lundi 27 août 2012

Ce qui rend impur vient de l'intérieur


2 SEPT   22EME DIm

“Ce qui rend impur vient de l'intérieur”


Le rabbin Jésus de Nazareth est définitivement un Galiléen, et non pas un samaritain ou un judéen. Sa province avait pour surnom : Carrefour des Nations ! C’était le « hub » du nord : tout le monde passait par là, 
n lieu de passage obligé, entre le nord et le sud, l’est et l’ouest, pour les caravaniers et les soldats. Les Galiléens avaient – dit-on -, l’esprit plus ouvert que les autres : moins chauvins, plus « internationaux » !



Nous voici de retour chez Marc, pour un bon moment, jusqu’à l’Avent, en fait !

En réponse à une objection des scribes venus de Jérusalem – des judéens, donc -, Jésus explique sa vision de la « théologie » morale. Les Galiléens – ayant de fréquents contacts avec les marchands, les militaires et les étrangers de passage par chez eux, avaient donc l'esprit moins fermé que les pharisiens et les gens de Jérusalem en général, élevés au cœur dur du judaïsme. Plusieurs parmi ces gens du nord parlaient même le grec, ce qui les rapprochera des chrétiens de Rome (la communauté de Marc et de Pierre), issus pour la plupart du monde païen. Il n'est donc pas étonnant de voir Jésus et ses disciples adopter une vision beaucoup plus universelle que les "scribes venus de Jérusalem", et qui [en grec] « ne mangeaient rien d’acheté au marché à moins qu'il ne soit lavé », rendu cascher par des rites de purification.

Jésus, qui, depuis le chapitre 7 de Marc, ira maintenant vers les païens (7, 24 - 8, 21), s'oppose à ce que ses disciples soient soumis à ces rites. Pour lui, l'impureté ne vient pas des aliments: "Mais ce qui sort de l'homme, voilà ce qui rend l'homme impur." Et au passage, il attire d'abord l'attention sur quelque tradition pharisaïque franchement odieuse [versets, omis par le lectionnaire, qui montrent comment une coutume humaine, le corbane (ce qui veut dire offrande sacrée), annule le commandement de Dieu].

 


Et puis curieux ! Nous lisons à la suite le seul catalogue de péchés mis dans la bouche du Christ ! En grec !
(Les six premiers sont au pluriel et les six autres, au singulier : pour en faciliter la mémorisation ?)
Jésus y indique ainsi douze fautes classées en quatre groupes de trois, qui s'appliquent toutes à l'amour du prochain:
1.      inconduites, vols, meurtres;
2.      adultères, cupidités, méchancetés;
3.      fraude, débauche, envie;
4.      diffamation, orgueil et démesure.

Ah ! L’amour du prochain, la charité ! Aucune coutume nationale, aucun code civil, aucun droit canonique ni aucune tradition héritée des ancêtres ne peut surpasser cette Loi du Christ que tout être conscient reconnaîtra au fond de son cœur.

Jésus propose une pureté morale qui dépasse de beaucoup et va bien plus loin que les rituels des fruits et des légumes !

PS : mais le « godblogger » curieux sera peut-être intéressé par ce que la règle monastique occidentale a pu faire de cette « intériorité » de l’impureté morale.
Dans son article « Crimes et châtiments » monastiques : aspects du système pénal cénobitique occidental (Ve et VIe siècles) [http://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2003-2-page-261.htm], Nira Pancer écrit :
«  Tout ou pratiquement tout est punissable. Ces fautes représentent des agressions envers la règle et le domaine du sacré qu’elle vient protéger. Chaque manquement est occasion à punir ; chaque acte est inséré dans un système « punissable-punissant. Mais les règles ne se contentent pas de punir des agissements tangibles, elle élargit son champ d’action au domaine de la pensée.
Malgré les nuances parfois sensibles qui se dégagent d’une regula à l’autre, on remarque pourtant certaines invariantes doctrinales. Fondamentalement, mais avec plus ou moins de rigueur ou de sévérité, les règles monastiques partent du principe de la fragilité des hommes et de leur nature viscéralement pécheresse. Pendant immédiat de ce principe, la nature humaine est par conséquent intrinsèquement coupable. Imprégnés de cet a priori, les législateurs cénobitiques vont développer à outrance le champ de la culpabilité. À partir d’un modèle clair fondé sur quelques principes directeurs, nous retrouvons à travers le corpus non seulement une coercition de la conduite mais aussi des contraintes d’ordre comportemental ou psychologique :
-          les attitudes incorrectes : l’adoption d’une attitude négative envers les autorités du monastère est répréhensible. Murmures, manifestations de mécontentement, réponses à l’abbé ou à ses agents sont considérés comme des fautes ;
-          la complicité : le moine est susceptible d’être sanctionné s’il ne dénonce pas un délit dont il a été le témoin. Même s’il n’a pas participé activement ou directement à l’infraction, son silence l’associe à ce délit. Il est considéré comme pleinement coupable.
-          les mauvaises pensées : le frère est en infraction s’il a eu des intentions contraires à l’esprit des règles.
-          Dans le domaine de la pensée, le moine sera également en faute s’il est sujet à des pollutions nocturnes répétées.
-          les mauvais penchants de la personnalité : certaines caractéristiques de la personnalité comme la propension à la colère, à l’orgueil, à la propriété ou la paresse entrent également dans le champ de l’illicite.
Cette liste atteste que les règles monastiques ne sanctionnent plus uniquement les infractions reconnues par les autorités ecclésiastiques « les fautes sérieuses comme le mensonge, le serment, la colère, les injures », mais procède à l’intérieur même de l’espace comportemental à un découpage de plus en plus serré du licite et de l’illicite, jusqu’à établir comme délictueuses les anomalies les plus infimes. Le code pénal cénobitique n’intervient plus seulement pour pénaliser la transgression de l’interdit, pour punir le péché mais afin de maintenir des normes de conduite et des attitudes imposées.
À l’instar des disciplines plus tardives […], la règle monastique établit une «infrapénalité» des comportements et des pensées, palliant ainsi les carences du système pénitentiel ecclésiastique. Elle met en place non seulement une micropénalité des menues infractions au temps et à la hiérarchie communautaire mais, plus insidieuse, elle réprouve et pénalise le domaine de l’invisible, celui de l’intention. En même temps qu’elles définissent le domaine de la norme, les règles élaborent une économie du châtiment, sanctionnant ainsi graduellement le degré et la nature de la faute, de l’écart, de l’irrégularité ou de l’omission.

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