lundi 29 octobre 2012

Heureux...



TROIS HOMELIES A LA SUITE POUR 


1er, 2 et 4 novembre

1 ER NOV   TOUSSAINT
“ Heureux ceux.....”


A l'endroit, à l'envers : de quel monde nous parle cette admirable page des béatitudes, ce  monument de la grandeur humaine dressé sur notre monde, peut-être  l'expression la plus sublime de toute l'histoire de l'humanité?
Le monde à l'envers, de toute évidence!



Cet évangile de Toussaint décline plutôt un achèvement : la réussite définitive de l'oeuvre de  Dieu.. Aujourd'hui, comme chaque jour, on en est toujours au commencement, à sa racine et dans son germe.

Chez Luc, Jésus descend de la montagne après avoir passé la nuit en prière et parle “dans la plaine”. Chez Matthieu, au contraire, Jésus gravit la montagne. Intéressant! Gravir et redescendre... sans fin... comme Sisyphe!
Mais Jésus apparaît plutôt comme le nouveau Moïse, venu  promulguer la loi du Royaume nouveau, d'un Nouveau Monde! La loi nouvelle? Il faut changer de vie, se convertir, voir les choses d'une autre manière, car ce Royaume-là est au milieu de nous : les "cieux" c'est d'abord la terre!

Tout ce qui vibre en nous d'aspirations et de désirs humains de générosité, d'espérance et d'amour, ainsi que d'éternité, est touché par ces paroles! En même temps que tout ce que notre vie comporte de douloureux et d'insupportable est enfin dévoilé, reconnu, guéri. La misère qui semble s'abattre toujours sur les mêmes, l'exclusion des malades et des infirmes, la pauvreté et la souffrance elles-mêmes deviennent sources et motifs de joie.

La libération c'est faire des forces de mort, des forces de vie!.

Qui n' a pas maintes fois essayé de poursuivre et de réaliser ce qu'il y a de plus pur en lui, mais toujours il nous a semblé que nous n'étions pas libres, comme si des forces opposées nous l'interdisaient.

Ce progrès annoncé par les béatitudes sera-t-il toujours fuyant et insaisissable? Ne pourrons-nous qu'on jamais l'atteindre, et encore moins le savourer? Au secours, mon Dieu!

Comment renverser radicalement  nos mentalités et nos valeurs, comment correspondre pas au dessein initial du Créateur et de la création?




L'important, c'est d'être libre :
respirez la pauvreté,
ne tenez à rien ni à personne :
l'éternité est à ce prix !
L'important, c'est d'être sensible
à la vie, à la mort,
à la joie, à la peine :
le réconfort est à ce prix !
L'important, c'est d'être tendre
à qui résiste,
à qui se donne,
à qui te hait ,
et à qui t'aime :
l'avenir est à ce prix !
L'important, c'est d'être juste
pour qui a tort
et pour qui a raison,
pour qui savait
et pour qui ne savait pas :
la joie est à ce prix !
L'important , c'est d'être créatif
de neuf et d'espérance,
d'amour et de pardon :
la vie est à ce prix !
L'important, c'est d'être pur
devant soi et les autres,
devant les petits et les grands :
Dieu est à ce prix !
L'important, c'est de faire la paix
ici et là,
tout près et loin
si l'on veut être fils de Dieu.
L'important, c'est d'être persécuté quand on est juste,
l'éternité coûte cher !
Oui, c'est important
quand on vous flétrit,
quand on vous persécute,
quand on raconte n'importe quoi sur votre compte.
Souriez : votre éternité grandit encore !
Tous les prophètes sont passés par là !


Le jour des morts
la tombe est vide...
Vendredi 2 novembre 2007

S'agit-il seulement d'un pèlerinage sur les tombes?
S'agit-il seulement d'une célébration de la mort?
Il s'agit de commémorer nos défunts, e nous souvenir de ce qu’ils furent pour nous et pour Dieu.
Cette démarche entraîne des questions sur le sens de la vie et de notre destinée, face aux interrogations que provoque la mort, contre laquelle l’homme n’a jamais cessé de se révolter.



Le concile Vatican II souligne très justement et avec force : « C'est en face de la mort que l'énigme de la condition humaine atteint son sommet. L'homme n'est pas seulement tourmenté par la souffrance et la déchéance progressive de son corps, mais plus encore, par la peur d'une destruction définitive. Et c'est par une inspiration juste de son coeur qu'il rejette et refuse cette ruine totale et ce définitif échec de sa personne. Le germe d'éternité qu'il porte en lui, irréductible à la seule matière, s'insurge contre la mort. Toutes les tentatives de la technique, si utiles qu'elles soient, sont impuissantes à calmer son anxiété: car le prolongement de la vie que la biologie procure ne peut satisfaire ce désir d'une vie ultérieure, invinciblement ancré dans son coeur. » (GS, N°18).
 Ce désir d’éternité, l'homme Jésus de Nazareth le porte en lui-même. Il se fera même notre porte parole lorsque lui-même aura rendez vous avec la mort : « Mon Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? ».
Ce cri sur la croix contient toutes nos incompréhensions face à la mort. Si Dieu prend au sérieux notre condition humaine, c'est qu'en cet homme Jésus il a vécu tout ce qu’un homme peut vivre sauf le péché. C'est en traversant la mort qu'il devient Christ, et permet qu’elle soit traversée par tout homme qui accepte de prendre sa main : "main-tenant"! « Tous ceux que le Père me donne viendront à moi ; et celui qui vient à moi, je ne vais pas le jeter dehors » (Jn 6, 37).

Jésus le Christ nous "rappelle" l’unique but que recherche Dieu : « Or, la volonté du Père qui m’a envoyé, c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite tous au dernier jour. Car la volonté de mon Père, c’est que tout homme qui voit le Fils (l'homme Jésus) et croit en lui (le reconnaît comme Christ) obtienne la vie éternelle » (Jn, 6, 39-40).

Cependant même si Dieu ne se lasse jamais d'offrir à tous les hommes son salut (Dieu est amour), même lorsque l'homme s'éloigne de lui, la peur reste humaine, jusqu'au bout de l'agonie! A la foi dans l'homme Jésus devenu Christ, doit s'allier l'espérance que donne la foi!
De nouveau « En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au mystère pascal » (GS n°22).

C'est forts de cette foi que les chrétiens ne s'enferment pas dans la nostalgie et les regrets lorsqu'ils commémorent leurs défunts, car cette célébration les oriente vers leur propre avenir. « Nul ne vit pour lui-même ». C'est depuis leur baptême qu'ils vivent avec le Christ de l’espérance en la Résurrection: ce qui les fait choisir la vie et la transmettre en communion à la mort et à la Résurrection du Christ. Dès le début, la résurrection est à l’œuvre dans la vie du baptisé: sa vie n’est plus à lui-même mais au Christ. 


Ainsi nos défunts sont avec le Christ Jésus, le Fils éternel du Dieu éternel! Ils sont devenus des passeurs de vie ceux qui recherchent un bonheur sans fin.


4 NOV   31 EME  DIM
“Le plus grand commandement”

Il existait énormément de lois au temps de Jésus, pour toutes les situations!
Mais la morale mise en place par les Pharisiens, le parti religieux le plus important, était encore plus complexe. Dans la Bible et la tradition, les rabbins avaient trouvé 613 lois dont 248 obligations et 365 interdictions. Pour s’en rappeler, il suffit de penser qu’il y avait autant
d’interdictions qu’il y a de jours dans l’année!!!
Et cela  dure encore pour les juifs de la stricte observance!

Ainsi et d'une part, le commandement d’"aimer son prochain comme soi-même" existait déjà. C’est une loi très ancienne qu’on retrouve entre autres dans le Lévitique (19, 18), parmi d’autres dispositions légales. Par exemple: "Tu ne commettras pas d’injustice, tu n’auras pas de haine, tu ne te vengeras pas…" et, dit le texte: "c’est ainsi que tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis Yahvé." (Lévitique 19, 15-18). La loi de l’amour du prochain était donc très connue et il est clair que le docteur de la loi qui posait la question la connaissait très bien. Et de même la réponse de Jésus n’est donc pas une nouveauté à première vue.

D'autre part, nous savons par ailleurs que l’amour de Dieu, dans la religion juive, était central. C’était LE grand commandement: la base, le centre, le fondement de toute la religion juive. Tout juif authentique se rappelait chaque jour qu’il devait aimer Dieu de tout son cœur, de toute son intelligence et de toute sa force.



Aujourd’hui, pourtant, Jésus apporte quelque chose de neuf: pour la première fois, quelqu’un enseigne que le commandement d’aimer son prochain est semblable, ou du moins égal, au grand commandement de l’amour de Dieu. Et cela était vraiment une nouveauté.
La tradition juive considérait le manque d’amour ou l’injustice à l’égard du prochain comme une ingratitude envers Dieu qui avait été tellement généreux pour son peuple qu’aucun homme, par  simple reconnaissance, ne pouvait se mettre à tromper, à mentir ou à voler. Plus qu’une simple loi apprise, l’amour du prochain était ainsi un hommage à la générosité de Dieu.

La question du docteur de la loi aurait été à sa place, si elle n'avait pas été dictée par une mauvaise intention. Sa réponse est énoncée "avec la prudence du serpent et la simplicité de la colombe" : Maître, tu as bien dit, et selon la vérité, qu'il n'y a qu'un seul Dieu, et qu'il n'y en a point d'autre que lui, et que l'aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute son âme, et de toute sa force, et son prochain comme soi-même vaut mieux que tous les holocaustes et que tous les sacrifices.
Jésus reconnaît à la fois son intelligence et son habileté : Tu n'es pas éloigné du royaume des cieux. Voici le tentateur embarrassé tout d'un coup : il a voulu surprendre Jésus dans ses discours et il a été presque pris lui-même par les paroles de Jésus! 



 Précieux témoignage sorti de la bouche du "nouveau" Maître : « Tu n'es pas éloigné du royaume des cieux. » Mais - sous-entendu -, celui qui s'en contenterait ressemblerait à un vaisseau qui aurait supporté la tempête en pleine mer, et qui, en vue du port, fait naufrage. « Non loin du royaume des cieux » signifie avoir presque atteint le but, mais non complètement.

Rappelez-vous le roi Agrippa répondant à Paul qui lui disait :
- Roi Agrippa, crois-tu aux prophètes ? - Je sais que tu y crois.
- Il s'en faut peu, répondit le roi, que tu ne m'en persuades!
Il s'en faut peu, mais il s'en faut de quelque chose. Ainsi, en définitive, il n'y croyait pas.
Il en va de même avec ce : « Non loin du royaume des cieux ! »

« Le royaume des cieux est forcé et les violents le ravissent. »

dimanche 21 octobre 2012

Mon Maître, que je voie!



28 OCT  30EME DIM
Mon Maître, que je voie!



Si on veut bien garder présent à l'esprit que les évangiles ont été écrits quelque 40 et 50 ans après le départ de Jésus, on doit penser en stéréo en les lisant : ils racontent/rapportent un évènement ou un enseignement, certes,  mais dans la conjoncture historique de leur élaboration. Et c'est tout l'art du rédacteur que de respecter cette distance critique entre l'Histoire (l'évènement historique) et l'histoire (le script rédactionnel) : ce que l' allemand distingue entre "Historie" et "Geschichte".

L'épisode marcien de ce matin ressemble au script d'un court métrage (comme la résurrection de la fille de Jaïre, la mort de Jean Baptiste ou l'entrée triomphale à Jérusalem, qui suit immédiatement le texte d'aujourd'hui). Nous sommes à pied d'œuvre - c'est le cas de le dire: au terme de la montée à Jérusalem, la deuxième grande section de saint Marc.



Images soignées, Marc l'évangéliste style "Paris-Match" va faire dans la symbolique à la Robert Bresson. Ainsi le mendiant aveugle, laissé seul en dehors de la ville, sera l'icône même de la pauvreté la plus misérable : il ne peut rien faire et il est pathétiquement dépendant des passants.
Or, dans les versets qui précèdent, Jésus a parlé du baptême dans sa mort et dans sa vie nouvelle. Le "relèvement" de l'aveugle y fait écho, car en filigrane il traite aussi du baptême qui marquait le passage des ténèbres à la lumière chez les premiers chrétiens. (N'oublions pas que Jéricho veut dire "la cité de la lune": il s'y trouvait vraisemblablement un culte aux divinités de la nuit. Les baptisés, eux, devenaient enfants de lumière).
Une fois baptisé et disciple à son tour, l'ex aveugle pourra “marcher avec Jésus sur la route.”

Lisons "en stéréo". L'aveugle est donc assis "au bord" du chemin, "à la limite" de la ville: il était exclu ("ex-communié") du joyeux cortège des disciples. Le script suppose qu'il a déjà entendu parler de Jésus même s'il n'a jamais vu son visage, et pour cause. Il ne veut qu'une chose : sortir de ses ténèbres et de son isolement pour faire partie de la communauté des citoyens, entendez de grande famille du Christ.
Il est aveugle, mais pas sourd : il entend maintenant de ses propres oreilles le squad des disciples qui approchent, et on n'a pas plutôt prononcé le nom du Nazaréen qui passe, qu'il se met à hurler: “Jésus, fils de David, aie pitié de moi!” (C'est le célèbre Kyrie eleison, que l'on répétait dans la liturgie primitive). Des gens cherchent vainement à le faire taire, comme le faisaient les adversaires de la première génération chrétienne. Ce qui le fait hurler d'autant plus fort!



Jésus s'arrête, et tous avec  lui! Puis aux disciples : “Appelez-le.” Car ce sera leur mission essentielle que d'interpeller quiconque "au nom de Jésus", en prononçant la parole qui remet debout: “Égeiré: lève-toi; éveille-toi; reviens à la vie!” (Le verbe "egeirô" signifie "faire se lever, réveiller ou ressusciter". On se souvient de la même phrase de Jésus à la belle-mère de Pierre, puis à la petite fille de Jaïre, en araméen: “Talitha cumi").

Et c'est là que l'"idée" (marcienne? historique?) illumine toute la scène! Exactement le verset 50 du chapitre 10:
Qu'il jette de côté son manteau, soit! Mais comment un aveugle peut-il "bondir" et tomber juste aux pieds de quelqu'un qu'il ne voit pas? D'UN BOND DANS LA BONNE DIRECTION  ET JUSQU'AU BUT! D'autant plus qu'il ne devait pas se trouver très près, puisqu'il "gisait" au bord de la route et qu'il hurlait pour qu'on l'entende!
Quant aux versets 51 et 52, ils ne peuvent/doivent pas être lus/compris "dans le futur):
- What can I do for you?
- Let me see, Sir!
- OK, your faith healed you!

MAIS:
-         Jésus : Τί θέλεις ποιήσω σοί; [MAIS] QUE VEUX-TU QUE JE FASSE  [ENCORE] POUR TOI?
-         L' (ex) aveugle : Ῥαββουνί, ἵνα ἀναβλέψω. MON PETIT MAITRE, "DES-AVEUGLE- "MOI!
-         Jésus : ἡ πίστις σου σέσωκέν σε. [MAIS ] TA FOI T'A [DEJA] GUERI!

  • Car c'est au moment même où il décida de se rendre auprès de Jésus (de le suivre donc)  que sa cécité disparut!
  • D'ailleurs Jésus lui pose en fait une question baptismale: “Que veux-tu que je fasse pour toi?” ce qui équivaut à dire: “Veux-tu ouvrir les yeux et être baptisé?” Et quand l'ex-aveugle lui demande la lumière (de la foi) : " Maître, que je voie!”, il n'y a pas de "Amen!".
  • Comme au baptême on ne dit pas "Amen!" après le rite de l'eau : PARCE QUE L'ACTE LUI MEME SUFFIT : EX OPERE OPERATO, par le fait même!

Guéri par sa foi, et accueilli dans la communauté des croyants, il accompagne désormais Jésus sur la route.

dimanche 14 octobre 2012

Les premières places


21 OCT   29EME DIM

Les premières places.


C'est aujourd'hui un exercice pratique que nous propose Marc: voici que les Zébédée's se présentent aux primaires du royaume! Triomphe de l'ambition personnelle des frères Jacques et Jean - et par l'entreprise de leur mère selon d'autres ! Marc démontre et explique par là à sa communauté romaine la difficulté d'être disciple de Jésus et d'adhérer à  son projet très spécifique! Pourtant dans les versets qui précèdent, ce dernier vient d'annoncer sa Passion en clair et pour la troisième fois, selon Marc : “Le Fils de l'homme sera livré aux chefs des prêtres... ils le condamneront à mort... ils cracheront sur lui, ils le flagelleront et ils le tueront”! Mais l'ambition ne veut rien entendre! Et si les dix autres compagnons s'indignent, c'est qu'ils ont la même ambition qu'eux: être proches du pouvoir. Ah, non! Mais...


Au moment où Marc écrit pour réconforter sa communauté qui passe de mauvais moments (persécution de Néron, entre 64 et 68, ou dans les années qui ont suivi?), tous sont en "parfaite" mesure d'expérimenter à quel point les disciples les plus proches de Jésus s'étaient eux-mêmes abusés dans leurs rêves mégalomaniaques de grandeur messianique. Comment voulez-vous que "des moins que rien" n'aient pas eu de telles ambitions? Quand on arrive de rien, on veut tout, tout de suite! Regardez la famille de Napoléon Bonaparte se disputant l'empire ... qui n'a pas duré malgré les vœux éclairés de la mère Letizia!!!

Et nos disciples, les voilà réclamer, sans savoir de quoi ils parlaient, les premières places... Oui, ils sont prêts! Jusqu'à la droite et à la gauche du crucifié. Après la mort violente de Pierre et de Paul, sous Néron, les chrétiens réalisaient qu'ils marchaient bel et bien sur les traces de leur "Seigneur". Tout comme Jacques et Jean  avaient fini par en faire l'expérience à leur tour à la génération précédente!  En effet, Actes 12, 2 raconte qu'Hérode Agrippa (+ 44) “supprima Jacques, frère de Jean, en le faisant décapiter.” Quant à Jean, le disciple que Jésus aimait, une tradition ancienne soutient qu'il aurait été condamné aux travaux forcés dans les carrières de l'île de Patmos en tant qu'agitateur chrétien, c'est-à-dire pour ses activités apostoliques dans les sept villes voisines d'Éphèse. Marc reconnaît donc l'ardeur admirable des deux jeunes Boanergès (les fils du tonnerre!) qui iront effectivement "jusqu'au bout" pour suivre le Maître, boire à sa "coupe" et être "immergés" avec lui dans un baptême de sang pour une vie nouvelle. Les premiers lecteurs de Marc, "citoyens romains" nouvellement convertis, s'engageaient sur la même voie: prendre part au même baptême, et boire à la même coupe au cours de l'eucharistie.

**************

Mais qu'est-ce qu'un royaume? C'est une autorité, une puissance qui s'exerce sur les êtres et sur les choses. Jésus a refusé d'être fait roi par le peuple. Et pourtant devant Pilate, enchaîné, humilié, accusé, condamné, Il déclare : « Je suis Roi »
Jésus n'est pas ce roi glorieux que se rêvent les juifs, ce Messie qui chassera les Romains et qui rétablira Israël dans ses gloires passées. Il déclare : « Mon royaume n'est pas de ce monde». Et Il ajoute : « Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu afin que je ne sois pris!"
Ce royaume qui n'est pas de ce monde doit cependant s'établir dans ce monde : « Que Ton règne vienne; que Ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Le règne du Christ s'accomplit et se développe ici bas, mais il ne tire de ce monde ni son origine ni ses armes et quand finalement il sera établi en ce monde, il ne sera pas davantage de ce monde.




Il ne s'agit pas non plus d'un royaume qui est ou qui sera dans les cieux, mais il est le royaume de Celui qui est dans les cieux. C'est un ordre nouveau des choses qui sera réalisé par un acte de Dieu. Ce royaume, en un mot, c'est le Christ Lui-même connu, possédé : Paul : « Pour moi, vivre, c'est le Christ ».

Et comment s'établira-t-il dans ce monde ? Par l'œuvre du Christ continuée par l'œuvre des disciples du Christ. Et qui peut porter le titre de disciple ? Les disciples sont les enfants de la vérité dont parle Jésus, ils ont écouté sa voix. Sa voix, c'est à dire son enseignement et son commandement. Et de même que le Christ n'est pas de ce monde, ses disciples ne sont pas de ce monde non plus : " Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde vous aimerait car vous seriez les siens. Mais parce que vous n'êtes pas du monde et que je vous ai élus et retirés du monde, voilà pourquoi le monde vous hait ».

Ainsi les disciples du Christ vivent dans le monde, mais ils ne sont pas du monde. Leur comportement est à l'opposé de celui du monde. Ce qui est la vie du monde - l'égoïsme et l'orgueil multiformes, l'argent, le succès, la célébrité sont pour eux sans attrait. Vivant dans le monde, ils sont bien obligés de faire en eux une place à certaines choses dont vit le monde; mais leur cœur n'y est pas.

La vérité du Christ n'est pas une doctrine, elle n'est pas une théorie; elle est une vie, elle est la vie du Ciel transportée dans ce monde. Elle est l'Amour: « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Voici le signe auquel on vous reconnaîtra pour mes disciples - si vous vous aimez les uns les autres. Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie». Et comme le monde n'a que mépris pour les disciples du Christ, il est des temps où il ne peut plus les supporter. Alors il les persécute comme il persécuté leur Maître, il les crucifie comme il mit leur Maître en croix. "... étrangers et voyageurs sur la terre..., lapidés, torturés, tués, ils ont erré çà et là, manquant de tout, opprimés, maltraités, eux dont le monde n' était pas digne ", sans se décourager ni faiblir!




Invisible actuellement, nous savons que ce royaume qui n'est pas de ce monde s'établira dans ce monde. Dès ce moment et pour toujours il sera l'unique Réalité!

Croire!

dimanche 7 octobre 2012

Let's go!



14 OCT  28EME DIM

“ Let's go!”



Les mots sont comme les images : dis-moi quel est ton vocabulaire, je te dirai qui tu es! Le grec était l'anglais de l'époque. Et les mots ne sont jamais neutres!


Quand Marc a parlé du divorce, il l'a fait, de façon très moderne,  au masculin ET au féminin. Comme un cinéaste très conscient de l'impact de ses images, il adopte ici encore un langage inclusif: "eis" = quelqu'un (homme ET femme) en grec. En effet, Marc écrit pour des chrétiens de Rome, des non-juifs parlant le grec pour la plupart : il ne faut jamais l'oublier! [Matthieu, qui écrira quelque 10 ans plus tard en milieu juif patriarcal, interprétera le mot "eis" (en anglais "one" ou "someone") par "neaniskos = jeune homme", ce qui en fera l'histoire bien connue du “jeune homme” riche.] Chez Marc, "cette personne" représente tout être humain : vous, moi...



Ainsi  "QUICONQUE" reconnaît en Jésus le Messie et le Fils de Dieu, se "prosterne" devant lui. [ "Gonupeteô" = tomber à genoux, et en particulier "proskuneô", signifient à la fois "adorer et se prosterner". (Voir Mt 4, 9-10). D'autre part, les titres de Messie et de Fils de Dieu sous-tendent tout l'Évangile selon Marc. (Relire en particulier 1, 1 ; 8, 29 et 15, 3].

"Maître, ["didaskale" = enseignant, et non pas "kyrie" = maître au sens de Seigneur], que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle?”

Déjà en Mc 7, 21-22, l'évangéliste soulignait que Jésus ne retient parmi les commandements que ce qui touche les relations humaines : c'est dans l'attention aux autres - la charité -, que s'exercera l'amour de Dieu et son appréciation de notre comportement.

Ainsi cette jeune personne qui a reconnu le Messie en Jésus aurait réussi à tout (!!!) observer parfaitement depuis sa "jeunesse"! Prétention juvénile, mais bien sympathique! "Moi, je...!" Jésus observe et se prend d'affection! “Ah! Tu vises le plus haut ? Alors ... vends tout ce que tu as, et viens avec moi.”

Le coût de l'excellence! Quel est-il?



Dans le sermon sur la montagne, Jésus propose la même perfection à tous ceux qui le suivent et ses disciples en particulier : “Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait!” Impossible!? L'évangéliste pense sans doute à Gn 18, 14: “Y a-t-il rien de trop merveilleux pour Yahvé?”

Sur les murs de La Sorbonne, en 68, on pouvait lire : "Soyez réalistes, exigez l'impossible!" “Puis viens. Suis-moi.” Image difficile à saisir! Non pas : "Viens derrière moi!" Plutôt: "Let's go! Allons!" ["akolouthéô" = "acolythe" est un verbe d'accompagnement"]. Et cette invitation-là est au cœur de l'Evangile : elle s'adresse à toute personne qui veut devenir disciple de Jésus.

Un (grand) écrivain français - Georges Bataille -, a donné à l'un de ses livres ce titre: L'Impossible. Il n'est pas mauvais de le relire, ces temps-ci. Il a dit aussi: «Laisse le possible à ceux qui l'aiment.» Le vrai réel, comme l'amour, serait-il donc de l'ordre de l'impossible? Ce qui est sûr, c'est que notre imagination est toujours en deçà de ses dimensions.

En tout cas certains, dont je suis, ne cesseront pourtant pas de le demander, ce réel, comme la liberté de la poésie elle-même.