Demain est aussi un jour !
27 février 2011
8 ème DTO Année A
Lectures
- Isaïe 49, 14-15
- Psaume 61
- 1 Corinthiens 4,
- 1-5 Matthieu 6, 24-34
Chacun se souvient de la chanson populaire Que Sera Sera (Whatever Will Be, Will Be), écrite par Jay Livingston et Ray Evans, utilisée dans l'intrigue du film L'Homme qui en savait trop, d’Alfred Hitchcock, en 1956, et interprétée par Doris Day, qui joue aux côtés de James Stewart !
Oui « De quoi demain sera-t-il fait ? » La question a certes toujours taraudé l'esprit inquiet de l'être humain qui d'instinct sait que rien n'est acquis, jamais ; mais plus encore de nos jours où l’incertitude et la précarité, dans les domaines public et privé, profane et religieux, deviennent de plus en plus le lot de chacune et de chacun. Bien sûr, les temps ont bien changé depuis l'époque où Jésus, dans un monde encore proche de la nature, parlait de la Providence divine. Depuis lors, l'humanité a fait un long et difficile chemin, et nous nous trouvons à présent en une époque où se manifestent tant de changements, rapides et profonds, que cette même question, nous la portons pour notre part – c’est notre responsabilité -, et à notre manière – personne n’a la réponse toute faite : elle est à inventer ! C’est l’intensité des questions qui nous stresse et nous presse, et leur nombre, car elles nous tombent dessus à plusieurs à la fois et nous les vivons toutes en temps réel !
L’angoisse habite nos sociétés : c’est une réalité humaine tragique ! Les évolutions technologiques modifient à une allure exponentielle les rapports entre les personnes, elles affectent jusqu’à la sphère de la vie privée - au point qu'on en arrive à se demander si cette dernière n'est pas tout bonnement en train de disparaître ! Et pourtant heureusement que le Canard Enchaîné veille : car « les grands de ce monde » doibent savoir que leur position est un service altruiste, et non pas une sinécure égoïste : ces jours nos ministres passent de mauvais quarts d’heure et minent encore plus la crédibilité vacillante de leur gouvernance! Les mutations climatiques sont régulièrement, et sur toute l’étendue de la planète, mises en cause comme jamais dans des catastrophes à répétition ! Quant aux imprudences humaines - directement imputables pour la plupart à l’avidité de la richesse -, elle causent de considérables dégâts écologiques – encore à venir ! -, et font craindre le pire... L’être humain en vient à n'être plus sûr de rien.
Et surtout pas de demain... Car, de plus, tout augmente, sauf les moyens de vivre, tandis que le citoyen lambda apprend par les media (sinon, comment le saurait-il ?) que les bénéfices des banques n’ont jamais été aussi importants depuis la crise !
Oui, de quoi demain sera-t-il fait ? Connaîtrons-nous un demain, seulement ?
Quand la confiance menace ruine, l'inquiétude mène la danse, et le peuple se soulève… Ces derniers mois, de part et d’autre de l’an neuf, le peuple arabe du Maghreb proche et de l’Afrique égyptienne ne cessent de nous administrer la preuve que trop c’est trop, et que lorsque s’ajoute à la misère, la corruption à la tête de l’état, la révolte et la révolution suivent légitimement le soulèvement dont on n’a pas voulu tenir compte.
Car enfin, on ne peut vivre constamment dans l'angoisse que demain soit « apocalyptique »...
Alors que faire ?
L'Évangile de ce jour se tient au plus près des réalités et des besoins les plus fondamentaux de la vie : la nourriture et le vêtement, la sustentation et la protection.
Nombreux - et toujours trop nombreux - sont ceux et celles qui n'ont même pas ce minimum vital. Nombreux - peut-être encore davantage - ceux et celles qui manquent de tout !
Chez nous ! En France ! Près de chez vous !
C'est à l'école de la rue et des choses simples que s'apprend l'essentiel évangélique. Jésus vivait dehors, dans la rue, il n’avait pas de foyer, sinon celui de ses amis ! Il s’adonnait à l’unique nécessaire et gardait présent à l'esprit la valeur des choses - et d'abord celle des choses les plus simples - : le sens de la hiérarchie des êtres et des priorités de la vie.
Cette disposition d’E/esprit – qui est une véritable sagesse -, s'établit sur la liberté du cœur et, partant, sur le refus décidé de toute âpreté au gain, de toute avarice, de tout égoïsme mesquin.
Au bout du compte, cela revient à renoncer à toute sécurité illusoire. Et à affronter la réalité des choses en l’état…
On peut toujours s'évader dans le rêve, quitter la réalité telle qu'elle est, la vie dure, telle que nous la connaissons au jour le jour : toute de précarité.
Civil courage ! dit-elle.
Aujourd’hui, chacun est invité à méditer sur la fragilité des choses - qui est aussi la nôtre - pour y faire face et pour habiter au mieux cette réalité.
C’est Cette insoutenable légèreté de l’être, de Milan Kundera 1982. Légèreté et profondeur du vacillement de l’être dans l’exigence de satisfaction immédiate, sans jamais y atteindre pour cause d’inconsistance d’un désir : débordant, oui, mais de vanité et de vent. Et en même temps, pesanteur des principes, lambeaux vides de sens désormais, selon une morale formelle, sans âme, rigide et prédéterminée. Mais notre légèreté est parfois tellement présente qu'elle en devient insoutenable : en effet nous vivons, nous autres Occidentaux, dans un monde où cette légèreté se change en ridicule ! Ayant tous les atouts pour que notre vie s’illumine, nous choisissons d’aller dans le mur !
S'attacher aux choses pour mieux s'en protéger n'est pas la solution : Jésus le dénonce ! Ne voit-on pas que trop amasser se fait pratiquement toujours au détriment des autres, de la création et de nous-même au bout du compte ? La course aux assurances est aussi dérisoire !
Il n’y a pas d’échappatoire : « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent. » Et là, il n'y a rien à discuter, rien à négocier. C'est une vérité nue et crue, à prendre telle qu'elle est livrée. Cest surtout une vénté qui libère…
La prière du Missel explicite dans un langage liturgique - qui ne passe plus, mais enfin ! - : « En faisant un bon usage des biens qui passent, s'attacher à ceux qui demeurent ». En d'autres termes, contemporains, ceux-là, il s'agit de laisser les choses être ce qu'elles sont, ni plus ni moins.
Et l'argent n'est ni un dieu, ni une fin en soi.
L’argent est un moyen, un grand moyen mais un simple moyen.
Absolument nécessaire, certes, répétons-le : mais encore une fois, un moyen seulement.
Au bout du compte, comprenons qu’à la Providence de Dieu doit répondre notre prudence : cette Providence s'exerce par l'intermédiaire de notre prudence, c'est-à-dire notre capacité à répondre aux besoins que nous rencontrons, notre aptitude à discerner ce qui est juste, le geste opportun de partage, de générosité ou de pardon, la parole et l’action qui convient à tel ou tel moment.
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