19 septembre 2010,
25ème dimanche du temps de l'Église C
Jésus, les traders et les pauvres
Références
- Am 8, 4-7
- Ps 112
- Tim 2, 1-8
- Lc 16, 1-13
Amos (en hébreu : " celui qui est chargé d'un fardeau ") était un « travailleur manuel», un bûcheron de sycomore. Il n'appartenait ni à la caste sacerdotale ni à la bonne société. Au 8ème siècle avant notre ère, sous le long et brillant règne de Jéroboam II - roi d'Israël de -788 à -747, soit 59 ans (aussi long que celui de Louis XIV, qui régna 72 ans dont 54 ans de pouvoir personnel ) -, notre OS de la taille s'attaqua avec une violence extraordinaire au double establishment de la société de la religion, corrompues l’une et l’autre par le luxe et la luxure, alors que les pauvres et les « ouvriers » mouraient littéralement de faim. Amos « rugit » toujours dans nos villes etdans nos campagnes ! Jéroboam avait fait de son territoire un État moderne : le commerce y prenait son essor, et le bling bling s’étalait dans la capitale et chez les gens en place.
Ce n’est pas la modernité en soi que dénonçait jadis et que dénoncerait aujourd’hui Amos, mais l’injustice au prix de laquelle on la paie. Les pauvres dont il parle ne sont pas encore les sous-prolétaires du pays, le « Lumpen proletariat » de Marx : ceux-là, il n’ose même pas les évoquer. Il s’agit des petits agriculteurs, pressurés par l’avidité des nouveaux grands consortiums et les propriétaires terriens pour qui un $ est un $ ! Comme c’est toujours le cas ancore au Brésil, dans les latifundios sous la surveillance des pistoleros. Et si ces petits paysans s’avèrent insolvables, tant mieux ! Ces nouveaux riches feront d’eux des esclaves pour le prix d’une paire de « Nike ». Et si c’est plus rentable, eh bien on délocalisera ! Conclusion d’Amos, pour hier comme pour aujourd’hui : Non, le Seigneur, « Fierté d'Israël » que les exploiteurs déshonorent, ne peut accepter une société fondée sur l'injustice.
C’est pour cela, que Dieu l’envoie toujours « rugir » en son nom (Amos 1, 2 ; 3, 3-6) !
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De son côté, que précise Paul à Timothée, son 1er « évêque » -avant le nom -, au cœur de l’empire romain à la fin du 1er siècle de notre ère ?
L’Église naissante doit certes user de prières de toutes sortes (demande, intercession, action de grâce) pour tous les hommes, et mentionner plus précisément « les rois » et autres gouvernants, afin qu’ils garantissent ce que la société d’alors attendait d’eux : la sécurité, la respect des lois et celui de la personne de chacun.
Mais la vraie prière, elle se fonde sur la chaîne de l’histoire de la foi, dans une vérité toute neuve :
1) Dieu est unique, donc seul Sauveur de tous les hommes.
2) Son médiateur, le Christ, s’est lui-même livré par ordre « pour tous les hommes »,
3) et ce message de salut universel a été confié à l’Apôtre (et à Timothée) pour que tous les peuples en prennent connaissance.
c) Et l’auteur de poursuivre : « Je voudrais donc qu’en tout lieu » retentisse cette prière universelle, « sans colère ni contestation ».
L’Instructeur Paul sait que, dans les Églises dont il a la charge, certains membres ne sont pas prêts à prier pour tous les acteurs de la société, ni pour des gouvernants hostiles à la foi. Mais les chrétiens nbe peuvent que partager les destinées de la société, telle qu’elle est et non telle qu’ils la rêvent. S’ils veulent qu’elle change, qu’on en appelle d’abord à la force de Dieu – la grâce -, et non à la rancoeur ou à l’amertume de la vengeance et de haine. Ce genre de prière constitue un bel exercice de discernement spirituel : nous ne savons plus le pratiquer ! De la religion, notre société n’a retenu que les fêtes chômées, instrumentalisées en festivals commerciaux !
GB : IL FAUDRA PAYER POUR VOIR LE PAPE
Nous apprenons même – horresco referens -, que les messes de l’imma/inent voyage du Pape en UK 16 au 19 septembre seront payantes : entre 12 et 30 euros !
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Sur sa route vers Jérusalem - et ce qui l’attend ! -, Jésus n’a de cesse que de révéler les exigences de la vie chrétienne. « Welcome to the club ! ». Après les paraboles du grand cœur (24e dimanche), voici celle du Gérant « bluffeur », suivie de quelques tuyaux sur l’usage de l'argent : ironie, voire (un saint) cynisme. Voyons l’état de la question :
La parabole est simple. Convaincu de malversation par son patron, le gérant piégé envisage les débouchés réalistes qui s’offrent à lui après son licenciement. Ce trader avant l’heure n’en voit qu’une, frauduleuse : falsifier à la baisse les comptes des débiteurs de son patron. Ainsi trouvera-t-il des amis, satisfaits de l’opération, et qui, se dit-il, « m’accueilleront chez eux » (pour « un nouveau job » ?).
Laissons-nous aller à penser - de manière impie, bien sûr ! - que, si Luc faisait parler Jésus aujourd’hui, c’est de «traders pourris » (sauf votre respect !) qu’il ferait l’éloge, à la seule condition pourtant que ces derniers mettent le montant de leur fraude au service des pauvres, et tournent les lois en ce sens. Quelque chose entre Robin des Bois et Ivanhoé, en somme !...
Ce dont nous n’avons pas (eu) d’exemples (jusqu’ici) !
Provocante, en effet, la conclusion de la parabole :
- « Et le boss loua ce gérant trompeur ».
Mais sans doute doit-on lire :
- « Et Jésus loua ce gérant trompeur ».
On attendait un blâme, voici un compliment : Quel voyou, certes, mais quelle adresse pour sortir du piège ! Jésus est-t-il un homme/un dieu « moral ». Il me semble plutôt inviter à trouver une autre manière de vivre – a new way of life -, à la lumière de son « message », même quand il se sert d’exemples « tordus » ! Jésus travaille « offshore », il crie à Pierre : « Duc in altum » !
L’anecdote - s’il s’agit d’un fait divers à lui rapporté (sait-on jamais, « Marianne » a peut-être un ancêtre contemporain de Jésus!) -, l’anecdote inspire Jésus. Ceux que très charitablement il appelle « les fils de ce monde » - souvent des crapules en complet trois-pièces -, dit-il, ne voient que leur intérêt. Mais il faut reconnaître qu’ils sont bien plus vifs et avisés que « les fils de la lumière », les disciples, parfois plus naïvement pieux qu’actifs et pratiques. (L’affaire Williamson est là pour nous le rappeler !)
Le propos n’est-il pas ac-tu-el ?
C’est à ce moment, et à ce moment seulement, que Luc greffe sur la parabole une exhortation qu’il met dans la bouche de Jésus (« Eh bien moi, je vous le dis... »). Et en bon compilateur, en bon docteur enquêteur, Luc regroupe ici diverses paroles de Jésus sur le problème de l’argent.
Problème :
- Quand on est « fils de lumière », comment utiliser l’argent avec habileté, puisqu’on aura soi-même à rendre des comptes devant Dieu ?
- Quel chrétien en effet oserait prétendre que l’usage de l’argent ne fait pas partie de la vie de foi ?
La réponse procède en trois temps.
a) Un conseil.
- Comme le gérant de la parabole, il faut se faire des amis avec l’argent. Dont acte !
- Mais ces amis doivent être les pauvres - qui sont, ne l’oublions pas, les premiers invités de Dieu, selon la théologie de Luc.
- L’argent est « trompeur » : on ne l’emporte pas avec soi dans la tombe, ni au paradis !
- Partageons-le donc avec les pauvres (Monsieur Vincent, l’Abbé Pierre, Sœur Emmanuelle, le père Joseph Wresinski)
- et ceux-ci nous « accueilleront dans les 5 ***** éternels ».
b) Un proverbe et son application (« Celui qui est digne de confiance dans une toute petite affaire... »).
- Certes, l’argent n’est pas le bonheur que nous attendons de Dieu : ne faisons pas corps avec lui, qu’il reste « étranger », accessoire : toujours aussi nécessaire qu’insuffisant !
- OK, mais il n’empêche !
- Attention : notre usage de l’argent constitue un test de la confiance que Dieu peut nous accorder pour l’essentiel.
c) Enfin, une dernière leçon.
- Celui qui se rendrait esclave de l’argent, tout en prétendant servir Dieu, serait un imposteur et irait à l’impasse (de Marcinkus à Maciel).
- Il serait dans la douloureuse et réelle situation de certains esclaves antiques appartenant à deux maîtres à la fois, écartelés par des ordres contradictoires (Dieu et Mammon).
- À la différence de certains diatribes primaires, Luc POURTANT ne diabolise pas l’argent.
- Il en fait au contraire une valeur réelle et difficile à gérer, un test de notre fidélité à l’Évangile, et l’on voit bien, sous la plume de Luc, en quel sens.
“Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient pour l'usage de tous”, souligne Gaudium et spes, au n° 69. Dans la montée vers Jérusalem, c'est l'urgence que Jésus, de son côté, ne cesse de souligner. Le règne de Dieu est toujours à portée de la main : mais le temps aussi est toujours court, et l'objectif est toujours le même. Si l'on veut se mettre en route à la suite de Jésus une bonne fois pour toutes, eh bien, il semble qu’il ne nous reste qu’à nous détacher de nos biens, matériels ou non, et à les partager.
Pas renoncer à tout, mais partager. Comme Zachée (Lc 19, 1-10)!
Ce jour-là, Dieu sera le seul Maître.
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