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dimanche 15 mai 2011

LE CHEMIN OUI NOUS CHANGE

LE CHEMIN OUI NOUS CHANGE

Cinquième dimanche de Pâques
Année A
22 mai 2011
Lectures :
-          Actes 6,1-7
-          Psaume 32
-          1 Pierre 2,4-9
-          Jean 14,1-12


L'image du chemin - de la voie, plutôt -, fut tellement impor­tante dans la foi chrétienne dès le début, que les premières générations romaines étaient désignées comme « les adeptes de la Voie » (Ac 9,2). On a d’ailleurs mis dans la bouche de Jésus le moto : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »
Il est vrai qu’il y a toutes sortes de chemins, de sentiers, de voies, de routes, d’autoroutes… Il y a même le chemin des écoliers, les dessertes, les rocades, les pénétrantes, les voies rapides, de contournement et de délestage…
Et chacun sait que le plus court chemin est rarement le plus direct, surtout dans la vie…



Il n’y eut que la sortie d'Egypte pour être une marche sans chemin tracé d'avance. La traversée d'un territoire désertique, accompagnée par la colonne de nuée ou la colonne de feu, selon les moments, et surtout sous la conduite d’un scout, expert en terra incognita !
Ce fut le cadre de l'apprentissage pour le nouveau peuple : une pérégrination sous contrôle d’une parole à entendre, à comprendre et à mettre en pratique. Et ce sans repères visibles. L'enjeu de ce parcours initiatique était d'apprendre à marcher selon les voies de Dieu, c'est-à-dire selon le comportement décrit par sa Parole. Nous connaissons les aléas de l'apprentissage de la liberté au temps de l'Exode : le chemin de vie montré par Dieu est sans cesse à choisir et à re-choisir (Dt 30,15) entre la vie et la mort.

Jésus  a pris la suite sous les traits du berger (Jn 10), mais à la différence de la seule parole, il l’incarne, il est le chemin lui-même vers Celui qu’il appelle son Père, vers le monde nouveau de son règne. Passage offert à tous pour mener d'un lieu à un autre, c’est par son corps – chair, sang et parole – qu’on avance désormais, quels que soient les obstacles !
Pâques a constitué le passage ultime : de la mort à la vie. Sa vie est ce sacrement même, et nous y communions jour après jour, comme la dynamique permanente de la grâce, signe (symbole) et moyen (efficace) de notre salut.



Le sacrement est par définition, initiatique, mystagogique : c’est un déplacement de l’esprit des zones indistinctes de la conscience vers des éclairages plus vifs au fur et à mesure de la progression de l’âme, comme dans le désert d’Egypte avec ses colonnes de fumée et de lumière.
Si le sacrement est aussi réalisation de la présence de Dieu, c’est qu’il est le truchement par où nous arrive celui que nous avons reconnu comme la Vérité et la Vie : devenant chrétiens par le fait même.

Il ne faut jamais oublier que, comme le coup de cœur, la rencontre de Dieu dans la liturgie ou dans la vie,  précède l'explication. Saint Ambroise disait : « La lumière des mystères pénètre mieux chez ceux qui ne s'y atten­dent pas que si une explication quelconque les avait précédés » (Sur les mystères, § 2). En effet, il ne s’agit jamais de tout comprendre, mais d’abord et seu­lement recevoir peu à peu « un peu plus de lumière » par l'événement de grâce que représente la célébration d'un sacrement : tous, mais l’eucharistie en particulier.
Ensuite, l'explication peut venir soutenir et relancer notre marche vers la plénitude de l’esprit. Et comme nous n'avons jamais fini de devenir chrétiens… D'où l'insis­tance sur l'image du chemin.

Emmaüs nous apprend que nous croyons en quelqu’un qui a décidé de se révéler en chemin. Avez-vous marché en montagne avec une ligne d’horizon qui recule avec votre progression ?


Le chemin n'est pas la possession immédiate, instantanée et définitive mais un moyen d'accès parfois laborieux, souvent plein de surprises. Le chemin transforme le marcheur lui-même : c’est la fonction du pèlerinage ! De découverte en découverte ! La mise en scène de Luc pour Emmaüs est parfaite de cette progression lente et précise : la route, l’approche, l’échange, la pseudo séparation, l’invitation, la table et LE SIGNE, puis le mystère de l’absence au profit du mystère de la foi. Dieu est-il lui-même le terme du pèlerinage ! C’est la rencontre entre deux interrogations : celle de Dieu et celle de l’homme : insolubles, l’une comme l’autre ! Un problème à la hauteur de l’un et de l’autre ! Enfin !

Epreuve de vérité qui ne cesse de nous transformer. Souvent, avant même d'atteindre le terme du par­cours, nous sommes déjà comblés de présence. Notre être devient « naturellement » notre « Temple spirituel » ambulant. C’est cette image de la pierre angulaire et du rocher. C’est Jacob au Yabok. Saint Grégoire de Nysse (IVe s.) explique comment il voit que la stabilité, celle du rocher, et la mobilité, celle du chemin, sont la même chose :

Plus quelqu'un demeure fixé et inébranlable dans le bien, plus il avance dans la voie de la vertu. [...] Sa course est d'autant plus rapide qu'[...]il est plus ferme et inébranlable dans le bien ; sa stabilité est pour lui comme une aile et, dans son voyage vers les hauteurs, son cœur est comme ailé par sa fixité dans le bien (Vie de Moïse, //, 243-244).


Les disciples ont dû faire l’immense pèlerinage de la foi !
D’abord ils croient en Dieu mais pas en Jésus (voir Jn 14,1).
Dans le même temps, ils voient Jésus mais ils ne voient pas le Père en lui (voir Jn 14,8-9)
Or, si le dialogue de l'Évangile lu aujourd'hui vise à reconnaître en Jésus le chemin mais aussi le but, c’est que le Père vers qui mène le chemin est en lui :

« Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi » (Jn 14,11).

Et si Jésus déclare qu'il « part vers le Père » (Jn 14,12) après avoir affirmé que le Père est en lui, c’est que Jésus est bien à la fois le chemin et le but, étant pleinement homme, homme en devenir, et pleine­ment Dieu dans sa perfection.

Eh bien, si pour comprendre, il faut le temps qu’il faut, ce n’en est pas pour autant  incroyable !


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