it should happen one day—and it could be today—that I become a victim of the terrorism which now seems ready to encompass all the foreigners in Algeria, I would like my community, my Church, my family, to remember that my life was given to God and to this country. To accept that the One Master of all life was not a stranger to this brutal departure. I would like them to pray for me: how worthy would I be found of such an offering?

I would like them to be able to associate this death with so many other equally violent ones allowed to fall into the indifference of anonymity. My life has no more value than any other. Nor any less value. In any case, it has not the innocence of childhood. I have lived long enough to know that I share in the evil which seems, alas, to prevail in the world, and even in that which would strike me blindly. I should like, when the time comes, to have a space of lucidity which would enable me to beg forgiveness of God and of my fellow human beings, and at the same time to forgive with all my heart the one who would strike me down.

I could not desire such a death. It seems to me important to state this. I don’t see, in fact, how I could rejoice if the people I love were indiscriminately accused of my murder. It would be too high a price to pay for what will be called, perhaps, the “grace of martyrdom” to owe this to an Algerian, whoever he may be, especially if he says he is acting in fidelity to what he believes to be Islam.

I know the contempt in which Algerians taken as a whole can be engulfed. I know, too, the caricatures of Islam which encourage a certain idealism. It is too easy to give oneself a good conscience in identifying this religious way with the fundamentalist ideology of its extremists. For me,
Algeria and Islam is something different. It is a body and a soul. I have proclaimed it often enough, I think, in view of and in the knowledge of what I have received from it, finding there so often that true strand of the Gospel learned at my mother’s knee, my very first Church, precisely in Algeria, and already respecting believing Muslims.

My death, obviously, will appear to confirm those who hastily judged me naive or idealistic: “Let him tell us now what he thinks of it!” But these must know that my insistent curiosity will then be set free. This is what I shall be able to do, if God wills: Immerse my gaze in that of the Father, to contemplate with Him His children of Islam as He sees them, all shining with the glory of Christ, fruit of His Passion, filled with the Gift of the Spirit whose secret joy will always be to establish communion and to refashion the likeness, playing with the differences.

This life lost, totally mine and totally theirs, I thank God who seems to have wished it entirely for the sake of that JOY in and in spite of everything. In this THANK YOU which is said for everything in my life, from now on, I certainly include you, friends of yesterday and today, and you, O my friends of this place, besides my mother and father, my sisters and brothers and their families, a hundredfold as was promised!
And you too, my last minute friend, who will not know what you are doing, Yes, for you too I say this THANK YOU AND THIS “A-DIEU”-—to commend you to this God in whose face I see yours. And may we find each other, happy “good thieves” in Paradise, if it please God, the Father of us both. . . AMEN!