dimanche 30 septembre 2012

Le légal et le moral



7 OCT  27 DIM

Le légal et le moral

Il faut (re)lire Deutéronome  24,1-5
24.1    Lorsqu'un homme aura pris et épousé une femme qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux, parce qu'il a découvert en elle quelque chose de honteux, il écrira pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise en main, il la renverra de sa maison.
24.2    Elle sortira de chez lui, s'en ira, et pourra devenir la femme d'un autre homme.
24.3    Si ce dernier homme la prend en aversion, écrit pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise en main, la renvoie de sa maison; ou bien, si ce dernier homme qui l'a prise pour femme vient à mourir,
24.4    alors le premier mari qui l'avait renvoyée ne pourra pas la reprendre pour femme après qu'elle a été souillée, […]
24.5    Lorsqu'un homme sera nouvellement marié, il n'ira point à l'armée, et on ne lui imposera aucune charge; il sera exempté par raison de famille pendant un an, et il réjouira la femme qu'il a prise

C’est donc Moïse qui a donné cette loi aux fils d'Israël ! Dans la traduction du Grand Rabbin Zadoc Khan. Éditions Sinaï. 1994, le 1er verset donne :

Lorsqu'un homme aura pris et épousé une femme

qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux,
parce qu'il a découvert en elle quelque chose de honteux,
il écrira pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise en main, il la renverra de sa maison.
Quand un homme aura pris une femme et cohabité avec elle;
si elle cesse de lui plaire
parce qu'il aura remarqué en elle quelque chose de malséant,
il lui écrira un libelle de divorce, le lui mettra en main, et la renverra de chez lui.”


Mais quel est ce quelque chose de honteux/malséant? Les rabbins ne tombent pas d’accord là-dessus : on trouve les opinions divergentes des deux écoles dans la Mishna, une collection de loi orale et de discussions légales complétée vers 210 de l'ère commune, et qui forme la base du Talmud.
-          Selon Rabbi Shammaï, il s'agissait d'une faute grave, comme l'adultère.
-          Pour l'école moins rigoureuse de Rabbi Hillel l'Ancien – qui a présidé le sanhédrin pendant 20 ans, de l'an 10 avant J.-C. à l'an 10 après J.-C. et qui eut Rabbi Shammaï pour collègue et pour adversaire -  tout servait de prétexte au divorce, comme... d'avoir laissé brûler un repas !

On le voit bien: tout ce qui est légal n'est pas forcément moral! Voilà donc le piège tendu à Jésus de Nazareth. Contredira-t-il Moïse? Piège en forme  de « double bind » : quelle que soit sa réponse, il perdra sans doute un bon nombre de ses disciples.



Que les pharisiens, généralement rigoristes, aient choisi d'insister ici sur la liberté de choix, dans le but évident de discréditer Jésus, est une chose ! Mais si  Marc le souligne depuis Rome 40 ans plus tard, c’est que la loi romaine, elle, permettait - déjà à l’époque de Jésus -, aussi bien à la femme qu’à l’homme de divorcer !!! Cela nous aide à saisir l'enseignement du Christ, transcrit et transmis dans ce contexte : il demande la même fidélité en deux phrases, l'une au masculin et l'autre au féminin.

Sa réponse s'appuie sur le projet initial du Créateur. Il semble clair que Moïse, comme premier éducateur du peuple de Dieu, avait retenu en bonne partie le droit coutumier des peuples d'alentours, comme le code d’Hammourabi (1750 avt JC). . [La loi du talion, qui modère les représailles et que l'Ancien Testament répète trois fois, Ex 21, 24; Lév 24, 20; Deut 19, 2  en est un bon exemple.] Jésus enseigne, pour sa part, le pardon sans condition :
si un vase précieux se brise, on ramasse les morceaux; eh bien, la personne humaine est bien plus précieuse que le vase le plus précieux. Le Christ accueille avec affection celles et ceux qui ont vécu un si douloureux échec. Ce que bien des disciples ont encore du mal à accepter.

Oui, explique-t-il : la loi de Moïse qui facilitait le divorce était due à notre dureté de cœur !  Le mot grec – employé par Marc -,  est une belle image biblique: la « sclérocardia ». La sclérocardie, la sclérose du cœur !
Il nous est toujours plus facile de juger que d'aimer, quand le cœur est si loin de celui de Dieu ! Car selon le projet initial — la première lecture le rappelle — nous sommes
- créés homme ET femme,
- à l'image de Dieu,
- pour aimer.



Et s’il est vrai – et que nous le croyons -, que nous sommes destinés à vivre éternellement dans l'intimité de Dieu lui-même, alors aussi bien vivre déjà d'un amour fidèle et attentif comme le sien.


dimanche 23 septembre 2012

La chasse aux démons !



30 SEPT   26EME DIM

La chasse aux démons !


« Les Peintures pour chasser les démons » (辟邪絵, Hekija-e) sont une série de cinq kakemonos (rouleaux destinés à être déroulés verticalement) japonais, représentant des divinités de la pensée bouddhiste. Elles datent du XIIe siècle, où elles faisaient à l’origine partie d’un long emaki, « Rouleau des enfers », illustrant les enfers bouddhistes. Cet emaki appartenait vraisemblablement à l’ensemble connu sous le nom de peintures des Six Voies (rokudo-e) ; à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le rouleau fut découpé sous forme de nombreux kakemonos. On peut y déceler la forte influence du bouddhisme de Nara, qui était prédominant dans le Japon de l’époque.



Ainsi la littérature ancienne, chez les juifs comme chez les païens et ici les japonais, nous apprend que « chasser les esprits impurs » était une pratique courante. [A ce propos, « pneuma » veut dire à la fois « souffle, esprit et vent ». Marc parle d' « esprits impurs ». L'appellation d' « esprits mauvais » rend mal le sens du mot grec, en y ajoutant une note de méchanceté].

D’ailleurs quelque vingt versets plus haut que notre texte d’aujourd’hui, les disciples eux-mêmes ont cherché à le faire en l'absence de Jésus, monté sur la montagne de la Transfiguration. Mais sans succès ! En effet, ils n'ont pu guérir le jeune épileptique  (Mc 9, 18). Or, voilà qu'un exorciste étranger au groupe « tente sa chance », et réussit!

Marc, qui n’en loupe pas une pour souligner les travers des disciples, ne manque pas de citer l'intervention du jeune Jean: "Nous avons voulu l'en empêcher, car il n'est pas de ceux qui nous suivent."[Le verbe « suivre » n'existe ni en hébreu ni en grec. « Akoloutheô » (acolythe) est un verbe d'accompagnement, et signifie donc « accompagner, être avec, de marcher avec », et non pas « à la suite ». Ailleurs, Marc choisit l'expression: « aller derrière, ou à la suite » de Jésus (Mc 1, 20)].

Et une fois de plus Jésus doit expliquer que personne ne détient le monopole du Royaume. Nul n'en est exclu au point de départ, seuls ceux et celles qui refusent d'y entrer s'en excluent eux-mêmes. Quant au guérisseur étranger, il prend part lui aussi à la manière d'être et de faire du libérateur d'Israël : si ce qu’il fait met en évidence que le projet et la force de Dieu habitent en Jésus, pourquoi l'en empêcher?
Car l'Esprit souffle, imprévisible et libre comme le vent, aussi hors de nos églises et de nos organisations… Que disait Jésus à Nicodème ? "Le vent (ou l'esprit: pneuma) souffle où il veut." (Jn 3, 8). Mais  déjà au temps de Moïse, le même esprit fut répandu à profusion en dehors du groupe reconnu des Hébreux. Et Moïse rétorqua à Josué : « Ah! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes! » (Nb 11, 29).


L’affaire est donc sérieuse : malgré le côté disparate et hétéroclite de la suite du texte, les images restent très fortes et parlent toujours : celle, superbe, du verre d'eau, et celles terribles de se couper la main ou le pied, ou de s'arracher un œil plutôt que d'être précipité dans la Géhenne de feu, toutes soulignent l'importance extrême de ce Royaume. Jusqu’à nos membres et nos organes les plus précieux qui ne sont rien (ouille !) à côté du grand projet de Dieu !
Un projet qui se révèlera encore plus mystérieux aux disciples à mesure qu'approche la montée à Jérusalem.

dimanche 16 septembre 2012

Lequel sera le plus grand?



23 SEPT   25EME  DIM

“Lequel sera le plus grand?”


Pour ces hommes « primitifs » qu’étaient sans nul doute ces pêcheurs et paysans galiléens, l’« appel » de Jésus a pu constituer une aubaine, une opportunité, une chance inattendue pour sortir de l’obscurité et du trou de leur condition première ! Ayant accepté de le suivre, pourquoi ne pas profiter maintenant de la situation ! La deuxième annonce de la Passion va les trouver bien loin des idées de leur maître et Marc tient à le souligner. 



Jésus "traverse la Galilée" au retour de Césarée de Philippe qui se trouvait plein nord. Il marche donc vers Jérusalem où il sera "livré" - c'est-à-dire où Dieu le « livrera » par amour ! [Il faut remarquer que ce terme « être livré » au passif - où Jésus « est agi » par Dieu -, revient souvent chez Paul: "Il n'a pas refusé son propre Fils, il l'a livré pour nous tous." Rm 8, 32.]. Et que font les Douze pendant que Jésus appréhende et sent sa mort prochaine ? Ils en sont encore à chercher les meilleures places dans le seul royaume qu’ils puissent imaginer : à taille humaine !

Et Marc insiste: "Ils avaient peur de l'interroger." En réalité, ils commençaient à et avaient peur de comprendre ! Et si Jésus leur pose une question, ils se taisent ! Ce sur quoi ils comptent, c’est l'implantation d'un royaume qui leur assurera enfin quelques bonnes années de vie confortable sur terre. C’était une perspective, la leur : quel autre avantage verraient-ils à le suivre et à courir tous les dangers ?

C’est « le choix des étendards », dira Ignace de Loyola dans ses Exercices : entre l’étendard du Roi de la terre et celui du Roi du ciel ! Entre la croix et la cupidité, entre la loi de l'amour et celle, tout animale, du profit personnel ! Nous sommes au sommet du drame : le « climax »!





 La réponse de Jésus ? Il prend un enfant (diminutif « paidion » en grec : c'est un enfant de deux ou trois ans), le serre dans ses bras (le verbe « enagkalizomai » ne désigne pas un baiser des lèvres, mais le geste de serrer dans ses bras) et le propose comme antidote à leur soif de pouvoir.
Si l'enfant représente le « pauvre » par excellence, parce qu’il est fragile, naïf et sans défense, alors la grandeur du chrétien se mesurera justement à la qualité des services rendus aux plus petits. Rappelons-nous Jean, le soir du lavement des pieds : ici aussi, à la volonté du pouvoir, l'évangile oppose l'image de Jésus serrant un enfant dans ses bras.

Comme il dur de renoncer à ses illusions, à ses rêves, à son désir !

Alors que depuis le chapitre 8, 29, Jésus est déjà reconnu comme Messie, le jour de l'Ascension, les disciples lui demanderont encore: "Seigneur, est-ce maintenant que tu vas rétablir la royauté en Israël?" (Ac 1, 6) !!! Marc (avec Pierre)  est loin de flatter l'image des Douze : ce sont des êtres à la fois ambitieux et fragiles, comme chacun et chacune d'entre nous. Jésus ira pourtant jusqu'à leur - et nous -, confier les clefs de son Royaume.



La difficulté d'être disciple (d’être chrétien) est l'un des thèmes favoris chez Marc. Dans la communauté où il écrit - sans doute celle de Rome, en état de crise - il explique vraisemblablement le manque d'intelligence et bien des défections parmi les croyants, en les comparant aux souvenirs que conserve Pierre des premiers disciples de Jésus.

dimanche 9 septembre 2012

"La croix Glorieuse" (14 sept) & "Qui suis-je?" (16 sept)


LA CROIX GLORIEUSE

 

14 septembre


Que deviennent les symboles ? Le drapeau national? L’alliance du mariage ? La croix…, entre autres !

Portez-vous autour du cou une chaîne avec une croix ? Madonna la portait -  la porte ? -, aux oreilles, ailleurs même, je crois !

La croix : un ornement, un bijou, un gris-gris ?

La croix, c’est le symbole qu’a choisi la foi chrétienne, le signe visible et matériel du ralliement au Christ…

La CROIX GLORIEUSE ! Curieuse association de deux mots : croix et gloire !
 
 

 

Est-ce si glorieux de mourir sur une croix ? Du temps de Jésus, c’est la manière dont la loi punissait un délit important. Pas étonnant que les contemporains de Jésus aient buté sur cette  fin triste et misérable. Objectivement, pour eux, Jésus est mort sur un échec. Ils ont alors parlé du scandale de la Croix. Les lettres de Paul et les évangiles portent les traces du désarroi des premières générations chrétiennes.  En effet,  la Résurrection de Jésus n’effaçait pas sa condamnation à mort ni son supplice infâmant sur une croix, et en plus, entre deux bandits... Dieu avait-il besoin de s’abaisser à ce point ? On avait beau faire appel à l’Écriture, le scandale demeurait...

La Croix, signe du chrétien ? Tu parles d’un emblème !

A séparer de façon dichotomique la vie et la mort de Jésus, « on »  a toujours eu tendance à dire que c’est sa mort qui nous a sauvés. En réalité, c’est par toute sa vie que Jésus a conduit les hommes à Dieu, c’est toute sa vie qui  a été un chemin vers Dieu... c’est-à-dire TOUT ce qu’il a été, TOUT ce qu’il a vécu, TOUT ce qu’il a dit... sa vie, sa mort ET sa résurrection... Et si sa mort a été décidée et perpétrée par ceux qui n’acceptaient pas ses actes, ni ses paroles ni son influence, c’est sa vie TOUTE entière qui l’a mené jusque-là !

 

La croix est DE FAIT le signe qui rappelle que Jésus a dérangé et continue de déranger beaucoup de gens : il bouscule les sociétés, comme il avait bousculé la société juive. Au Golgotha, comme depuis dans l’Histoire, on supprime celui qui veut inaugurer une vie autre, un monde nouveau, dont la règle d’or est l’AMOUR.

« Vexilla Regis » : la croix est devenue « l’étendard du roi » !

Car c’est la seule réponse : l’AMOUR. Quand « on » aime comme personne n’a jamais aimé, c’est qu’ « on » ne fait pas mine d’être un homme. En acceptant toutes les conditions humaines, y compris la mort, et une mort abominable, « on » a montré jusqu’où peut aller un amour.

L’amour invraisemblable de Dieu !

Un amour qu’on croyait las de pardonner et prêt à juger, et qui a inventé ce geste fou, cette « déclaration d’amour »,  pour dire à tous les hommes de l’Histoire, qu’il est toujours un amour incandescent... En ce sens la Croix ne peut qu’être glorieuse... et si le chrétien peut en être fier, ce n’est pas à cause du supplice enduré, mais de l’amour qu’elle représente...

 

Si l’Eglise est fière des 7 moines de Thibirine en Algérie, ce n’est pas de ce qu’ils ont souffert : détention et décapitation, mais de l’amour qu’ils ne cessaient d’avoir dans le cœur... au point de pardonner à l’avance à ceux qui pouvaient les mettre à mort... ce qui est advenu d’ailleurs.

Retenons deux choses :

1.      Ce qui compte dans nos vies, c’est ce qui part du cœur : c’est cela qui donne du sens à nos actes, et non pas la difficulté. La souffrance, sous quelle que forme que ce soit, n’est pas à rechercher ; elle n’a pas de valeur en elle-même. Demander la grâce de souffrir est contre nature! Nous avons bien assez de « porter » la souffrance quand elle se présente. Et dire que Dieu éprouve ceux qu’il aime bien est une contre vérité ! Avouons être incapables de trouver de réponse au deuil, à la mort brutale, aux « croix » qui s’accumulent sur certains. Respectons en silence ceux qui souffrent !

2.      Mais l’amour peut effectivement conduire jusqu’à la « croix », sous une forme ou sous une autre : « Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive ! » Tout homme fidèle à vivre un peu comme le Christ dans le don de lui-même aux autres, dans la solidarité avec les plus malheureux, rencontre tôt ou tard la contradiction, les moqueries, les incompréhensions, y compris de la part de ses meilleurs amis, et parfois même dans sa propre famille.


 

“Qui suis-je?”


16 SEPT    24EME  DIM


Voici que Marc nous présente un Jésus qui s'informe, et qui s’informe sur la perception qu’on a de  lui : “ Pour les gens, qui suis-je?” 

Qui ne s’est pas posé ce type de question, surtout s’il a tant soit peu une « carrière sociale ». Certains s’en fichent, car leur succès ou leur élection -  tout aussi inattendus l’un que l’autre -, leur suffit : imposés ou installés, ils n’ont cure de ce qu’on pense d’eux  désormais !

Les disciples, eux, vont comparer Jésus aux plus grands des prophètes: “Les uns te prennent pour Jean-Baptiste, d'autres pour Élie, et d’autres d'autres encore, Jérémie ou l'un des prophètes.”

Ça, c’est la rumeur : Jésus ne s’en contente pas ! « Et vous, qu’est-ce que vous en dites? »
Et c’est le flash : Simon-Pierre, le chef, prend la parole: “Tu es le Messie” !


 

Bien sûr la scène est censée se dérouler avant la Résurrection de Jésus et la Pentecôte de l’Esprit ! Mais si  Marc – qui écrit à Rome sous la dictée de Pierre, quelque trente ans plus tard, ne l’oublions pas -, fait déclarer explicitement à ce dernier cette reconnaissance du Fils de Dieu annoncé par les prophètes, c’est que Pierre « se souvient » : il « sent » qu’il « savait » ! Il « sentait aussi » que Jésus avait du mal à (faire) accepter sa véritable vocation de Messie : il voulait que la foi des compagnons - et la sienne en particulier, quoique faible -, aidât Jésus et tout le groupe à accepter le chemin difficile qu'ils devraient prendre, chacun pour son grade.

C'est pourquoi aussi – d’après Marc -, Jésus commence à prédire sa Passion et à leur expliquer qu'il devra monter à Jérusalem : Marc le lui fera répéter 3 fois, comme pour s’en persuader, lui et le groupe !

Souvenons-nous aussi que Jérusalem, à l'époque, était le centre de la foi juive, là où se dressait le Temple comme signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple.

Il est « normal » que ce soit là précisément, à Jérusalem, au cœur de la ville sainte, que Jésus devra accomplir son destin de souffrance et de mort ! Message mystérieux et insensé pour les Douze, dont beaucoup comptaient sur lui pour libérer le peuple juif de la domination romaine.

Son sort serait arrêté en partie par les notables de Jérusalem, dont les chefs des prêtres, les anciens et les scribes, des gens instruits, des spécialistes de la Parole de Dieu qui se croyaient fidèles en tout.

 

Voilà ce que Jésus leur laissa entendre, ce jour-là ! En entrant au cœur de la condition humaine, le fils de dieu n'avait l'intention ni de contourner ni de rejeter la souffrance ou la réalité de la mort quelle qu’en soit la forme ! Non, Dieu ne va rien éviter : mais s’il entre bien jusque dans la réalité de la mort, c’est pour la traverser…

Pierre – qui se souvient toujours -, se souvient encore qu’il lui était impossible à l’époque d'accepter cette perspective qui conduit à la mort infâme sur la croix : et le dit crûment ! Alors il se fait renvoyer dans les cordes non moins véhémentement : « Passe derrière moi, Satan! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! »

Quand la situation semble ne laisser aucun espoir, il peut sembler plus facile d'opter pour le mensonge. Le renoncement n'a jamais été une option très à la mode. On préfère toujours l’éviter ! Et le sacrifice alors ! La vie elle-même se charge de  l’imposer le plus souvent.
 
Ne nous leurrons pas : certaines épreuves sont le résultat de nos choix, d'autres découlent des exigences normales de la vie, la conjoncture ! Rien de neuf.

La nouveauté de l'évangile est que le renoncement et la peine ne sont pas vains : ils portent des fruits, CAD des défis à relever ! Ici la lecture de l'évangile et l'expérience de la vie se rencontrent : les uns assument le sacrifice, d'autres perdent courage et jettent le gant, d’autres enfin songent même un jour ou l'autre à s'enlever la vie.

“Car celui qui veut sauver sa vie la perdra.” Celui qui veut vraiment donner un sens à sa vie et être gagnant doit accepter d'en payer le prix : il semble que c'est le don de sa vie qui donne du fruit.

“Celui qui perd sa vie à cause de moi la gardera.” A cause de lui ! Ce serait ainsi, à son exemple, qu'on gardera la vie.


 

Ceci est actuel : à travers le monde, des gens paient de leur vie le seul fait de leur foi, de leurs options chrétiennes, de leur engagement à la suite de Jésus, le Christ, le Fils de Dieu !

“Quel avantage en effet un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s'il le paye de sa vie?” 

 

lundi 3 septembre 2012

“Effata", ce qui veut dire "Ouvre-toi"”


“Effata, ce qui veut dire "Ouvre-toi"”

9 SEPT    23EME  DIM


Jésus, l’homme, ne peut pas ne pas en avoir eu assez devant et devant l'incompréhension de ses compatriotes et autres - de Nazareth en particulier -, et devant l'hostilité des « théologiens »/ scribes venus de Jérusalem, le centrale du judaïsme. Voici que Jésus quitte délibérément « son pays » et passe la frontière du nord ! Anywhere out of Israël !



Intelligente et vive, une Syro/phénicienne/libanaise a vite fait de reconnaître le Messie en Jésus, en recevant de lui, dans la foi, la guérison de sa fille. Jésus continue plein nord : il quitte maintenant la région de Tyr (Tyre, aujourd’hui), en remontant jusqu'à Sidon (Saïda aujourd’hui), puis il redescend vers le territoire de la Décapole (Les 10 Villes, en grec = territoires à l’est du Jourdain). Ayant ainsi parcouru plus de 100 km, il retrouve les mêmes aspirations et des mêmes besoins qu'au sein de ses coreligionnaires. Et il inaugure ce que les théologiens de Vatican II ont appelé depuis, en latin, la "missio ad gentes", celle qui s'adresse à l'ensemble des nations de la terre : LA mission!

Lui présente-t-on un sourd-muet ? Il l'emmène aussitôt à l'écart, loin... Jésus fuit de plus en plus les regards indiscrets et impudiques ; il se cache, et jusqu'à la « fin », il essaiera vainement de demander qu’on garde le secret. L'œuvre qu'il accomplit se passe dans les cœurs, et les grandes foules ont bien du mal à le reconnaître.



"Les yeux levés au ciel, il gémit [le verbe « stenazô » exprime plus qu'un simple soupir; c'est un gémissement long et audible] et lui dit: ‘Effata’." Marc nous décrit alors méticuleusement la scène et c'est l'un des rares instants où l'on voit aussi clairement un geste de guérison de Jésus. Prière mise à part, l'action ressemble à celle des guérisseurs antiques dont la science attribuait à la salive des propriétés médicinales [nous aussi, nous portons spontanément à la bouche une éraflure ou une brûlure légère]. Et le fait de mettre les doigts dans les oreilles était encore un geste de guérison.

Jésus intervient donc d'abord sur le physique [nous parlons aujourd’hui d’acte « holistique », car l'être humain n'a rien d'un cerveau ambulant.]
Mais surtout, il guérit par la puissance de Dieu, et ce qu'on traduit par l’actif "ouvre-toi" est un passif dans le texte: "Sois ouvert..." par la force de Dieu qui restaure aujourd'hui sa création.
L'aveuglement, comme la surdité et le mutisme, illustrent notre condition humaine devant Dieu : que de fois Marc ne répète-t-il pas que les disciples sont sourds et muets, qu'ils sont lents à croire et qu'ils ne comprennent rien!(Marc 6, 52; 7, 18; 8, 18.).

Comment naît une création nouvelle ? 



Un homme nouveau est recréé, issu du monde païen, celui-là même d'où vient la communauté croyante pour laquelle écrivait Marc.
De notre monde redevenu païen, quel Marc racontera  la renaissance ?

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« L’Église est en retard de 200 ans. Aurions-nous peur ? »
Dans une ultime interview, publiée samedi 1er septembre à titre posthume par le Corriere della Serra, le cardinal Martini encourage l’Église à « entreprendre un chemin radical de changement  ». En voici de larges extraits en français.




 « L’Église est fatiguée. Notre culture a vieilli, nos églises sont vastes, nos maisons religieuses sont vides, et l’appareil bureaucratique de l’Église se développe. Nos rites et nos habits sont pompeux (…) Nous nous trouvons dans la situation du jeune homme riche qui s’éloigne, empli de tristesse, alors que Jésus l’appelle à devenir son disciple. Je sais bien qu’il est difficile de tout laisser… Mais au moins pourrions-nous chercher des hommes libres et attentifs au prochain, comme l’ont été Mgr Romero et les martyrs jésuites du Salvador. Où sont les héros qui pourraient nous inspirer ? En aucun cas, nous ne devrions nous en tenir aux limites de l’institution. (…) Dans l’Église aujourd’hui, je vois tant de cendres qui cachent les braises que je me sens souvent pris d’un sentiment d’impuissance. Comment peut-on libérer ces braises pour revigorer la flamme de l’amour ? (…) Je conseille au pape et aux évêques de chercher, pour les postes de direction, douze personnes « hors normes », proches des pauvres, entourées de jeunes, qui expérimentent des choses nouvelles. Nous avons besoin de ce contact avec des hommes qui brûlent, pour que l’Esprit puisse se diffuser partout.
Mon premier conseil est la conversion. L’Église doit reconnaître ses propres erreurs et entreprendre un chemin radical de changement, à commencer par le pape et les évêques. À commencer par les questions posées sur la sexualité et le corps. (…) Nous devons nous demander si les gens écoutent encore les conseils de l’Église en matière sexuelle. L’Église est-elle encore, dans ce domaine, une autorité de référence ou seulement une caricature pour les médias ?
Mon deuxième conseil est l’écoute de la Parole de Dieu. (…) Seul celui qui reçoit cette Parole dans son cœur peut aider au renouvellement de l’Église et saura répondre avec justesse aux demandes personnelles. (…) Ni le clergé ni le droit canonique ne peuvent se substituer à l’intériorité de l’homme. Tous les règlements, les lois, les dogmes ne nous sont donnés que pour clarifier la voix intérieure et aider au discernement de l’Esprit.
Enfin, les sacrements sont pour moi, non pas des instruments de discipline, mais un appui à la guérison des hommes pris dans les faiblesses de la vie. Portons-nous les sacrements à ceux qui ont besoin d’une force nouvelle ? Je pense à tous les divorcés et aux familles recomposées. Ils ont besoins d’une protection spéciale. L’Église soutient l’indissolubilité du mariage. C’est une grâce lorsqu’un mariage et une famille y parviennent. (…) L’attention que nous porterons aux familles recomposées sera déterminante pour la proximité de l’Église avec la génération de leurs enfants. Une femme abandonnée par son mari trouve un nouveau compagnon qui s’occupe d’elle et de ses enfants. Ce second amour réussit. Si cette famille est discriminée, la mère et ses enfants s’éloigneront. Si ces parents se sentent extérieurs à l’Église, ne se sentent pas soutenus par elle, l’Église perdra les générations futures. (...) La demande d’accès des divorcés à la communion doit être prise en compte. Comment l’Église peut-elle venir en aide avec la force des sacrements à ceux qui vivent des situations familiales complexes ? (…)
L’Église est en retard de 200 ans. Aurions-nous peur ? Peur au lieu de courage ? La foi, la confiance, le courage sont les fondements de l’Église. (…) Seul l’amour peut vaincre la fatigue. Je le vois bien avec toutes les personnes qui m’entourent désormais. »