dimanche 29 avril 2012

Les fruits


Les fruits
5e Dimanche de Pâques - B
06 Mai


C’est donc bien à leurs fruits que les gens sont identifiés, et a fortiori les chrétiens : eux, en plus, en tant que disciples de celui qui aimait à dire : «ce ne sont pas ceux et celles qui disent "Seigneur, Seigneur" qui entreront dans le royaume des cieux, mais ceux et celles qui font la volonté de mon Père» (Mt 7, 21).


Même un figuier stérile en prend pour son grade ! Comme l’employé inutile qui enterre son « talent ». Le rabbin itinérant n’hésite pas à reprocher aux pharisiens orgueilleux  de ne pas faire les œuvres de leur père Abraham (Jn 8, 39, Mt 3, 9), dont ils se cessent de se réclamer à grands cris d’orfraie. Et aux apôtres, il indique : «c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez» (Mt 7, 16).
Croyant ou crédible ? L’abbé Pierre avait choisi ! Il a vécu de façon cohérente ses engagements chrétiens.
Quand la foi joue un rôle actif,  elle ne fait pas dire ou faire des choses extraordinaires : elle fait « dire bien » ou « faire bien » les choses ordinaires.  Lesquelles ? Paul les énumère : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la douceur, la fidélité, la tendresse, la capacité de contrôler nos colères... Cette liste nous invite à checker les fruits que nous portons : une check-list ! Une feuille de route !
En ces temps de misère, les opportunités ne manquent pas : pourtant nous passons sans les voir !

De (trop) nombreux chrétiens « n’ont pas le temps » de respecter les engagements de leur baptême : ils ont une relation minimale avec le Christ de leur foi et, sans ce contact essentiel, cette foi risque de s’éteindre … faute d’huile, ou de sécher … faute de sève !




C’est délibérément et intentionnellement que Jean a remplacé l’institution de l’Eucharistie par le lavement des pieds : «Vous m’appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi, le Seigneur et le Maître, vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi.» (Jn 13, 13-15).
La communauté de Jean devait célébrer l’eucharistie tous les dimanches, elle aussi, mais l’évangéliste avait voulu mettre l’accent sur les œuvres – « les fruits » - que la rencontre avec le Christ et avec la communauté chrétienne devait générer.

Dieu a décidé d’avoir besoin de l’homme pour créer un monde meilleur, un monde de respect, de fraternité et d’amour. Besoin de nos mains, de nos pieds, de notre coeur dans un univers de plus en plus sans merci pour les plus faibles.




Si nous sommes unis au Christ, comme les sarments à la vigne, nous recevrons sa force et sa vie pour nous aimer les uns les autres et porter beaucoup de fruit. 

lundi 23 avril 2012

Dernier modèle

Dernier modèle

4e Dimanche de Pâques – B
29 Avril


Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent

Le «berger qui conduit son troupeau» est un thème bien connu et présent dans tout l’ancien orient, pour désigner les rois et les chefs de clans. Dans la Bible, cette image s’applique à Dieu, le pasteur de son peuple: «Voici votre Dieu qui vient: comme un berger, il fait paître son troupeau; il rassemble les brebis égarées, il porte les agnelets, il procure de la fraîcheur aux brebis qui le suivent» (Isaïe). «Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien» (Psaume 22).


La comparaison était claire facile pour un peuple de bergers nomades en marche vers la Terre Promise. Qu’étaient ses plus grands chefs sinon des bergers chefs : en tête Abraham, le patriarche nomade, en passant par Moïse et la révélation du buisson ardent, jusqu’à David qui garde les moutons de son père, à Bethléem.

Rien à voir avec le romantisme des bergeries de Marie Antoinette à Versailles ! Dans l’Orient ancien, le berger était un homme fort, courageux, qui savait défendre son troupeau des animaux sauvages et des voleurs. Dans 1 Samuel 17, 34-36, David dit au roi Saül qui voulait l’empêcher de combattre le géant Goliath : «Quand je faisais paître les brebis de mon père et que venait un lion ou un ours qui enlevait une brebis du troupeau, je le poursuivais, je le frappais et j’arrachais celle-ci de sa gueule. Et s’il se dressait contre moi, je le saisissais et je le frappais à mort.»

Le christianisme primitif a hérité de cette représentation : le « Christ comme Bon Pasteur » se retrouve partout : dans les catacombes, les maisons des chrétiens, leurs salles de réunions. C’est même l’une des premières « images » de Jésus ressuscité : c’est pourquoi nous parlons de «pratique pastorale», d’après conception de Jésus comme « pasteur » de son peuple, venu pour que ceux et celles qui lui sont confiés aient « la vie, et qu’ils l’aient en abondance». (Jean 10, 10)

Jean insiste même sur l’importance de l’individualité de chacun pour Dieu. « Je suis le bon pasteur. Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent ». Ici, pas d’étiquette ni d’abstraction ! Appeler par le nom est une marque de familiarité, et plus loin, de respect et d’amour. Ce que se garde bien de faire la règle générale de la politique des préjugés et de la haine qui ne connaît plus le nom de personne, qui « efface » le visage, qui nie l’identité.
Un numéro tatoué sur le bras des prisonniers des KZ (des Konzentrationslager, des Camps de concentration. Mais aussi à Guantanamo, à Abugraïd) : les numéros et les catégories rendent la haine, la torture et le meurtre plus faciles. Toute catégorisation est dangereuse.


Le chrétien avec son « pasteur » refuse cette négation de la personne.
-          « CE pasteur-là » connaît ses brebis et il les appelle par leur nom. Chacun est unique pour lui. Un type de chef qui peut devenir alors un modèle pour ses jeunes disciples (moins de 25 ans, sauf Pierre : Jésus n’a pas 30 ans !) qui veulent apprendre, à ses côtés, à éviter les préjugés, le racisme et les injustices de toutes sortes.
-          Oui, « CE pasteur-là » est le seul Dieu des Juifs, des Samaritains, des Musulmans, des Hindous, des Chrétiens… puisqu’il est le Dieu qui nous connaît par notre nom, qui se préoccupe, qui prend le temps de connaître, qui répond aux besoins d’une personne à la fois : Marie Madeleine, Zachée, la cananéenne, le bon larron, le paralytique, la samaritaine, le lépreux, Nicodème, l’aveugle de Jéricho, etc.… C’est quelqu’un qui veut que nous ayons la vie en abondance.

Si chaque femme et chaque homme se mettaient à marcher sur ces/ses traces sans a priori idéologique, et devenaient de bons pasteurs pour les gens autour de nous, nous en aurions fini avec les crispations identitaires, communautaristes et fanatiques… Et on pourra dire de nous ce qu’on a dit du Christ :

«Il a passé sa vie à faire du bien et a aidé les autres à avoir la vie en abondance».



mardi 17 avril 2012

La parole et le pain


La parole et le pain

3e Dimanche de Pâques - B
22 Avril


Luc aime raconter, et il raconte très bien, tout médecin qu’il soit ! Ou plutôt « parce que » c’est un médecin attentif aux « histoires » de ses patients !
Il nous donne en tout cas trois récits d’apparition après la résurrection. Dans deux de ces récits - Emmaüs et aujourd’hui - Jésus termine la rencontre par une explication de textes (des Écritures) : «Alors il leur ouvrit l’esprit à l’intelligence des Écritures.»


Le fait qu’on soit présent à un événement ne veut pas dire que nous comprenons / avons compris « ce qui arrive ». On peut vivre une expérience sans en saisir (immédiatement) le sens ! (D’où ma psychanalyse du bon Docteur Freud!)
A l’évidence, les premiers compagnons en administrent la preuve avec la mort et la résurrection de leur chef… Ils ont bien vécu l’expérience, mais « tout cela » n’avait pas de sens pour eux, jusqu’à ce qu’il vienne « sur la route », et en maître (didaskalos), leur ouvrir l’esprit à l’intelligence des choses qui le concernent en rapport avec les Écritures.

D’après l’ « enquête » de Luc, les voyageurs d’Emmaüs
-          étaient bien présents à Jérusalem lors du procès, de la condamnation et de l’exécution de Jésus.
-          Le matin de Pâques, ils ont bien rencontré les femmes qui ont trouvé le tombeau vide.
-       Ils savaient bien que Pierre et Jean étaient allés au tombeau et n’y avaient pas trouvé le corps de Jésus.
-          C’est alors que, découragés, ils décident de retourner chez eux.
-          Sur la route, quelqu’un se joint à eux et ils ne savent pas qui il est.
-          Ils lui parlent de leurs espoirs déçus.
-          Ce n’est que lorsque Jésus – puisque c’est lui -,
* explique les textes qui parlent de lui (liturgie de la parole)
* et partage le pain et le vin avec eux (liturgie eucharistique)
-          qu’ils le reconnaissent et qu’ils comprennent le sens des événements récents : «Il fallait que s’accomplisse tout ce qui a été dit de moi dans la Loi de Moise, les Prophètes et les Psaumes».

Une anamnèse ! CQFD !

La leçon ? Nous sommes explicitement et directement invités par « ce mystérieux voyageur » - et qui restera « mystérieux » tant qu’on ne le re-connaîtra pas !-, à lire et à relire les Écritures, et ce, non seulement pour le mieux connaître, lui, mais, de plus, pour mieux nous comprendre nous-mêmes, et le sens de notre vie. La profondeur, voilà ce qui nous manque ! La profondeur ! Car cette Parole s’adresse à l’intelligence du cœur : on ne voit bien qu’avec lui, disait le Petit Prince, comme en écho au Grand Prince qu’est Jésus, 2000 après !


Là où nous « n’y voyons goutte », ou tout au mieux qu’une goutte d’eau, le chercheur y découvre tout un monde de molécules, de bactéries, de vie microscopique… Là où nous ne voyons souvent qu’une réalité journalière « incolore, inodore et insipide », le poète et l’artiste y voient un monde plein de beauté et de poésie.

Le chrétien ne peut faire l’économie de sa mémoire : c’est sa nourriture nécessaire. Elle doit devenir sa « langue maternelle » : parler comme on se souvient ! Alors - mais alors seulement -, elle devient créatrice en lui, de la fécondité même de dieu. Isaïe disait : «Comme la pluie et la neige descendent des cieux et n’y remontent pas sans avoir arrosé la terre, l’avoir fécondée et fait germer, pour qu’elle donne la semence au semeur et le pain comestible, de même la parole qui sort de ma bouche ne me revient pas sans résultat, sans avoir fait ce que je voulais et réussi sa mission».

Comme à Emmaüs, c’est cette parole-là et le partage du pain et du vin qui ont rendu et rendent la présence du Christ agissante parmi nous. 


dimanche 8 avril 2012

Convaincre par la miséricorde





2e Dimanche de Pâques - B
15 Avril


Shalom alekhem  שלום עליכם
Pax vobis !
La paix soit avec vous!

Depuis qu’il est ressuscité  Jésus « se manifeste » le dimanche (« dies dominica » = le Jour du Seigneur), devenu  le premier jour de la semaine. Les chrétiens ne se réunissaient pas tous les jours. Ils avaient, eux aussi, « autre chose à faire », leur vie quotidienne. Ils ne pouvaient pas être constamment ensemble : ils ont décidé de le faire dans le cadre d’une «rencontre hebdomadaire».
Personnelle, ou individuelle, la présence du Christ ressuscité est ressentie, expérimentée et célébrée AUSSI dans le cadre communautaire, l’Église.


Ils se rencontraient, mais ils avaient peur. Au moment où Jean écrit, c’est toujours la persécution. Les premiers disciples ont pris l’habitude de se réunir tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre : « messe domestique ». Ils s’accueillent, mais il y a des défections : et on comprend ! Ils verrouillent leurs portes. Mais chaque « dimanche », se renouvelle le «signe» (sacrement) du Cénacle : avec le pain et le vin, mystérieusement, Jésus, le Christ, se glisse parmi les siens, là où ils se rassemblent : à Éphèse, Antioche, Corinthe, Jérusalem, Rome. Et ainsi chaque dimanche « devi(e)nt » Pâques!

L’Église en tant que telle, c’est D’ABORD et AVANT TOUT cela : la réunion de femmes et d’hommes au milieu desquels le Christ ressuscité se rend présent.

Vous vous rappelez qu’on rapporte que la première parole du Christ après sa résurrection est une parole de paix, une parole qui, comme un refrain permanent que l’on siffle dès le matin et qui, têtu, ne vous lâche pas de toute la journée…Don de la paix qui chasse la crainte et le doute. Pas la paix du monde, mais la paix confiée aux « premiers chrétiens», comme un héritage précieux, le soir du jeudi saint : «C’est la paix que je vous laisse, c’est MA paix que je vous donne»...

Qui dit présence du Seigneur, dit joie ! La joie de la résurrection est celle qui vient après la peur de la mort  vaincue et après le doute surmonté. La joie pascale, la joie chrétienne, n’est ni facile ni spontanée : ce n’est pas celle que nous éprouvons « inconsciemment » quand tout va bien (santé, jeunesse, vitalité, essor économique, amitié, famille…). La joie de la résurrection, elle, c’est celle qui vient «après»... après la peur, après la crise! C’est la joie et la paix qui remontent du « très profond », d’une situation désespérée (la mort d’un crucifié!) et que rien désormais ne pourra faire disparaître. Bref, c’est la joie et la paix que procure la foi en Jésus-Christ.

« Qui a peur de Virginia Woolf ? » ? Qui n’a pas (eu ?) peur ?  Qui n’a pas sa peur secrète ?

Nous avons tous nos peurs : peur de Dieu, peur des autres, peur de souffrir, de manquer d’argent, de ne pas être à la hauteur, de vieillir, de mourir… Comment être heureux, comment connaître la joie ?
« N’ayez pas peur, ayez confiance en moi. J’ai vaincu la pire des peurs : celle de la mort !»
Le rassemblement eucharistique établit une paix, au-delà de tout différence, de toute supériorité et de toute infériorité. «Parmi vous, il n’y a ni Grecs ni Juifs, ni hommes ni femmes, ni esclaves ni hommes libres» dira Paul, en ces époques de castes et de classes.

Lors du premier matin de Pâques, Jésus donne en fait aux disciples une vie « re nouvelée », « ré insufflée » :
  • «Il répandit sur eux son Souffle et il leur dit: Recevez l’Esprit Saint !».  Comme lors DU MYTHE FONDATEUR de la création d’Adam et Ève, quand, après avoir plané sur les eaux primordiales, l’Esprit de Dieu leur insuffla la vie : il se passe pour les disciples et pour nous à leur suite, d’une «création nouvelle»... Nous sommes recréés, renouvelés…
  • Puis Jésus continue : «Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis !» : paroles adressées « ce matin-là » à l’ensemble à venir des disciples du Christ, appel à nous libérer mutuellement en nous pardonnant les uns les autres.
  • Et enfin, la mission : «De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie»...

Chacun est désormais institué porteur de la «miséricorde de Dieu», tout (ou presque !) comme Jésus l’était! Vous vous rendez compte de l’énormité de ce pouvoir : «Tous ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis.» ?

Car, comme l’homme de la Synagogue de Nazareth, chaque chrétien est « autorisé » à dire : «L’Esprit de Dieu repose sur moi, l’Esprit de Dieu m’a consacré, il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer une année de bienfaits de la part de Dieu, libérer les captifs...» (Luc 4, 18.19).
Mettons-nous dans la tête que nous sommes porteurs d’un Esprit spécifique : un Esprit libérateur, un Esprit vivifiant, un Esprit qui pardonne au nom de Jésus.

Si, à l’heure actuelle, un très grand nombre de baptisés ne fréquentent plus les églises - sinon comme des « automates » pour le mariage, le baptême de leurs enfants et les funérailles -, c’est que toutes les générations de chrétiens n’ont pas été à la hauteur de l’héritage transmis !

Notre vie « de ressuscité » ne semble pas « nouvelle », mais « congelée », conventionnelle, aride, inhospitalière, sectaire, muséographique : « passée » ! No future !

Comment faire pour que les rassemblements dominicaux entretiennent et vivifient A NOUVEAU ET DE NOUVEAU  notre foi de croyants!  C’est vrai qu’on ne peut vivre sa foi seul : la foi a besoin de se nourrir de la parole de Dieu, de s’alimenter à la foi des autres. Et elle a besoin d’être partagée.
Mais quand « cette foi proposée aujourd’hui » est frappée de péremption, elle doit être recyclée !

-          « La paix soit avec vous! » OK
-          « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ! » Encore OK !

Mais, pour l’amour de Dieu, soyons convaincants !