lundi 20 décembre 2010

Grâce sur grâce


Grâce sur grâce
LA NATIVITÉ DE JÉSUS
Le jour
25 décembre 2010


Textes :
-          Is 52, 7-10,
-          Ps 97,
-          He 1, 1-6
-          Jn 1, 1-18

Que disent en ce jour la tradition, la liturgie et la foi chrétienne, quand elles sont catholiques :


UN ENFANT NOUS EST NÉ,
UN FILS NOUS EST DONNÉ!

Ce qu'Abraham, notre Père
et le plus juste des hommes
ne pouvait faire,
notre Père céleste l'a fait...
IL NOUS A DONNÉ SON FILS.
Il a déposé dans nos bras,
comme si nous l'avions enfanté,

un tout petit ENFANT.

Dieu a pourvu à l'agneau du Sacrifice.
ALLÉLUIA !
Béni sois-tu qui visites
et rachètes ton peuple!
Nos pensées se taisent,
il n'est plus de place
que pour l'exultation...
Merveille à nos yeux,
un petit agneau, un nourrisson,
le fruit de l'Amour,
la plus belle invention de la Miséricorde !

NOËL!     NOËL!     NOËL!

(D'après EPHATA)


Voilà, c’est la messe du jour de Noël - après la messe de la nuit (pour les uns ou les autres) et le réveillon en famille, nous espérons, pour tous !
Entend-on encore les lectures que nous propose la liturgie, heureusement occupés que nous sommes à la joie du jour, au souvenir des cadeaux au pied du sapin et au plaisir encore à venir de la bonne table qui nous attend !
Pourtant, mais nous le savons, elles touchent ce que nous avons de plus profond. Et d’abord l’ouverture de la lettre aux Hébreux.

« Hier, de bien des manières… », « ..Et à plusieurs reprises » ! 



Ainsi, nous ne sommes ni les premiers ni les derniers auxquels Dieu s’est adressé,  s’adresse et s’adressera encore et encore : tant qu’il y aura des hommes, des femmes et des enfants sur notre Terre !
Car l’univers divin que Dieu nous partage est un univers pluriel, comme le sont ses diverses interventions, en toutes nos réalités fragmentaires et morcelées.
Cette nuit, ce matin, il s’agit de l’Unique « Maintenant, aujourd’hui » : Dieu nous dit tout en son Fils ! Et il nous dit tout – suprême trouvaille ! -, en une fête qui est précisément la fête de celui qui ne parle pas. L’enfant est celui qui est sans parole, « in-fans ». Dieu muet.

Car Noël est d’abord et avant tout la fête du silence. Pour nous dire les mots de Dieu, le Verbe de Dieu, Jésus devra, année après année, apprendre nos propres mots. Lesquels ? Rappelez-vous Isaïe : certes, les mots de la joie du retour d’exil, la joie de la fin de la captivité et du retour chez soi, mais une joie est ternie par des ombres guerrières qui planent encore sur les routes, à travers  un pays qui a été occupé, à tort ou à raison, par des gens qui ont profité de l’absence des véritables propriétaires pour accaparer leurs biens. Un pays déchiré dans lequel il ne reste qu’un petit reste, comme un enfant….



Il est évident de voir nous aussi, tout au fond de notre réelle joie d’aujourd’hui, la peur non moins réelle des lendemains qui ne chanteront pas nécessairement pour tous, la récession économique et la rigueur, les taxes et les impôts qui augmentent, le chômage d’un enfant, d’un mari, la baisse de notre pouvoir d’achat, les dangers de la nuit et des transports en commun : notre désenchantement au milieu de l’enchantement de Noël ! Nos mots ainsi se mélangent, de manière indiscernable, aux paroles de Dieu,  et nos désirs d’homme : de revanche, de tranquillité, ’être tranquille, de posséder en paix ce qui nous appartient, de triompher du destin, couvrent trop souvent les paroles de Dieu, et nous sommes incapables de les entendre, sinon de manière terriblement humaine !

Allant jusqu’à transformer Noël en manifestation de puissance, de griserie et de gaspillage. Oh ! Inévitable parfois, quand on a trop souffert, trop manqué, trop compté ! Comment relier nos vicissitudes avec l’humilité de cette fête ? Comment comprendre que Dieu nous ait parlé à hauteur d’homme, avec notre langue, entrant dans nos désirs, venant nous chercher dans ce que nous avons de plus sombre et de plus violent, exactement comme il nous saisit sur les champs de bataille (savez-vous combien de pays sont en guerre aujourd’hui ?) ou dans des lits incestueux (savez-vous les dérives du sexe et de son exploitations, en cette ‘Douce nuit ! Sainte Nuit’ ?) ? Dieu qui vient chercher chacun, où qu’il soit capable d’aller jusque dans les pires épines de l’existence…

*
*          *

L’incroyable reste et restera cette réalité de Noël où nous entraîne l’évangile de Jean. Rupture entre la force des mots et cette simplicité de ce Fils né à Noël, désaccord entre l’audace, la violence, la puissance - dont il reste tant de traces dans les textes qui nous rapportent l’évènement -, et l’enfant silencieux livré à l’histoire et à nous cette nuit ! Notre foi ne peut-elle être que  constamment ballottée entre, d’un côté, le désir de revanche, « la revanche de Dieu », et de l’autre côté cet abaissement qu’il a choisi, ce Dieu capable – mais pourquoi donc ? -, de souffrir du froid, de la faim, Dieu pleurant, Dieu qui naît chez les hommes?

L’incarnation est la pierre d’achoppement des croyants : croire en Dieu, peut-être !
Mais en un Dieu si terriblement humain qu’on se demande s’il peut encore être divin ?
Question redoutable qui hante l’histoire de la foi chrétienne depuis l’origine.



L’homme n’avait pas, n’a toujours pas l’habitude de ce gap, de ce décalage entre ce que Noël lui propose depuis ‘seulement,’ deux mille ans, et un Dieu puissant et rassurant! Nous voilà devant l’humilité d’un Dieu dont il faut s’occuper : un enfant à recevoir comme une mère ou un  père de famille, le portant dans ses bras, à la naissance et à la mort : comme nous le faisons - sans réaliser trop ce que nous faisons -, au moment de la communion. Un Dieu entre nos mains.
Saint Jean  a tellement  médité là-dessus ! Il répond en une métaphore, celle de la lumière : « La lumière qui éclaire tout homme ». Tout homme : le pécheur, le païen, celui d’une autre religion, celui pour qui Dieu n’existe pas, celui qui combat même les croyants, celui-là est éclairé par Dieu, même sans le savoir. Le refuserait-il ? « La lumière qui éclaire tout homme est venue en ce monde.»
Chacun dans sa conscience ne peut plus le nier, désormais : cette conscience est le lieu même où la suprême liberté de l’homme  rencontre la présence de Dieu, qui l’éclaire depuis l’intérieur.
Car le débat  d’abord s’intériorise en chacun de nous : « Comment cela est-il possible ? » Jean  a pensé à la question – qu’il s’est certainement posée à lui-même plus d’une fois -, et il poursuit en disant que par cet enfant qui nous vient, chacun –dont lui-même -, a reçu « grâce sur grâce ».
On prend ou on ne prend pas ! Il y a comme ça des trains, qu’on laisse passer on ne sait pas pourquoi :Et cela vous mine tout une vie !



La grâce ? Qu’est-ce que c’est ? C’est comme un sourire qu’un inconnu vous adresse, alors que vous ne le connaissez pas, et qui rend soudain familier et accueillant un univers inhospitalier jusqu’ici ! La grâce, ainsi, c’est d’abord le sourire de Dieu qui se rend ‘gracieux’, qui se rend ‘souriant’, mais que nous avons le droit d’ignorer !
Qui est donc capable de faire notre bonheur, sinon celui qui ose venir jusqu’à vous, au point de se confier à vos mains, au point de s’en remettre à vous, de vous faire suffisamment confiance pour accepter de se livrer à notre fragilité : de compter sur nous et avec nous !
Grâce sur grâce.

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C’est en s’incarnant fragile que Dieu pouvait se livrer à notre fragilité.
Cet enfant de Noël incarne moins la puissance de l’être – qu’il est à ne pas douter ! -, que la générosité de l’amour. Au cœur de Dieu, il n’y a pas d’abord une philosophie, mais il y a une source, l’acte de se donner.  – dont on ne se doutait pas !
C’est peut-être la grâce suprême : en nous disant qui il est (capable d’être fragilité comme nous), il nous dit qui nous sommes (capables d’être divins comme lui).

Noël comme échange d’identité : à l’amiable, bien sûr !

Joyeux Noël.


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