dimanche 24 octobre 2010

On finit toujours par « être trouvé » !


On finit toujours par « être trouvé » !

dimanche 31 octobre 2010
Trente-et-unième dimanche du temps ordinaire

Textes
  • Sg 11,23-26.12,1-2.
  •  Ps 145(144) ,1-2.8-9.10-11.13.14.
  •  2 Th 1,11-12.2, 1-2. 
  • Lc 19,1-10.


Dans La nuit de Zachée, Maurice Bellet[1], à travers une libre variation biblique, donne la parole à Zachée, monté sur un sycomore pour apercevoir Jésus qui va s’inviter chez lui :

« Si tu m’avais dit que tu devais venir ce soir, ô maître, j’aurais fait préparer un repas digne de toi, un festin royal, avec de nombreux convives, comme tu aimes. Et nous t’aurions écouté, suspendus à tes lèvres, éblouis par ta sagesse. Mais tu viens seul, sans prévenir, à l’improviste. Qu’y a-t-il ? Qu’as-tu donc ? Ton visage est las.
Oh, comme je comprends que tu sois fatigué, fatigué des foules, fatigué de tes disciples, fatigué de tout !
Ils abusent de toi, ils te dévorent. Alors, tu t’es dit : j’irai vers Zachée, Zachée me recevra sans rien me demander, et je pourrai passer un moment chez lui, seul et tranquille…
Repose-toi. Mange et bois. Je te fais préparer une chambre haute : tu pourras y dormir en paix, comme Elisée chez la Shunamite. La paix est sur cette maison tant que tu y demeures. »

Zachée n’est pas fou. S’il « comprend bien » le ras-le-bol de Jésus – c’est peut-être pour ça aussi que ce dernier  est « parti » si tôt à 33 ans ! -,  il reste raisonnable jusque dans sa générosité : il a la repentance pragmatique, la réparation proportionnelle et la charité distributive. Ecoutons-le plutôt selon le docteur Luc :
« Regarde, maître : je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres (1) ; et si j’ai fait tort à quelqu’un par une fausse accusation, je lui rends le quadruple (2) ».



Quand un concussionnaire à la petite semaine est prêt à se défaire de 50% de ce qu’il a pu rapiner durant un certain temps, c’est qu’il en a suffisamment mis de côté pour vivre dans l’opulence le reste de ses jours : on est loin de Simon du Désert et de François d’Assise ! Et d’un ! Quant à rendre 4 fois ce dont il est redevable à quelqu’un pour avoir usé à son égard de chantage ou de délation, c‘est avouer en même temps qu’on est le roi des salauds puisqu’on s’arroge soi-même le droit d’évaluer ce qu’on doit à la victime[2] !

Eh bien, Jésus aime ça, car - tout fils de Dieu qu’il est -, il n’en demeure pas moins  réaliste, il n’a pas le culte du héros : Jésus n’est pas grec, il n’est pas romain. C’est un juif de la bible, un descendant d’un peuple à la nuque rebelle, résistant à toute assimilation, qu’elle fût perse, hellénistique et maintenant impériale. Comprenant que ses coreligionnaires s’en tirent comme ils peuvent de cette occupation étrangère qui finira par l’avoir lui-même, il n’est pas choqué outre mesure par le comportement « bien tempéré » de ce nabot de collaborateur, chez qui il a décidé de dîner (avec 12 gaillards qui ne vont pas s’en faire conter !) et peut-être même de passer la nuit !

Toujours selon Luc, la finale est à la fois froide et restauratrice : (Dieu aurait-il trouvé Zachée digne de l'appel qu'il lui adresse par Jésus : Th 1,11);
« Aujourd’hui le salut est venu pour cette maison, vu que lui aussi est fils d’Abraham (1);
car le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu (2)».
Traduisons :
  1. Tous les enfants d’Abraham héritent légitimement la bénédiction accordée à leur lointain ancêtre, car Dieu est fidèle  (« Tu seras la père d’un peuple aussi nombreux que le sable qui est sur les lèvres de la mer ! Toutes les nations seront bénies en toi  »!)
  2. Quant à moi, si je viens, ce n’est pas pour condamner quiconque (car chacun est assez grand pour se condamner lui-même si ça lui chante !) : moi, je viens pour sauver et redonner la vie à ceux qui veulent repartir à zéro ! (« Je n’éteins pas la mèche qui fume encore ! »)


Tout à fait en écho avec notre psaume de méditation :
La bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse, pour toutes ses œuvres.
Le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés. Ps 145

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*

Un peu d’histoire ! Les publicains étaient des collecteurs d’impôts, opérant pour le compte de l’occupant romain – et pour leur compte à l’occasion aussi -, malgré leur origine juive : donc des collabos, des kapos ! Soupçonnés à juste titre de malversations et considérés naturellement comme trahissant leur compatriotes, les publicains étaient méprisés et assimilés dans l’opinion à des pécheurs notoires qui ne tenaient pas compte de la loi de Moïse.
Tel était Zachée : en plus, il était kapo chef, et plus riche que lui… tu meurs !
C’est sa curiosité qui le fait grimper sur son sycomore. Imaginez-vous un homme probablement connu dans sa ville, et d’un rang social certain bien que honni, courir pour devancer les autres et grimper dans un arbre ? C’est qu’il désirait vraiment le voir, ce Jésus, même au risque d’être la risée des autres !

Pourquoi donc ? C’est la clé de Zachée !

Il y a ceux qui courent voir passer le Tour de France à un col, la Reine d’Angleterre en carrosse sur le Mall, ou le Pape à son balcon e St Pierre ! Ou encore « What else ? »  sur la Croisette !

Toi qui me lis, qui te ferait bouger au point d’aller à ses devants, ne serait-ce que pour l’entre percevoir ? As-tu jamais eu le désir de « voir », de « connaître » Jésus[3] ?

Zachée ne s’encombre ni de sa nano conformation, ni de son incapacité naturelle, ni du « qu’en dira-t-on », ni aujourd’hui, des formes et des vicissitudes d’une religion qui, comme cette foule, t’empêche de voir Jésus tel qu’il est.
Qui que tu sois, petit ou de belle stature, jeune ou âgé, quelle que soit ta position sociale ou ton statut, tu peux y aller sans crainte !
De toute façon, il te verra sur ton « sycomore », il te verra exactement comme il a vite vu Zachée dans l’arbre !
Il connaît déjà tes besoins et ton désir.
Il t’appelleras aussitôt par ton nom et t’invitera :
« Descends vite, j’aimerais aujourd’hui manger avec toi, pas au restaurant, chez toi !».

Ah ça oui : chacun peut rester perché sur son arbre : (ir)respect humain, fierté mal placée, ridicule orgueil ? Tout est bon prétexte quand on ne veut pas !

« Voici, je me tiens à la porte et je frappe, dit-il encore aujourd’hui ; si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3,20)



On peut imaginer les gens murmurer en voyant Jésus entrer chez Zachée – en te voyant ouvrir ton cœur à la grâce ! Murmurer les pires « bonnes raisons » : Il va manger chez les salauds, maintenant !

On se demande d’ailleurs où Jésus aurait bien pu aller ailleurs que chez un pécheur, puisque « tous ont péché » (Rm 3, 23) ?  Ceux qui murmur(ai)ent se cro(yai)ent-ils justes, eux ?  Eh bien, dans ce cas, ils n’ont/avaient pas besoin d’un Jésus Sauveur ! Ce ne sont pas ceux qui sont en bonne santé, qui ont besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal ; Jésus n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Mc 2,17).

Si tu vois le mal chez les autres et que tu considères ne rien avoir à te reprocher, tu ne pourras jamais réaliser ton propre besoin d’être sauvé, et tu resteras alors, malgré la bonne opinion que tu as de toi-même, empêtré dans les filets de tes contradictions et de tes erreurs.

Alors, comme Zachée, débarrasse-toi d’abord de la moitié de tes « bagages » (« la moitie de mes biens ! »), et demande plusieurs fois pardon à qui tu as fait tort ! C’est un bon début, c’est le premier qui coûte ! Le reste viendra en son temps, en ton temps, quand tu auras changé d’habitude, ou de fréquentation ! Tout s’apprend, mais aussi tout peut se ré apprendre !
                                                                                                         
Quand on a fait ce (3ème !) type de rencontre, on ne peut plus se mentir : cela ne sert à rien ! On sait tout soudain et Il sait tout de toutes façon ! Ni tes bonnes œuvres, ni ton honorabilité ne peuvent t’apporter ce dont tu as le plus besoin : que quelqu’un te regarde sans te juger et t’offre l’opportunité de recommencer !

Jésus dépasse de beaucoup ce que Zachée attendait. Il cherchait simplement à le voir et il finit par le  recevoir chez lui…

Il l’aura cherché, finalement ! Sans savoir…C’est souvent la meilleure façon !

*       *
*
Jamais la Sagesse n’aura été plus pertinente que pour Zachée… et pour toi, si tu veux :

Seigneur, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu'ils se convertissent.
Tu aimes en effet tout ce qui existe,
tu n'as de répulsion envers aucune de tes œuvres,
car tu n'aurais pas créé un être en ayant de la haine envers lui.
Et comment aurait-il subsisté, si tu ne l'avais pas voulu ?
Comment aurait-il conservé l'existence, si tu ne l'y avais pas appelé ?
Mais tu épargnes tous les êtres, parce qu'ils sont à toi,
Maître qui aimes la vie,
toi dont le souffle impérissable anime tous les êtres.
Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu,
tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent,
pour qu'ils se détournent du mal,
et qu'ils puissent croire en toi, Seigneur.
Livre de la Sagesse 11,23-26.12,1-2.



[1] Ecrivain, philosophe, théologien, Maurice Bellet est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages. Il vient de recevoir le Prix Siloé 2002 pour La longue veille.
[2] Ça sent la « généreuse » attitude réparatrice de l’Eglise envers les victimes de son personnel pédophile !
[3] Ver a Dios ! Le désir de Jean de la Croix ! Quel est donc ce « bien que vous désirez », demande Paul ?

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