La parole et le pain
3e Dimanche de Pâques - B
22 Avril
Luc
aime raconter, et il raconte très bien, tout médecin qu’il soit ! Ou
plutôt « parce que » c’est un médecin attentif aux
« histoires » de ses patients !
Il
nous donne en tout cas trois récits d’apparition après la résurrection. Dans
deux de ces récits - Emmaüs et aujourd’hui - Jésus termine la rencontre par une
explication de textes (des Écritures) : «Alors il leur ouvrit l’esprit à
l’intelligence des Écritures.»
Le
fait qu’on soit présent à un événement ne veut pas dire que nous comprenons / avons
compris « ce qui arrive ». On peut vivre une expérience sans en
saisir (immédiatement) le sens ! (D’où ma psychanalyse du bon Docteur
Freud!)
A
l’évidence, les premiers compagnons en administrent la preuve avec la mort et
la résurrection de leur chef… Ils ont bien vécu l’expérience, mais « tout
cela » n’avait pas de sens pour eux, jusqu’à ce qu’il vienne « sur la
route », et en maître (didaskalos), leur ouvrir l’esprit à l’intelligence
des choses qui le concernent en rapport avec les Écritures.
D’après
l’ « enquête » de Luc, les voyageurs d’Emmaüs
-
étaient bien présents
à Jérusalem lors du procès, de la condamnation et de l’exécution de Jésus.
-
Le matin de
Pâques, ils ont bien rencontré les femmes qui ont trouvé le tombeau vide.
- Ils savaient bien
que Pierre et Jean étaient allés au tombeau et n’y avaient pas trouvé le corps
de Jésus.
-
C’est alors que,
découragés, ils décident de retourner chez eux.
-
Sur la route, quelqu’un
se joint à eux et ils ne savent pas qui il est.
-
Ils lui parlent
de leurs espoirs déçus.
-
Ce n’est que
lorsque Jésus – puisque c’est lui -,
* explique les textes qui parlent de lui (liturgie de
la parole)
* et partage le pain et le vin avec eux (liturgie
eucharistique)
-
qu’ils le
reconnaissent et qu’ils comprennent le sens des événements récents : «Il
fallait que s’accomplisse tout ce qui a été dit de moi dans la Loi de Moise,
les Prophètes et les Psaumes».
Une
anamnèse ! CQFD !
La
leçon ? Nous sommes explicitement et directement invités par « ce
mystérieux voyageur » - et qui restera « mystérieux » tant qu’on
ne le re-connaîtra pas !-, à lire et à relire les Écritures, et ce, non
seulement pour le mieux connaître, lui, mais, de plus, pour mieux nous comprendre
nous-mêmes, et le sens de notre vie. La profondeur, voilà ce qui nous
manque ! La profondeur ! Car cette Parole s’adresse à l’intelligence
du cœur : on ne voit bien qu’avec lui, disait le Petit Prince, comme en
écho au Grand Prince qu’est Jésus, 2000 après !
Là
où nous « n’y voyons goutte », ou tout au mieux qu’une goutte d’eau,
le chercheur y découvre tout un monde de molécules, de bactéries, de vie
microscopique… Là où nous ne voyons souvent qu’une réalité journalière
« incolore, inodore et insipide », le poète et l’artiste y voient un
monde plein de beauté et de poésie.
Le
chrétien ne peut faire l’économie de sa mémoire : c’est sa nourriture
nécessaire. Elle doit devenir sa « langue maternelle » : parler
comme on se souvient ! Alors - mais alors seulement -, elle devient
créatrice en lui, de la fécondité même de dieu. Isaïe disait : «Comme la
pluie et la neige descendent des cieux et n’y remontent pas sans avoir arrosé
la terre, l’avoir fécondée et fait germer, pour qu’elle donne la semence au
semeur et le pain comestible, de même la parole qui sort de ma bouche ne me
revient pas sans résultat, sans avoir fait ce que je voulais et réussi sa
mission».
Comme
à Emmaüs, c’est cette parole-là et le partage du pain et du vin qui ont rendu
et rendent la présence du Christ agissante parmi nous.
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