Non nobis, domine, non nobis,
sed nomini tuo da gloriam !
24 octobre 2010
30ème dimanche du Temps ordinaire
Textes :
1. Si 35,12-14.16-18.
2. Ps 34(33),2-3.16.18-19.23.
3. 2 Tim 4,6-8.16-18.
4. Lc 18,9-14.
Comment réagir devant l’adversité ? Comment Dieu peut-il être présent dans ces moments-là ? Où était Dieu au moment d’Auschwitz, hurle Elie Wiesel ? … Qu’est-ce que j’ai bien pu faire au Bon Dieu pour mériter ça ? crie chacun qui souffre sen lui, ou dans sa famille…
Les textes de ce dimanche ne répondent pas a priori à ces questions ! Parce qu’il n’y a pas de réponse. Ils rapportent comment l’homme peut se maintenir – s’il y arrive avec le secours de son courage, de l’espérance et de la grâce -, dans un constant dialogue avec un Dieu « incompréhensible » censé venir le sauver ! Et cette capacité est bien sûr une force pour traverser les mauvais « pas ».
Il apparaît que chaque texte proposé à notre méditation est susceptible d’apporter quelque motif de ne pas désespérer !
On nous parle
- d’un Dieu qui entend la prière de ceux qui n’ont d’autres recours que lui (1° lecture et psaume) ;
- et d’un homme capable de se tourner vers lui en toute confiance, et malgré tout, car il sait/sent au fond de lui que ce Dieu peut effectivement le sauver (2° lecture) :
- plus encore, ce Dieu semble prendre de façon déterminée, le parti de celui qui ne sait plus où il en est, plutôt que de celui qui sûr de lui et de son droit (Évangile) !
En effet qui peut être jamais sûr de soi ? Quelle prétention que celle d’être convaincu de n’avoir rien à se reprocher, au point de mépriser les autres : par pensée, par parole, par action… et par omission ! Elle est pour eux, cette parabole, dont la scène a du être observée plus d’une fois par Jésus qui hantait les parvis du Temple, enseignant tous ceux qui voulaient l’écouter : Chaque jour j'étais assis dans le temple, où j'enseignais, et vous ne m'avez pas arrêté. Mat 22
Qu’est-ce cette humilité qui donne sa couleur à notre prière, si et quand nous prions, qui s’adapte en somme ce que nous vivons à la façon dont nous nous adressons à Dieu ?
Il y a donc celui qui dit : « Mon Dieu, prends pitié du nul que je suis ! » Et l’autre…
Dieu fait-il une différence entre les hommes ? Si l’un s’exprime comme ceci et l’autre comme cela, c’est que l’un des deux prend garde de ne pas considérer la grâce comme un acquis ; et l’autre oui !
Jésus nous propose de nous mettre un instant à la place de Dieu : comment considérerions-nous ces deux hommes montés ce matin-là au temple ?
Pour répondre, il suffit de nous écouter nous-mêmes : comment entendons-nous les cris de nos concitoyens aujourd’hui ? Pas en Somalie ou au Bangla Desh, mais du côté de chez nous, dans nos rues, à nos frontières, dans nos files d’attente aux agences pour l’emploi, aux soupes de la nuit…Je suis sûr, pour ma part, à la fois que ces cris de pauvres nous concernent, et que nous ne savons pas quoi faire (de plus que nous avons peut-être déjà fait, en donnant à Emmaüs, par exemple) !
Si « la prière du pauvre traverse les nuées », c’est que Dieu attend que nous le laissions s’incarner en nous, comme – nous le croyons -, son fils Jésus l’a fait : oui, il attend – où et qui que nous soyons -, que nous « devenions » les uns des autres !
La globalisation généralisée et l’abolition des frontières du vieux monde ont jeté sur les routes de la quête au bonheur et à la liberté, tout ce que les autres mondes de la misère et de l’exclusion recèlent de pauvretés, de souffrances et d’injustices. Eh oui, tant qu’il s’est agi de les charger des tâches que les nationaux rechignaient à assumer (du ramassage des ordures au bâtiment), africains et maghrébins furent chez nous les bienvenus !... Tant qu’il s’est agi de musique et de danses tziganes, tout Rom était bon à pendre !... Ce temps est révolu : définitivement ! Les « pauvres » d’aujourd’hui, non seulement ne mangent pas à leur faim, mais sont déclarés apatrides, et par « là » d’où ils viennent, et par « là » où ils (sur)vivent avant d’être « reconduits » !
Comment une communauté chrétienne pourrait-elle s’enfermer sur elle-même ? A la suite de son Maître, ne devrait-elle pas aller…, et pas seulement crier au secours ? Car c’est bien dans la lignée de l’Incarnation de ce Jésus venu prendre notre humanité, que nous serions censés agir. Là où retentit le cri du pauvre, c’est là qu’il faut être présent !
« Me voici déjà offert en sacrifice, » dit l’Apôtre. Il y a tellement de misères et de pauvretés dans le monde, je sais que je n’en viendrai pas à bout. Je ne suis pas meilleur que les autres, la seule possibilité qui m’est offerte est de suivre l’exemple du Maître. Presque comme une nécessité inéluctable ! Comment faire autrement ? Quoi faire d‘autre ? Sinon tout sera alors compromission, marchandage, calcul, évaluation des risques et des faisabilités, et report sursitaire de décision, de commission en commission, … dans les siècles des siècles !
« Me voici déjà offert en sacrifice ! ». C’est le témoignage suprême de Paul qui a tout laissé pour le Christ : sa vie, certes, mais aussi son passé, sa tradition, sa conviction. Il sait maintenant qu’il ne sortira de sa prison romaine que pour aller au martyre : c’est le moment pour ce grand voyageur de la mer de larguer les amarres et de passer sur l’autre rive.
Il est resté fidèle ! « Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle ». Voilà, selon lui, la véritable « ouverture à Dieu » et « aux autres » : lier prière et action envers les pauvres. Et rendre grâce !
Ben Sira - l’auteur du livre du Siracide, notre premier texte -, parle de Dieu comme d’un juge impartial, juste, qui écoute les cris des sans voix et des sans parole – à l’époque, la fameuse triade “ veuves, orphelins, opprimés ”. Le fait de présenter Dieu de cette manière, c’est reconnaître – en 200 avant JC -, qu’il y a une Loi, et que cette Loi protégeant les plus faibles, est bien souvent oubliée des hommes. Ben Sira rappelle que chez Dieu, il n’y a pas de passe-droit. Certains privilégiés semblent effectivement obtenir tout dans leur vie terrestre, même s’ils se fichent de la Loi de Dieu en général et des pauvres en particulier, qui de leur côté - fidèles ou non à la Loi et à l’amour de Dieu -, subissent en tout cas toutes sortes d’épreuves. Apparences trompeuses qui parfois démontrent le contraire, mais que le temps de Dieu démasquera !
Le Psaume va dans cette la continuité : voilà un homme qui chante pour avoir expérimenté le pouvoir de salut de son Dieu, et qui lui rend grâces. Il sait que son Dieu lui est attentif, particulièrement quand il souffre, qu’il l’écoute et le délivre. Glissant du “ pauvre ” au “ juste ”, c’est lui toujours, dans son combat contre lui-même, son « meilleur » ennemi : mais son Dieu est avec lui. Emmanuel !
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Alors comment « se tenir devant » Dieu pour lui parler ? Quelle est la juste attitude ?
Quelque part la prière du Pharisien est une prière, qu’on pourrait même qualifier d’humble :
- il est à la fois conscient de sa justice, et affirme aussi que celle-ci est un don de Dieu ;
- il remercie ouvertement Dieu de la grâce qu’il a reçue d’être un homme juste.
Est-il si incongru de rapprocher son attitude de celle de Paul :
- “ J’ai combattu le bon combat, j’ai fini la course, j’ai gardé la foi... ”
Quant au Publicain, il n’ose même pas lever les yeux : “ Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! ”
Ø Ils ont donc prié chacun à sa manière !
Ø Mais pourquoi le Publicain sort-il du Temple justifié, et pas le Pharisien ?
Ø Que s’est-il produit ?
Ø Quelle a été la différence ? Seulement celle de l’humilité et de l’orgueil ?
Il semble qu’il y a peut-être justice et justice ! Celle que Dieu accorde et celle qu’ « on s’accorde soi-même », où Dieu n’est au fond qu’un faire-valoir.
Le Publicain, lui, n’ « utilise » pas Dieu, il ne l’ « instrumentalise » pas ! Il n’a qu’à se regarder lui-même pour se voir tel qu’il est : en état de « besoin » ! Et il découvre par le fait même, et sa capacité personnelle et la nécessité objective de saisir l’occasion de croître et de renouveler sa vie, de repartir à zéro !
Il y a le Dieu des règles, celui du « permis à points » : respecter le règlement, c’est s’assurer son salut.
L’autre ne s’achète pas, même avec une vie vertueuse. Il est miséricorde : c’est sur elle que sont fondés la justification et le salut qu’il est toujours disposé à nous offrir, et non pas sur nos bonnes actions et nos vertus.
Ce Dieu-là brouille toutes nos pistes : c’est du chaos originaire qu’il ne cesse de nous tirer !
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