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dimanche 29 mai 2011

POUR VIVRE A LA HAUTEUR DE NOTRE VOCATION Solennité de l'Ascension


POUR VIVRE A LA HAUTEUR DE NOTRE VOCATION
Solennité de l'Ascension

Année A
2 juin 2011
Lectures :
-          Actes 1,1-11
-          Psaume 46
-          Éphésiens 1,17-23
-          Matthieu 28,16-20

L'Ascension de Jésus est-elle un terme, seulement ? Terme de sa visibilité terrestre, certes.



Mais ici, l'imagination est davantage un obstacle qu'une aide : car il ne sert à rien de chercher à nous représenter l'évé­nement de ce « départ ».
L’art n’y aide pas non plus : il chosifie l’immatériel. Et l’imaginaire s’attache alors à la chose représentée plus qu’à ce à quoi cette chose doit renvoyer. Ainsi l’image / simulacre n’est plus « sacramentaire », (symbolique, « indicatrice »): elle emprisonne le regard de foi dans une sorte de fétichisme religieux que l’on retrouve ailleurs dans le « culte » des reliques : depuis le linceul de Turin (que l’on « monstre » régulièrement) jusqu’au sang de Saint Janvier (censé se liquéfier le 19 septembre, le 16 décembre et le samedi qui précède le premier dimanche de mai chaque année dans la cathédrale de Naples !).



·         Comment acquérir un autre regard, un regard plus attentif aux réalités spirituel­les, au-delà du visible, « un esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment », « qu'il ouvre notre cœur à sa lumière » (Ep 1,17-18).

D’une part, la deuxième lecture nous ouvre à l'intelligence profonde de l'événement : une intelligence biblique et théologique.
-          Désormais, le Père a établi le Seigneur Jésus Christ au-dessus de tout, « il lui a tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la Tête de l'Église qui est son Corps » (Ep 1,22-23).
Ø      Cette réalité n'est pas de l'ordre du visible, car elle est même contraire aux apparences : l'Ascension est vue comme une séparation, elle met fin à un certain mode de relation entre Jésus le Christ et ses disciples.
D’autre part, la liturgie s’en empare et poursuit son exploitation.
-          « En entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son Corps l'espérance de le rejoindre un jour » (première préface pour l'Ascension).
Ø      La relation avec le Christ Jésus change radicalement de régime : ce n'est plus une présence physique, visible et palpable au bénéfice de quelques-uns, mais la présence de celui qui agira avec puissance à travers tous ceux qui se reconnais­sent membres de son Corps.



*           *

*

On est donc « condamné » à parler de quelque chose pour dire autre chose, qui ne peut se dire autrement ! Ainsi
·         lorsque l'Évangile et les Actes parlent d'une « montée au ciel », ils désignent par ce symbole que Jésus le Christ est glorifié : « Élevé dans la gloire par la puissance de Dieu, il a reçu de son Père l'Esprit Saint qui était promis, et il l'a répandu sur nous » (Ac 2,33) ;
·         ces textes veulent dire que dans la personne de ce Jésus le Christ, c'est notre humanité qui a été glorifiée, c'est-à-dire totalement « saisie » & « trempée » - comme l’acier ! -, par la puissance de Dieu.
·         Ce qui veut encore dire : Puisque Jésus le Christ res­suscité est désormais « monté vers son Père et notre Père » (voir Jn 20,17), cette puissance va pouvoir être communiquée en abondance par le don de l'Esprit.
·         Désormais, c'est toute l'humanité de Jésus Incarné qui est saisie par la puissance
de Dieu afin que notre propre humanité – notre incarnation -,  devienne capable de recevoir cette même puissance. « II est monté au ciel pour nous rendre participants de
sa divinité
» (reprend la liturgie de la deuxième préface pour l'Ascension).
·         La glorification de Jésus le Christ que nous célébrons à l'Ascension annonce donc aussi la nôtre. L'événement réalisé en la personne de Jésus, le Christ, le Fils unique est rendu désormais accessible à travers la liturgie que nous célébrons. « Ce qui a été visible de notre Rédempteur est désormais passé dans les mystères».»

1.       Ce qu’il faut souligner, c’est le grand réalisme – on dirait l’objectivité -, avec lequel l’évangile du jour
-          évoque le doute de certains disciples : « Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes » (Mt 28,17). [Il ne suffit donc pas de voir pour croire !!!]
-          et indique la faiblesse des disciples avant la Pentecôte.
2.       Voici qu’est introduit un nouveau régime qui va désormais prévaloir : par le visible, accéder à ce qui est invisi­ble :
-          c’est la parole de Jésus qui dissipe le doute ; tout comme dans les sacrements, elle achemine à reconnaître son œuvre et à en bénéficier.
-          L'Esprit vient au secours de la faiblesse humaine afin que les hommes puissent, malgré leurs insuffisances et leurs limites, par­ticiper à l'œuvre de Dieu en ce monde.

Ø      Jean Chrysostome (344-407, Sur Matthieu, Homélie 12, 4) dit que le mystère de l'Ascension nous apprend à « vivre sur la terre de la vie même du ciel », étant donné que celui qui a reçu la marque du Christ et son esprit se doit désormais de rechercher les choses d'en haut (Col 2,3-5), car il est désormais citoyen des cieux (Ph 3,20) sans négliger pour autant son implication dans la vie du monde.



- Il en résulte une tension permanente  - c’est ça, la vie ! -, qui est en fait une véritable dynamique (typiquement paulinienne) entre
  • d’une part la perspective du « rejoindre Dieu » au-delà du temps,
  • et d’autre part celle du « rejoindre  les hommes » dans le temps de l’histoire.
- La tentation conséquente est double (typiquement ignatienne) elle aussi
  • nous enfermer dans les préoccupations de ce monde : aliénation matérialiste,
  • ou, à l'inverse, de les fuir pour nous instal­ler dans un monde imaginaire : aliénation schizophrénique.

La tension entre les soucis terrestres et la visée d'un au-delà est au nombre des paradoxes décrits par le cardinal Henri de Lubac :

Comme nous sommes terriblement et presque incurablement charnels, la résurrection même du Sauveur risquait d'être par nous mal comprise. À la Résurrection succède donc l'Ascension, destinée à nous en montrer le sens et à nous forcer enfin à porter nos regards en haut, à dépasser l'horizon terrestre et tout ce qui est de l'homme en son état naturel. Ainsi, la leçon de l'Ascension ne contredit pas la leçon de l'Incarnation : elle la prolonge, elle l'approfondit. Elle ne nous place pas en deçà ou à côté de la vie humaine : elle nous oblige à l'accomplir en nous faisant viser au-delà.

L’enjeu de cette mystérieuse quadrature
1.       Incarnation
2.       Eucharistie
3.       Résurrection
4.       Et Ascension
vise – dans sa formulation théologique, illuminée par la foi qui est un don de l’Esprit -, l'accomplissement l'homme dans toutes ses dimensions. Cette séquence n’est pas la simple promesse d'un prolonge­ment de la vie présente, au même niveau : elle fait déboucher sur un monde nou­veau, au-delà !

  1. Dans l'Incarnation, Dieu s'est manifesté sous les traits visibles de l'Emmanuel, nom qui signifie « Dieu avec nous » (Mt 1,23).
  2. Dans l’Eucharistie, Dieu nous nourrit de sa propre substance, par son Fils : « Mon corps, … mon sang… ! »
  3. Dans la Résurrection, Dieu inaugure un état altéré de subsistance : « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. »
  4. À l'Ascen­sion, Dieu, par la bouche de Jésus, promet : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20).


Désormais, la formule liturgique « Élevons notre cœur » et la réponse « Nous le tour­nons vers le Seigneur» dessine le seul programme de vie et d'engage­ment conforme au mystère que nous célébrons en ce jour.

lundi 23 mai 2011

DE L'ESPRIT POUR LA ROUTE

DE L'ESPRIT POUR LA ROUTE

Sixième dimanche de Pâques Année A
29 mai 2011

Lectures :
  • Actes 8,5,..17
  • Psaume 65
  • 1 Pierre 3,15-18
  • Jean 14,15-21


Y aurait-il des réserves d’ Esprit Saint, comme il y a des recharges d’encre pour les stylos ou de gaz pour les briquets ? Histoire de pouvoir stocker en cas de pénurie ou de hausse des prix !

Il ne semble pas être assimilable à un liquide dont on pourrait mesurer la quantité et appréhender le manque.

Pourtant, s’il est déjà reçu au baptême, pourquoi est-il – de nouveau – (re ?)donné spécialement dans la confirmation ? Pourquoi  intervient-il aussi  dans tous les autres sacrements, … et encore à bien d'autres occasions ?


D’abord soyons clairs sur la 1ère lecture :
-          le baptême reçu par les Samaritains n’est pas celui de l’Eglise Catholique et le nôtre
-          et l'imposition des mains par les apôtres n’est pas sa confirmation.
puisque le récit des Actes précise lui-même que « l'Esprit n'était encore venu sur aucun d'entre eux » (Ac 8,16).
De toute façon, rappelons que les Samaritains étaient considérés comme des hérétiques par les Juifs, et inversement. (On se souvient du dialogue de Jésus avec la Samaritaine à propos de sanctuaires différents : Garizim et Jérusalem !) : et comme ils repoussaient Jésus, ils ne pouvaient pas en conséquence recevoir immédiatement l'Esprit Saint : il fallait que la réconciliation soit ratifiée par les apôtres Pierre et Jean. (Le conflit était très ancien : Ez 37). Et comme aussi rien n’est neutre, il est  « intéressant », troublant même,  de rencontrer ici les mêmes apôtres qui réali­sèrent le fait de la résurrection de Jésus en voyant son tombeau vide (voir Jn 20,1-10).

Un constat donc : l'Esprit Saint ne peut pas être accordé en dehors de la communion : pour être accordé, il suppose un minimum d'accord avec Dieu et avec les autres...  Cet Esprit est donné pour fortifier le Corps Organique : c’est un Esprit de Corps ! Ce n’est pas un kit per­sonnel : la prétention de Simon le Magicien - qui aurait voulu acquérir l'Esprit Saint à prix d'or – est très éloquente (voir Ac 8,18-24). Sans humilité, obéissance ni désir de réconciliation et souci de communion : difficile de le recevoir ! Bref un consentement volontaire et actif, l'Esprit ne peut guère intervenir.



L'Évangile développe le même thème en associant étroitement : amour, fidélité aux commandements et don de l'Esprit. « Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : c'est l'Esprit de vérité. » Directement proportionnel !

Alors nous découvrons la constante question : Quels ont donc, fondamentalement, « les commandements du Christ » !  L'énoncé en est si simple, pourtant ! Et néanmoins si … difficile à réaliser au jour le jour ! Il s'agit de la conjonction des deux grands commandements en un seul, à savoir « vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12). Et le Christ précise bien comment aimer en vérité : « Celui qui a reçu mes commande­ments et y reste fidèle, c'est celui-là qui  m'aime (Jn 14,23).       

Comment faire pour que l'obéissance soit l'expression de l'amour ?
Comment vivre pour que loin d'être une contrainte, elle soit source de la véritable liberté - puisqu'elle est censée ouvrir largement au don de l'Esprit ?
Comment devenir capable de croire que l’amour – crucifiant – pour les autres, n’est pas une mutilation de notre être propre, mais le moyen le plus sûr de notre propre accomplissement. ?



S’il est vrai que l'Esprit agit d'autant plus et mieux qu'il rencontre des êtres accordés au projet de Dieu, alors quel est le projet de Dieu sur moi, avec moi, pour moi ? Quelle sa volonté, c’est-à-dire quelles sont ses « impulsions » (Ac 5,32 à ne pas confondre avec mes « pulsions »

L’alternative est théoriquement claire : l'Esprit est-il pour moi
-          une force d'appoint pour mes projets
-          ou celui qui me rend capable d'accomplir ce que Dieu attend de moi (voir Jn 14,12) ?
À quelques encablures de la Pen­tecôte, il serait  bon d'approfondir mon adhésion à ce Christ (encore) neuf de la Résurrection, de me laisser configurer – encore chaud et malléable - à son agir pour me disposer (me rendre dispos !) à recevoir son propre Esprit ! Ce serai louper le cochée (encore une fois ?)

Revenons à la question initiale : si nous avons déjà reçu l'Esprit Saint, pourquoi le demander encore ?
Eh bien, je répondrais :
-          le reçoit-on jamais assez ?
-          est-on jamais sûr de l’avoir reçu ?
-          Ne vaut-il pas mieux deux fois qu’une ?
-          Et le rab, alors ? ça existe, non ?

Recevons-le donc pour autant que nous sentons en avoir besoin…
-          Baptême, confirmation,  pour commencer certes !
-          Et puis, tout au long de la traversée : réconciliation, eucharistie.
-          Pour certains, un jour : mariage, sacerdoce.
-          Et pour tous, en fin de croisière : le dernier, pour le havre !


dimanche 15 mai 2011

LE CHEMIN OUI NOUS CHANGE

LE CHEMIN OUI NOUS CHANGE

Cinquième dimanche de Pâques
Année A
22 mai 2011
Lectures :
-          Actes 6,1-7
-          Psaume 32
-          1 Pierre 2,4-9
-          Jean 14,1-12


L'image du chemin - de la voie, plutôt -, fut tellement impor­tante dans la foi chrétienne dès le début, que les premières générations romaines étaient désignées comme « les adeptes de la Voie » (Ac 9,2). On a d’ailleurs mis dans la bouche de Jésus le moto : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. »
Il est vrai qu’il y a toutes sortes de chemins, de sentiers, de voies, de routes, d’autoroutes… Il y a même le chemin des écoliers, les dessertes, les rocades, les pénétrantes, les voies rapides, de contournement et de délestage…
Et chacun sait que le plus court chemin est rarement le plus direct, surtout dans la vie…



Il n’y eut que la sortie d'Egypte pour être une marche sans chemin tracé d'avance. La traversée d'un territoire désertique, accompagnée par la colonne de nuée ou la colonne de feu, selon les moments, et surtout sous la conduite d’un scout, expert en terra incognita !
Ce fut le cadre de l'apprentissage pour le nouveau peuple : une pérégrination sous contrôle d’une parole à entendre, à comprendre et à mettre en pratique. Et ce sans repères visibles. L'enjeu de ce parcours initiatique était d'apprendre à marcher selon les voies de Dieu, c'est-à-dire selon le comportement décrit par sa Parole. Nous connaissons les aléas de l'apprentissage de la liberté au temps de l'Exode : le chemin de vie montré par Dieu est sans cesse à choisir et à re-choisir (Dt 30,15) entre la vie et la mort.

Jésus  a pris la suite sous les traits du berger (Jn 10), mais à la différence de la seule parole, il l’incarne, il est le chemin lui-même vers Celui qu’il appelle son Père, vers le monde nouveau de son règne. Passage offert à tous pour mener d'un lieu à un autre, c’est par son corps – chair, sang et parole – qu’on avance désormais, quels que soient les obstacles !
Pâques a constitué le passage ultime : de la mort à la vie. Sa vie est ce sacrement même, et nous y communions jour après jour, comme la dynamique permanente de la grâce, signe (symbole) et moyen (efficace) de notre salut.



Le sacrement est par définition, initiatique, mystagogique : c’est un déplacement de l’esprit des zones indistinctes de la conscience vers des éclairages plus vifs au fur et à mesure de la progression de l’âme, comme dans le désert d’Egypte avec ses colonnes de fumée et de lumière.
Si le sacrement est aussi réalisation de la présence de Dieu, c’est qu’il est le truchement par où nous arrive celui que nous avons reconnu comme la Vérité et la Vie : devenant chrétiens par le fait même.

Il ne faut jamais oublier que, comme le coup de cœur, la rencontre de Dieu dans la liturgie ou dans la vie,  précède l'explication. Saint Ambroise disait : « La lumière des mystères pénètre mieux chez ceux qui ne s'y atten­dent pas que si une explication quelconque les avait précédés » (Sur les mystères, § 2). En effet, il ne s’agit jamais de tout comprendre, mais d’abord et seu­lement recevoir peu à peu « un peu plus de lumière » par l'événement de grâce que représente la célébration d'un sacrement : tous, mais l’eucharistie en particulier.
Ensuite, l'explication peut venir soutenir et relancer notre marche vers la plénitude de l’esprit. Et comme nous n'avons jamais fini de devenir chrétiens… D'où l'insis­tance sur l'image du chemin.

Emmaüs nous apprend que nous croyons en quelqu’un qui a décidé de se révéler en chemin. Avez-vous marché en montagne avec une ligne d’horizon qui recule avec votre progression ?


Le chemin n'est pas la possession immédiate, instantanée et définitive mais un moyen d'accès parfois laborieux, souvent plein de surprises. Le chemin transforme le marcheur lui-même : c’est la fonction du pèlerinage ! De découverte en découverte ! La mise en scène de Luc pour Emmaüs est parfaite de cette progression lente et précise : la route, l’approche, l’échange, la pseudo séparation, l’invitation, la table et LE SIGNE, puis le mystère de l’absence au profit du mystère de la foi. Dieu est-il lui-même le terme du pèlerinage ! C’est la rencontre entre deux interrogations : celle de Dieu et celle de l’homme : insolubles, l’une comme l’autre ! Un problème à la hauteur de l’un et de l’autre ! Enfin !

Epreuve de vérité qui ne cesse de nous transformer. Souvent, avant même d'atteindre le terme du par­cours, nous sommes déjà comblés de présence. Notre être devient « naturellement » notre « Temple spirituel » ambulant. C’est cette image de la pierre angulaire et du rocher. C’est Jacob au Yabok. Saint Grégoire de Nysse (IVe s.) explique comment il voit que la stabilité, celle du rocher, et la mobilité, celle du chemin, sont la même chose :

Plus quelqu'un demeure fixé et inébranlable dans le bien, plus il avance dans la voie de la vertu. [...] Sa course est d'autant plus rapide qu'[...]il est plus ferme et inébranlable dans le bien ; sa stabilité est pour lui comme une aile et, dans son voyage vers les hauteurs, son cœur est comme ailé par sa fixité dans le bien (Vie de Moïse, //, 243-244).


Les disciples ont dû faire l’immense pèlerinage de la foi !
D’abord ils croient en Dieu mais pas en Jésus (voir Jn 14,1).
Dans le même temps, ils voient Jésus mais ils ne voient pas le Père en lui (voir Jn 14,8-9)
Or, si le dialogue de l'Évangile lu aujourd'hui vise à reconnaître en Jésus le chemin mais aussi le but, c’est que le Père vers qui mène le chemin est en lui :

« Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père, et le Père est en moi » (Jn 14,11).

Et si Jésus déclare qu'il « part vers le Père » (Jn 14,12) après avoir affirmé que le Père est en lui, c’est que Jésus est bien à la fois le chemin et le but, étant pleinement homme, homme en devenir, et pleine­ment Dieu dans sa perfection.

Eh bien, si pour comprendre, il faut le temps qu’il faut, ce n’en est pas pour autant  incroyable !


lundi 9 mai 2011

La tragédie des masques

La tragédie des masques
15 mai 2011
4ème dimanche de Pâques Année A

(Journée mondiale des vocations)


Lectures :
  • Actes 2,14a.36-41
  • Psaume 22
  • 1 Pierre 2,20b-25
  • Jean 10,1-10


Prions donc pour les vocations ! La tradition est belle !
Pour connaître la Bonne Nouvelle de la résurrection du Christ, il faut qu’on l’annonce et qu’on la fasse connaître ! Encore faut-il l’avoir « connu » soi-même ! Comment ? Maintenant qu’il est « parti » et que l’histoire s’accomplit !

Luc parle des premiers témoins
II y a des hommes qui nous  [c’est Pierre qui est cité, ce n’est pas Luc qui parle : Luc n’a jamais connu Jésus !] ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, depuis son baptême par Jean jusqu'au jour où il nous a été enlevé. Il faut donc que l'un d'entre eux devienne avec nous témoin de sa Résurrection (Ac 1,21-22).
C’était pour remplacer Judas - qui avait connu Jésus -, par Matthias, qui semble avoir été l’un des 72, en plus des 12, et qui donc l’avait connu lui aussi.



Car, au départ, CELUI qu’il fallait communiquer et partager, c’était le JESUS d’avant la mort  (le temps !) et le tombeau, et le CHRIST d’après la Résurrection et de l’Ascension (l’éternité !). Témoins, ils le sont d’abord de la continuité entre l’un et l’autre. Et ceci n’est pas évident : à Emmaüs, Cléophas et son copain ne l’ont pas DE SUITE RE – CONNU ! Il a fallu LE SIGNE  que lui seul avait inventé et à quoi ils le RE CONNURENT. Et comme ils l’avaient reconnu à CE geste, eh bien, c’est CE geste qui le RE PRESENTERA  DESORMAIS !


L’exégèse critique nous révèle bien sûr que ce texte a été composé bien après ces jours terribles de la disparition de Jésus, et prouve donc que CE geste est devenu très vite LE signe de reconnaissance des chrétiens de l’empire romain. Cet exemple montre par excellence le processus qui s’est déroulé. Ainsi, et très vite donc, quiconque (juif ou non juif, judéo et pagano chrétien) prenait part à CE Signe, reconnaissait le Christ comme son seigneur et se reconnaissait lui-même chrétien ipso facto, par le fait même. On devine ici l’importance irrécusable que l’Eucharistie - la messe, la communion -, a prise, devenant constitutive de l’être chrétien!


Pierre peut proclamer : « Que tout le peuple d'Israël en ait la certitude : ce même Jésus que vous avez crucifié, Dieu a fait de lui le Seigneur et le Christ » (Ac 2,36).  Oui, l'indication donnée par Marc est d'une importance immense : avant d'être envoyés, les Douze ont d'abord passé du temps avec Jésus :
  • l'annonce n'a pas pour objet un simple message : elle conduit à une rencontre, celle de Jésus Seigneur ;
  • elle prend sa source dans une rencontre personnelle avec lui

  • et va s'étendre peu à peu à d'autres.
C’est cette rencontre qui provoque et accomplit le deuxième critère, pourrait-on dire : celui de la « conversion personnelle » (mutation, devrait-on dire : transsubstantiation, même !) de celui que cette proclamation  bouleverse :

« Convertissez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour obtenir le pardon de ses péchés. Vous recevrez alors le don du Saint Esprit » (Ac 2,38).

Celui qui invite à la conversion doit être lui-même déjà engagé sur le chemin de cette conversion, sinon sa parole n’est pas crédible et reste superficielle. Cette proclamation est œuvre de l'Esprit « que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent » (Ac 5,32) et elle dispose les auditeurs à recevoir le même Esprit. En effet, l'Esprit agit d'autant plus que l'auditeur accueille la Parole divine avec confiance et docilité. Cette obéissance profonde relève d'une conversion jamais achevée. Mais elle est décisive pour être vraiment disciple.

Ce kérygme, cette annonce que « Jésus Christ est vivant aujourd’hui, ici : hic et nunc » n'est pas une information parmi d'autres : c’est un véritable principe de transformation, qui peut être douloureuse et dangereuse. L’exigence par définition ! Avant de se relever pour la vie, il faut s’être couché dans la mort : et on meurt de toutes les façons, lentement ou vite, comme ci ou comme ça. Personne ne choisit.

On peut hésiter : Père si tu pouvais…Et puis non, j’assume !
L’essentiel, c’est de finir par faire ce qu’on doit faire, même si on rechigne ou qu’on n’est pas d’accord à priori ! Ici, c’est l’issue qui compte !

On ne peut annoncer un salut, que s‘il a commencé à avoir des effets sur soi et dans sa propre chair, dans sa propre psyché, dans sa propre existence! Le reste est théologie, sermon et/ou bagatelle !



Ah prier pour les vocations, c’est vrai ! Chacun y va de sa théorie sur « La Crise » !
Je prétends pour ma part, que rares sont les prêtres - qui sont actuellement appelés par les évêques - qui ont rencontré Jésus Christ « physiquement », dans leur vie intime, secrète : dans leur sanctuaire !
On exige d’eux qu’ils aient rencontré « leur évêque » - oui! -, pour lequel ils vont travailler! Qu’ils pensent comme lui, qu’ils agissent comme lui, qu’ils se comportent comme lui ! On leur demande AUJOURD’HUI d’appliquer le Droit Canon et de restaurer ce qui jamais plus ne sera : une Eglise d’AVANT Vatican I !

Il me semble que s’est perdu, à force de volonté restauratrice d’un passé révolu, le sens même du
salut pour soi et partant, pour son prochain.
Car, au fond, de quoi avons-nous besoin d'être sauvés ? De quoi ai-je besoin personnellement d’être sauvé ? Les futurs « Matthias » - faute de Jésus historique -, sont-ils ardemment invités à tenter de faire l'inventaire de leurs besoins et de leurs aspirations ? Cela risque d’ailleurs de ne pas aller bien loin et d'en rester
-          soit à une religion consolatrice à bon compte, évoluant selon les tendances du marché des rêves et des émotions : entre devoir dominical (comme il y avait un devoir conjugal !) ; procession ; pèlerinage… et JMJ ;
-          soit à une religion de préceptes et d’interdits (chacun sa liste !)
les deux laissant de côté la pitié, la miséricorde et le pardon au nom du Fils d’un Dieu qui ne veut pas la mort du pêcheur, mais qu’il vive de la vie même de son Fils qu’il a rappelé lui-même du Royaume des Morts ! !!

Peut-être – évêques en tête -, avons-nous oublié que la grandeur effective de Dieu n’est qu’à hauteur de la dignité de notre vocation d’homme, et que « sa gloire, c’est l’homme vivant ». Il ne s’agit pas – même si cela le fut dans l’histoire ! -, de défendre le  Fort Alamo de l’Eglise Catholique Romaine, en enrôlant tous les Davy Crockett, Légionnaires du Christ ou autres Navy Seals errants qui se présentent de diocèse en diocèse, avides de croisades héroïques à la sauce western, péplum ou "Canonnière du Yang Tsé" !



Mais voici le temps des irréductibles, des vengeurs, des nostalgiques… Des psychopathes de la religion, je le dis tout de go ! Les Djihadistes romains en multiples guildes franchisées! Et j’en connais des tas, malheureusement. Et dans mon cabinet et « comme ça… ! » Alors que Celui qui est venu, est venu « pour que les hommes aient la vie, et pour qu'ils l'aient en abondance » (Jn 10,10).

Nous avons certainement à redéfinir le Règne de Dieu : il faudra choisir
entre façon St Nicolas du Chardonnet, à Paris
et façon Pudong, à Shanghai ;
entre « mon prochain
ou mon lointain
comme moi-même » !

Le monde est nouveau, encore une fois. Pas rénové, pas relooké, pas retapé, pas restauré !
Mais neuf, autre, ailleurs !
Il a fallu jadis quitter Jérusalem : c’est à Rome que cela se jouait !
Quand faudra-t-il quitter « Rome », et pour où ?  
Oui au fait, où cela se joue-t-il aujourd’hui ?

La Parole de Dieu a toujours invité à choisir la vie plutôt que la mort (voir 30,15), à choisir le Règne de Dieu plutôt que l’autosuffisance du devoir bien fait, en son nom, mais sans lui !
Benoît XVI a beau dire dans son exhortation sur la Parole de Dieu : « II ne s'agit pas d'annoncer une parole de consolation, mais une parole de rupture qui invite à la conversion, qui rend possible la rencontre avec Dieu, germe d'une humanité nouvelle » (Verbum Domini, n° 93): moi, je ne vois rien venant de Rome qui illustre cette affirmation vraie en soi, indicative mais… vaine !


Les « choix de vie » du « futur appelé » vont-ils contribuer
à la crois­sance d'une humanité nouvelle EN LUI-MEME d’abord,
celle que le Christ a inaugurée par sa mort et sa Résurrection : LIBRE, LIBRE, LIBRE !!!
Afin de respirer cette LIBERTE DES ENFANTS DE DIEU assez fort,
Et de donner aux autres envie de respirer comme lui !

Mort et vie sont à l'œuvre dans le monde, aujourd'hui comme aux premiers jours du christianisme. La parole de Pierre, le jour de la Pentecôte, paraît rude, mais …est-ce que cela changé ? « Sauvez-vous de cette génération tortueuse : Σώθητε ἀπὸ τῆς γενεᾶς τῆς σκολιᾶς ταύτης. » Cette génération (mot à mot de σκολιᾶς) à une scoliose de l’âme


La scoliose est une déformation latérale en forme de courbe de la colonne vertébrale, d'autant plus grave que l'enfant est plus jeune.
Deux choses donc :
-          courbe, ce n’est pas droit !
-          d’autant plus grave que ça commence tôt !
Pierre n’était pas sorti de l’auberge, ni nous non plus, aujourd’hui !
Nous sommes une génération sacerdotale scolieuse ! Nous sommes tordus, et cela commence dès petit !
Voilà !
Bon courage !


Si le Christ ne cesse d'appeler chacun par son nom, c’est d’abord pour nous faire sortir de notre routine, de notre médiocrité et aussi de nos pratiques tor­tueuses pour nous conduire vers la vie en abondance : les 3 ans de noviciat avec lui ont été juste suffisants pour les Douze! Et c’était AVEC LUI !
Nous, à qui confions-nous les futures générations sacerdotales ?
N’est-ce pas pour les « formateurs » qu’il faut d’abord prier ? Et ceux qui les nomment, les épiscopes ? N’est-ce pas déjà trop tard vu l’état de l’Eglise ?
« Moi, je suis la porte », dit Jésus » ! Il faut croire que Rome en a perdu la clef, et qu’il n'y a plus que le reste du dépôt de l’histoire dans le Saint des Saints césaropapal : le Droit Romain et Le Magistère Romain !




Avant de les appeler, Jésus a du prier un max à l'écoute de la volonté du Père ! Se livrant à une ascèse intérieure qui prit de la hauteur par rapport aux réalités quotidiennes de la Palestine.
La vocation de ses disci­ples est née précisément dans le dialogue intime de Jésus avec son Père. C’est pourquoi les vocations au ministère sacerdotal et à la vie consacrée sont avant tout le fruit
-          d'un contact permanent avec Jésus Christ, vivant, et avec le Dieu, vivant,
-          et d'une volonté globale fortifiée par l’Esprit, vivant,  de salut pour soi d’abord et des autres ensuite.
PS : savez-vous qu’en cas de dépressurisation de l’avion, l’adulte se passe le masque d’abord à lui-même, et ensuite à l’enfant à côté de lui : car il ne pourra l’aider à survivre que si lui-même est en vie !
L’Eglise en dépressurisation ne manque pas de masques…
Les évêques et les prêtres en ont à revendre…
Personne n’en veut…
Ils suffoquent !
Pourquoi ?