mardi 5 avril 2011

22 Avril 2011 Vendredi Saint Mors et vita duello

22 Avril 2011 Vendredi Saint   Mors et vita duello




Textes
-          Ps 31,2.6.12-13.15-16.17.25.       
-          Heb. 4,14-16.5,7-9.
-          Jn 18,1-40.19,1-42.

C’est depuis ses 100 ans d’âge et son exil maritime que Jean, plus que les autres évangélistes, contemple la passion du Christ. La lumière de sa résurrection a ébloui sa vision depuis plus de 80 ans !
Les trois autres écrivent entre 30 et 60 ans après les jours tragiques qui mirent fin à la vie terrestre du Christ. Jean écrit seulement vers la fin du 1er siècle de notre ère et peut-être est-ce même au début du 2nd ! Sa longue méditation lui a révélé que Jésus n’a pas seulement subi ses souffrances et sa mort. Il n’a jamais cessé d’être le maître de son destin « Ma vie, nul ne la prend. C’est moi qui la donne » (Jn, 10,18). Jean veut montrer que le crucifié, ce Jésus qui subit le supplice honteux des esclaves, est en fait déjà « royal, couronné, glorieux ».

Et sa Passion est d’abord « l’Heure de sa gloire !» Paradoxe de la foi !
Si à  Cana, « l’Heure n’était pas encore venue » (Jn 2,4). A la Passion, elle est venue. Heure unique comme est unique pour la femme l’heure des douleurs et « la joie qu’un homme soit venu au monde » (Jn 16, 21). Si Jésus l’appelle « mon Heure », c’est qu’en elle s’achève sa mission terrestre et se consomme l’œuvre pour laquelle il s’est incarné. Elle est « l’Heure » de sa vie en son sommet, l’heure où il vient au monde récapitulé de la vie et de la mort, de l’homme qui revient à Dieu, du temps qui rentre dans l’éternité !

Christus innocens Patri reconciliavit peccatores
Le Christ innocent ramène les égarés à Dieu le Père

Voici que sonne au cœur de l’empire des hommes l’Heure centrale de l’histoire humano divine à laquelle tout est suspendu. Et Jean, par delà les acteurs immédiats et le moment du drame, Jean a vu « en cette Heure » l’affrontement entre la lumière et les ténèbres ainsi que le heurt brutal et décisif du mensonge et de la vérité, où se sont en un seul combat concentrées  toutes les forces du mal et toutes les forces de l’amour :

Mors et vita duello conflixere mirando
Formidable conflagration de la vie  et de la mort

De plus, en cette heure fugitive du Vendredi Saint, le regard d’aigle de Jean voit briller l’éclair du jugement du monde : l’Heure du jugement de Dieu, l’irruption de l’éternel dans le temps.
 « C’est maintenant le jugement de ce monde. C’est maintenant que le Prince de ce monde va être jeté en bas » (Jn 12, 31).
Dux vitae mortuus, regnat vivus.
Même mort le Prince de la vie règne

Car dans la mystérieuse « élévation » du Fils de l’Homme et de ce fils d’homme au sommet du gibet, Jean a deviné la résurrection et l’ascension du Christ (cf. Phil 2,8 vs.), et il l’unit déjà au plus profond des abaissements du supplice.

Ma royauté n’est pas de ce monde. Jean 18, 36

Comme nous l’avons vu hier,  le lavement des pieds  - scène propre à Jean  -, en est l’expression symbolique la plus émouvante... C’est un «  signe » qui saisit en une stupéfiante image la mission même d’un Sauveur humble et efficace. Bouleversant épisode qui décontenance Pierre absolument

« Toi Seigneur, me laver les pieds. Cela, jamais ! » (Jn 13, 6, 8).

Tout l’esprit de ce drame est contenu dans ce retournement (conversion, métanoia) opéré dans le coeur de Jean comme de Pierre par cette parole de Jésus.

« Si je ne te lave pas, tu n’as pas de part avec moi » (Jn 13, 8).

Contradiction jusqu’au scandale pour l’idée que les apôtres se faisaient du Messie!
Voilà leur « Seigneur et Maître » en tenue de service d’esclave aux pieds des siens !
Pire encore, il en fait une loi pour ses disciples

« Je vous ai donné l’exemple pour que vous agissiez comme j’ai agi envers vous » (Jn 13,15).

La gloire est d’abord présente dans l’humiliation même – volontaire, déterminée, préméditée -, du Vendredi Saint et jusque dans la mort qu’elle transfigure.


Chez Jean, c’est au Calvaire même que Jésus se révèlera Seigneur et Roi., le titre royal devient le pivot autour duquel tourne tout le procès qui aboutit à la crucifixion de Jésus. La présentation de Jésus au peuple en caricature de roi :
« Voici l’Homme, voici votre Roi » (Jn 19, 5-14),
en est, par paradoxe, l’intronisation : sanglante épiphanie royale.

Et en toute lucidité et souveraine liberté : « Lié » par les soldats (Jn 18, 12,24) « livré » à Pilate (Jn 19,10) Jésus domine chaque péripétie par la force de sa personnalité. L’événement le trouve prêt. Il a marché vers lui lucidement tout au long de sa vie.

Il sait ce qui va lui arriver (Jn 18,4)
« Qui cherchez-vous ? » – « Jésus le Nazaréen » – « C’est moi ! » -
 Les soldats reculent et tombent à terre (Jn 18, 4-6)

Enfin, quand il rendra le dernier soupir,  il « sait que tout est achevé ». Alors, avec la majesté du seul Prêtre Souverain qu’il est, offrant l’Unique sacrifice, le sien, Il remet son esprit au Père.
Et Jean reconnaît là « son acte le plus puissant et le plus délibéré ».


« Il fallait que le Fils de l’Homme soit élevé en croix
afin que tout homme qui croit ait par lui la vie éternelle » (Jn 3, 15).

La défaite du Vendredi Saint n’est qu’apparente : Jean, en visionnaire de la foi, y décèle  par avance les premières lueurs de la victoire


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