lundi 1 août 2011

C’étaient de très grands vents...


C’étaient de très grands vents
07 Aout
19ème DTO




Textes
-          1 R 19, 9a.11-13a
-          Ps 84, 9ab-10.11-12.13-14
-          Rm 9, 1-5
-          Mt 14, 22-33

Pierre est l’exemple paradigmatique de notre velléité : généreux et vain, croyant et hésitant, confiant et sceptique, audacieux et pourri de doute. Car si nous « coulons », la plupart du temps c’est pour avoir cru… sans y croire vraiment ! La tentation du gagne-petit, sinon du prétentieux ! En fait, un reste irréductible de magie, qui nous fait attendre le coup de la baguette de la fée Clochette, alors que nous mériterions le bâton de Guignol !




C’est vrai. Il y a des jours où la vie est terriblement pesante : horizon bouché, manque de goût pour tout, lente dérive vers l’inanimé… qui n’a plus d’« âme qui ‘s’accroche’ à notre âme et la force d’aimer… ». Et puis sur le chemin, soudain, impromptu, une rencontre, quelqu’un, un autre… Une issue… Parce qu’une présence à notre insu nous redonne le simple courage de vivre, de repartir, de se relever, d’abandonner cette torpeur de l’âme plus nocive que la maladie du corps.

*      *
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Elie est tellement affecté par le « n’importe quoi » dans lequel le peuple et le pays sont tombés, que son  désespoir de pouvoir y remédier, le pousse à se souhaiter la mort. C’est dans ce « mood » qu’il entreprend un pèlerinage au Sinaï, la montagne où Dieu s'est manifesté à Moïse : il veut se retrouver face à Dieu, comme jadis Moïse, justement 

C’est uniquement après avoir fait le plein de l’Autre, Dieu, 
qu’il reprend du poil de la bête et continue sa mission : 
s’opposer à l’autre, le Roi !

On a beau se souvenir de ce que Dieu à pu faire dans notre histoire avec lui : l’oubli de notre passé commun peut à la fois ou nous perdre ou nous sauver ! On préfère rêver à un ‘Âge d’or’ magique, plutôt que de s’atteler à un quotidien ‘trivial’ et en faire nous-même l’or de notre âge !

Tout Juif d'origine qu’il soit,  Paul, le grand Paul n’arrive pas à convaincre ses coreligionnaires de sa découverte de l’Autre de sa vie, le Christ : ce sont les ‘autres’, les païens qui adhèreront à sa prédication… Pourquoi ? Il pourra toujours espérer qu’un jour… Eh bien non ! Chacun son chemin, chacun sa voie, chacun son destin…
*       *

*

Quand Jésus disparaît pour aller prier, je me suis toujours demandé ce qu’il ‘fait’, ce qu’il ‘dit’, ce qu’il ‘se représente’ dans sa ‘prière’… Les disciples ne s’interrogent plus, eux : quand il est ‘comme ça’, ils préfèrent le laisser tranquille et s’éloigner. C’est ce qu’ils font encore aujourd’hui : ils prennent la barque pour traverser le Lac... Il saura bien revenir tout seul…




Jésus en ce sens est un parfait ‘zéniste’ ! A mon avis, bien sûr ! Je suis persuadé qu’il ne fait rien, qu’il ne dit rien, qu’il ne se représente rien !

Il pratique – à des kilomètres et des années de distance -,  le Mushin (無心). C’est est un état mental dont l’expression signifie ‘l'esprit sans esprit’ - c'est-à-dire, un esprit non ‘occupé par la pensée ou l'émotion’ et ainsi ouvert à tout. C’est là qu’entrent le samouraï et l’artiste : ils exemptent leur esprit de toute pensée : colère, crainte, ego… pendant le combat ou la vie quotidienne. La personne est alors totalement libre pour agir et réagir sans hésitation et sans perturbation : et l'esprit fonctionne à grande vitesse, mais sans intention, plan ni direction pré arrêtés.

Une comparaison qui n’aurait pas déplu l’enfant de Nazareth amateur de paraboles : un esprit ‘clair’ peut être comparé à un étang immobile, qui peut refléter clairement la lune et les arbres ; mais juste comme des vagues dans l'étang tordront l'image de la réalité, ainsi les pensées que nous entretenons perturberont la vraie perception de cette réalité.

Car le silence, le vrai silence - autant intérieur qu'extérieur - est une plénitude où l’ ‘essentiel’ se fait proche et trouve de la place pour lui ! La chiaroscuro du Caravage fait ressortir la lumière et les couleurs par des zones d'ombre. Le contraste de la concentration et du vide est le lieu performatif part excellence de la cohésion, de l’adhésion, de la conformité, de la fusion entre le ‘même que nous sommes’ et ‘l’autre que nous devenons’ dans la mouvement de l’e/Esprit commun à Dieu et aux hommes.

Si le Galiléen ‘se retire comme ça’, c’est qu’il aime bien se laisser bercer par
 ce ruach ( רוּח),
ce ptah
ce pneuma (πνεύμα),
ce spiritus cet E/esprit

qui souffle où bon lui semble (ici et là, proche et lointain, côté cour et côté jardin, en ville et à la campagne, chez les bons et chez les méchants, chez les Juifs et les Romains…)… d’autant plus qu’il /sent/sait parfaitement, lui, Jésus, et d’où il vient et où il va…

Alors il savoure délicieusement la suavité et la douceur de l'amour de son dieu et père. L’oasis de silence devient une cathédrale où seule la vie - ce qui en vient et ce qui y mène – a sens, est sens, devient sens !

Jésus en sort si léger de toutes les lourdeurs de son incarnation assumée, qu’il rattrape rapidement ses amis sans l’aide d’une barque, d’un hydroglisseur ou d’un ski nautique ! A pied, en bon marcheur qu’il est ! Et il crée alors la perturbation :
-         Un fantôme ?
-         Non, c’est lui !
-         Ch’peux venir ? 
-         Viens !
-         A l’aide, je coule !
-         Tant que tu ne me feras pas confiance…

Interdit : Zone de prière
Seulement personnes autorisées


Il n’y a pas « de but en blanc » : Dieu n’a ni Ipad, Iphone ni BlackBerry ! Les SMS, « y connaît pas » !
La brise, la paix, le vide : il connaît ! Cela s’apprend !
La mer... Les flots ! « Y’a pas de problème » ! Si avant d’être capitaine on a fait ses classes de matelot !

La Foi ? « Mais y’a pas plus facile » ! Un regard sur l'univers peut convaincre que Dieu existe. Les démons aussi ont la Foi : tout le monde peut en parler !
Mais vivre à partir de la foi ! Autre paire de manches !
Sans cet E/esprit qu’on sent dans la « prière à la Jésus », impossible !
Il faut risquer le tout pour le tout.

« Sans doute » Pierre marche effectivement sur les flots : 
mais le doute s'empare de lui... il est perdu... alors, il commence à enfoncer.

L'essentiel de cette foi, c'est faire confiance absolue en quelqu’un de vivant au cœur de son existence, mêlé à, et englobant tout ce qui me concerne. C’est le contraire de la peur !

La grâce, c’(e n’) est peut-être (que) ça !




C’étaient de très grands vents sur toutes faces de ce monde,
De très grands vents en liesse par le monde,
qui n’avaient d’aire ni de gîte,[]
Qui n’avaient garde ni mesure…
Ah ! Oui, de très grands vents sur toutes faces de vivants !

Saint-John Perse, Vents


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