dimanche 27 mars 2011

Va te laver… tout…

Va te laver… tout…

03 Avr
4ème dimanche Carême
Laetare

-          1 Sam. 16,1.6-7.10-13.


Le pouvoir de guérison est toujours dangereux à exercer, surtout quand il peut être pris pour de la magie, blanche ou noire ! Quand Jésus s’y adonne, il semble que ce soit pour exercer en fait et révéler en clair sa mission. Les mots sonnent peut-être un peu de façon clinquante, ainsi c’est ainsi ! Il est venu, nous dit-il et toute la théologie après lui, pour rétablir l'humanité dans sa dignité première. Aujourd’hui Jean nous rapporte un magnifique exemple archétypal, puisé dans la mémoire collective de la création du monde.


Jésus se penche aujourd'hui sur le limon de la terre d'où nous avons été tirés (Genèse 2, 7). Il refait le geste initial du Créateur en y ajoutant un remède de l'époque: les blessures guérissaient mieux, selon la coutume populaire, si l'on y appliquait de la salive.

Il le fait donc : boue et salive. Il en enduit les yeux de l'aveugle et l'envoie à une piscine du bas de la ville, celle de l’Envoyé (c’est ce que veut dire « Siloé » ! Intéressant non ? L’envoyé de Dieu envoie l‘aveugle se laver les yeux, chez « l’envoyé » !).
L'aveugle y court bien sûr ! Et si c’était vrai ! Il veut tellement voir, qu’il prend tout ce qui se présente ! Il veut voir absolument… Il ne sait pas que sans le savoir, il va/veut voir… l’envoyé de Dieu lui-même !


C’est pourquoi le texte fonctionne comme aux premiers jours de la création ! « Il lava ses yeux dans la piscine et il fut baptisé dans le Christ » dit Augustin (Tractatus in Ioannem, 44, 2).

Et Jean nous monte une véritable pièce de théâtre, avec toutes les opinions possibles, ténébreuses et perverses, et les contradictions des maîtres du droit et de la justice…C'est un récit plein d'ironie sur l'illogisme et la bêtise crasse de ceux qui s'opposent au bon sens comme à la foi. L'aveugle a pourtant trouvé - sur la route de l’envoyé à l’envoyé -, l'unique source de la lumière. Voilà, il voit, enfin !

La scène rédigée vers les années 100 illustre bien ce qui a du se dérouler du temps des premiers chrétiens, de ceux qui, eux aussi, avaient vu la lumière dans les yeux de l’Envoyé ! Il leur fallut sortir de la synagogue pour avoir reconnu le fils de Dieu en cet envoyé : c’était vers 80, à la suite de la célèbre assemblée des pharisiens tenue à Jamnia.

Comme beaucoup de chrétiens de cette époque, les parents de l'aveugle-né se défilent: ils ont peur d’être mal vus, ils se rallient aux « aveugles volontaires » pour n'être pas exclus comme ceux qui se s’étaient ralliés à l’Envoyé. De leur côté, les « autorités » qui prétendaient tout connaître de Dieu, et qui se croyaient inébranlablement  établis dans la vérité, se bouchent les yeux et les oreilles. « Sourds et muets devenus », ils ne voient ni n’entendent plus… qu’eux-mêmes ! Ils rejettent l'évidence pendant que l'aveugle qui voit, maintenant guéri, poursuit seul sa démarche jusqu’au bout, pour enfin reconnaître en Jésus l’Envoyé qui l’a envoyé à l’Envoyé. 


Il peut toujours se demander où est le problème sinon dans le crâne de ses opposants. Il se le demande encore ! Et nous avec !  Car nous, il nous faut nous demander aussi – un jour ! -, de quoi nous avons besoin  d’être guéris !  Quels gestes faut-il poser ? Quel envoyé nous enverra vers quelle piscine ? Car à la fin, c’est l'aveugle qui voit, et les maîtres qui sont aveugles ! Renversement anti miraculeux !

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Que va-t-on pouvoir évoquer comme excuse ? Quelle culpabilité ? Celle de nos parents ou de nous –mêmes l'homme quand nous étions encore dans le sein maternel ?
Jésus écarte toutes les explications mais n'aborde pas pour autant la question de la souffrance innocente ! Sa réponse (« pour qu'en lui soient manifestées les œuvres de Dieu ») n'est pas non plus une explication de cause (comme si Dieu l'avait rendu aveugle pour pouvoir le guérir) mais une explication de circonstances :
cet homme est aveugle,
je vais le guérir
et la gloire de Dieu sera ainsi manifestée.

« L’homme qu'on appelle Jésus » ; lui ne l'appelle pas encore Jésus - c'est-à-dire « sauveur »!
C’est à ce moment que commence la confrontation avec les pharisiens. L'enquête est d'abord honnête : ils s'informent. De toute façon, on doit condamner un faiseur de prodiges qui de plus – le comble ! -, incite à mépriser la loi du sabbat !

Ils ne savent pas encore que le sabbat est fait pour l'homme, et pas le contraire …

Mais ce qui coince, c’est que la guérison est patente ; alors, à la fin, ils usent de la force, l'argument des faibles.
C'est l'itinéraire exactement inverse de l'aveugle !  Car lui, il a une excellente théologie en 3 points :
  1. Jésus est un homme de Dieu, un « prophète » qui accomplit loyalement sa mission ;
  2. le fait du miracle atteste qu'il n'enfreint pas la loi de Dieu, sinon Dieu ne l'exaucerait pas !

  1. Et son ironie éclate quand il dit que l'étonnant pour lui est que les autorités ne sachent pas « d'où vient Jésus » !  
Et il est exclu ! L'aveugle est le premier chrétien exclu de la communauté juive !

Alors seulement se produit le « révélation » :
Jésus lui pose la question de la foi :
  • « Crois-tu au Fils de l'Homme ? »
  • « Tu le vois, c'est lui qui te parle »
Ø      Deux verbes clés dans la bouche de Jésus : voir et écouter : les deux aspects de l'unique révélation.
Ø      Et l'aveugle se prosterne : dans le Temple (Yahvé) certes,  mais devant Jésus (Le Christ)!

La Foi est donc progressive pour l'aveugle : une véritable mystagogie.
  1. Il obéit d’abord : l’obéissance de la foi !
  2. Après le bain dans l'eau de « Siloé / l’envoyé », il voit clair, puis il témoigne du fait.
  3. Puis, il témoigne de Jésus : c'est un prophète !
  4. Enfin, il déclare « Je crois ! » et se prosterne.
*     *
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Le plus terrible, c’est que Jésus ne condamne pas les pharisiens ; il les avertit seulement afin qu'ils découvrent tout l'enjeu de la reconnaissance ou de la non-reconnaissance de Jésus : rien moins que demander la guérison de l’aveuglement !
Par leur crispation psychorigide sur leur savoir, les hommes – d’Eglise, souvent -, s'empêchent eux-mêmes de voir et empêchent Dieu d'agir pour eux en vue de les guérir !
Et comme ils n’écoutent rien ni personne, on ne peut même pas leur dire : A bon entendeur, salut !


Laetare !!!

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