(Re)composer
Dimanche de la Sainte Famille –
26décembre
Texte : Mt 2, 13-15.19-23
Le modèle de famille – Marie + Joseph + Jésus -, est-il praticable dans toutes les familles du monde, à travers le temps et l’espace ?
En écrivant cela, je pense à ce qu’il en serait si Jésus était né dans le 9.3. à Paris, à Shinjuku à Tokyo, ou dans une ferme de l’Oregon, ou encore dans une tribu Yanomani du Brésil amazonien !
J’aime bien me poser ce genre de questions… auxquelles on ne peut pas répondre, car ce sont les seules questions qui m’intéressent.
L’Eglise déclare qu’aujourd’hui, c’est la fête de toutes les familles du monde. S’il en est ainsi, on peut s’interroger pourquoi tant de parents vivent des difficultés lorsque leurs enfants n’épousent pas le modèle familial de notre société d’aujourd’hui, si la ‘Sainte Famille’ est vraiment ce qu’il y a lieu de suivre. La question – encore une ! -, doit aller plus loin : Marie et Joseph étaient-il ‘d’accord’ avec les initiatives de Jésus ? Avec son escapade au Temple à l’occasion de sa Bar Mitswa, par exemple ? Quant à sa ‘vocation’…
Et puis, cette ‘sainte’ famille était composée - sans pour autant être irrespectueux -, d’une fille mère, ou du moins, d’une mère tombée enceinte avant son mariage officiel, d’un père qui n’est pas le père biologique de l’enfant, mais qui ‘l’adopte’ volens nolens – au moins au départ -, et d’un enfant unique qui ne reprendra certainement pas l’affaire familiale de bois ébénisterie
Si c’est ce type de famille qui soit à envisager comme modèle, alors oui ! Entre les familles recomposées, les familles mono et homo parentales et les naissances sous X, nous ne sommes pas loin de l’a-normalité de la famille contemporaine. La Sainte Famille est une famille moderne, avant la lettre ! Et même post moderne à succès, si l’on considère la destinée extraordinaire de ses trois membres, ‘sur la Terre comme au Ciel ‘!
Aujourd’hui, la substance traditionnelle de la famille - même si elle reste le modèle majoritaire dans notre société, dans la mesure où tout couple qui se marie, souhaite encore le réaliser -, se réfracte cependant en une nébuleuse que nous avons de plus en plus de peine à appréhender.
Mais, que nous nous rebellions ou non contre cet état de fait, nos familles, à l’image de celle de Nazareth, sont le lieu obligé de notre enracinement fondamental dans la vie. C’est le premier endroit de notre socialisation, c’est-à-dire de notre manière de nous insérer dans un groupe humain. Nous y découvrons des valeurs, des codes de conduite, avec des contradictions sans nombre.
C’est en elles que nous faisons également l’expérience de nos premières frustrations de désirs non assouvis. Mais pardessus tout – et c’est là que le mystère de la destinée et de la sociologie, sous l’œil de la Providence, va jouer - les familles peuvent et devraient être le lieu où se construit chaque être humain par les mots et les gestes de la tendresse et de la douceur : The milk of human kindness ! Oui, la famille peut et devrait être le lieu par excellence d’apprentissage de l’amour.
En ce sens - et au-delà des difficultés que la situation socioreligieuse du couple ‘bancal’ de Nazareth a pu connaître (pour éviter la répudiation et la lapidation de Marie !) -, Jésus, pourrait-on dire, est bien ‘tombé’ ! Décrit par les évangiles, on voit, on entend, on sent que cet enfant, cet ado, ce jeune homme, cet homme … a été aimé ‘à la folie’ – c’est le cas de le dire ! -, par son père et sa mère, par ceux qui l’ont élevé jusqu’à ce qu’il s’envole de ses propres ailes poursuivre sa vocation.
L’amour familial est un amour difficile à cerner, dont les contours sont difficiles à préciser. C’est l’amour marqué par les liens de sang bien sûr –Jésus sort du ventre d’une femme lui aussi-, l’amour d’une histoire commune partagée – on a du lui raconter les péripéties de sa venue, le 1er Noël en somme -, dans la quotidienneté pendant de nombreuses années – l’atelier, les clients, les voyages d’affaires loin peut-être, la synagogue du shabbat, la yeshiva du catéchisme, la bar mitzwa (ça, personne ne l’avait oublié !),les pèlerinages à Jérusalem …
Ses parents ont-ils rêvé de projets pour Jésus ?
Jésus a-t-il toujours su qu’il ne fonderait pas de famille lui-même ?
Comment s’est-il représenté une fécondité ‘autre’ ?
A quel degré avait-il un sentiment d’appartenance à et d’enracinement dans l’histoire d’une famille, sa famille qui,- prétend l’Evangile -, remonterait à David lui-même ?
Cette famille a-t-elle connu des problèmes d’argent (on travaillait !) et en faisait-elle grand cas (le nécessaire ?).
Ce Jésus a été profondément marqué par l’amour de ses parents, façonné, modelé. Chaque famille a son histoire. Chaque famille est une histoire.
Dans le même sens, Paul nous convie à la suite de ce Jésus, à revêtir nos cœurs de tendresse, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience : c’est très difficile, croyez-moi ! De la sorte, nos relations s’en trouveront renforcées, enrichies, dépassées, voire même réconciliées. Ce qui est vrai, croyez-moi aussi !
Et pourtant – bien que cela soit déjà formidable !-, il y a plus depuis ce Jésus ! Par le baptême – on l’a oublié parce qu’on a été ‘mal’ baptisé par des fonctionnaires qui ‘faisaient leur job’ !-, nous sommes entrés dans une autre famille, encore plus importante pour l’éternité: celles des croyantes et croyants de la vie sans fin.
Dans cette famille-ci, celle que nous composons en ce moment précis, nous sommes conviés à considérer l’attitude de Joseph (le père nourricier de notre ami Jésus !) : silence, discrétion, respect, conscient de sa décision et disponible à une volonté qui le dépasse mais ne l’écrase pas. Par Joseph, nous pouvons comprendre que nous ne sommes ni étrangers à notre vocation ni les uns pour les autres, mais que nous des enfants appartenant à une même famille, sa famille, celle de Jésus : la famille de Dieu.
Peut-être entendrons-nous alors, comme lui, dans la nuit de nos désarrois, son ange nous crier très fort dans le silence :
« Lève-toi, prends l’enfant et sa mère, et avance là où je te dirai ! »
Bonne route avec votre ‘sainte famille’, désormais !
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